Depuis la visite du Roi Mohammed VI à Pékin en 2016, le rythme de renforcement des relations entre le Royaume du Maroc et la République Populaire de Chine s’accélère considérablement. Le Royaume est devenu une destination majeure des investissements chinois dans les domaines d’infrastructure et de la technologie, à un moment où le Maroc cherche à diversifier ses partenariats économiques et à renforcer sa position de hub stratégique reliant l’Afrique et l’Europe.
Dans un article publié par Al Monitor intitulé «What’s behind China’s deepening engagement with Morocco ?», la journaliste Sabena Siddiqui a déclaré que la grande société d’infrastructure chinoise de chemin de fer «Shanhaiguan Bridge» et la principale société allemande de technologie ferroviaire «Vossloh Cogifer» ont remporté des contrats d’une valeur de 56,2 millions de dollars plus tôt en octobre 2024 pour fournir des composants clés à l’expansion du réseau ferroviaire à grande vitesse au Maroc.
L’auteur a ajouté qu’après le lancement d’Al Boraq, le train le plus rapide d’Afrique inauguré en novembre 2018, qui roule à 300 kilomètres/ heure, le gouvernement marocain a exprimé sa volonté d’étendre le réseau de trains à grande vitesse, qui compte actuellement d’une longueur de 323 kilomètres, selon l’Office national des chemins de fer marocain (ONCF). Les mises à niveau souscrites soutiendront la ligne Kénitra- Marrakech, l’un des corridors de transport les plus vitaux du pays.
Parallèlement, la China Railway Design Corporation a lancé les études d'avant-projet pour la construction de la deuxième ligne ferroviaire à grande vitesse du Maroc, prévue pour relier Casablanca et Agadir. Cette expansion de la ligne ferroviaire à grande vitesse dans le Royaume trouve son importance dans plusieurs facteurs.
Tout d’abord, cela permettra de transporter les visiteurs à travers le pays pour la Coupe du monde 2030, que le Maroc organisera conjointement avec l'Espagne et le Portugal. Il réduira le temps de trajet entre les grandes villes marocaines et facilitera la circulation des marchandises, faisant du Maroc le principal hub logistique entre l’Afrique et l’Europe, selon l’analyste au FINRA in Washington, Zeeshan Shah.
Toutefois, commentant le rôle de Pékin dans l'expansion du service de train à grande vitesse au Maroc, le conseiller média marocain, Anas Mezzour, a déclaré que même si les entreprises chinoises ont remporté un certain nombre d'accords pour mettre en œuvre le train à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech, cela contribuerait à la concrétisation d’un volet important de l’initiative «la Ceinture et la Route» en termes d’infrastructures. Les projets de fabrication de batteries automobiles récemment signés avec de grandes entreprises chinoises contribuent encore plus au développement et à l’aspect économique du Maroc.
Dans son article, la journaliste a expliqué que le secteur chinois des véhicules à énergie nouvelle a un potentiel considérable au Maroc - le plus grand constructeur automobile d'Afrique avec la capacité de produire près d'un million de véhicules par an -, car ses réserves de matériaux de batterie essentiels accélèrent son émergence en tant que centre de fabrication de véhicules électriques. L'année dernière, le Maroc et la société chinoise Guoshen Hi-Tech ont signé un protocole d'accord d'une valeur de 6,4 milliards de dollars pour construire une grande usine de batteries pour voitures électriques près de Rabat.
Le Maroc et «la ceinture et la route»
En 2017, le Maroc est devenu l’un des premiers pays d’Afrique et du monde arabe à rejoindre l’Initiative «la ceinture et la route» lancée par Pékin, comme il est devenu un membre actif de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, dirigée par la Chine en décembre 2018.
Par ailleurs, en janvier 2022, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et le vice-président de la Commission nationale chinoise de réforme et de développement, Ning Jijie, ont signé la convention du plan de la mise en œuvre conjointe «la ceinture et la route».
En évoquant le plan de mise en œuvre de la ceinture et la route, le ministre de l’Industrie et du Commerce du Maroc, Ryad Mezzour, a déclaré que depuis lors, «les investissements économiques chinois au Maroc s’orientent vers un partenariat stratégique dans un format «gagnant-gagnant», compte tenu notamment de la disponibilité au Maroc des plus grandes réserves de phosphate et de plusieurs minéraux qui entrent dans l’industrie des batteries».
Cette convention vise à améliorer l'accès aux financements chinois, à mettre en place de vastes projets au Maroc et à faciliter les échanges commerciaux et les projets communs à travers la sélection de 14 secteurs importants et domaines prioritaires comprenant les infrastructures, la santé, l'agriculture, l'industrie, les énergies renouvelables et la technologie.
Soulignant le contexte géoéconomique du plan, Mezzour a déclaré qu’il faisait du Maroc un «connecteur économique» avec lequel la Chine peut coopérer pour exporter ses produits industriels vers l’Europe et l’Amérique du Nord.
En s’adressant au Al Monitor, Mezzour a noté que l’industrialisation des batteries de voitures électriques au Maroc était une étape très importante pour que le Maroc «maintienne sa position avancée dans l’industrie automobile, crée davantage d’opportunités d’emploi et développe les compétences des ressources humaines».
Entre autres, l’investissement chinois croissant dans le secteur marocain des TIC et les accords qui l’accompagnent entre Huawei et divers acteurs marocains, notamment des ministères et des établissements d’enseignement, constituent «une contribution majeure au développement du pays».
Relations économiques
En 2022, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial du Maroc et le premier partenaire en Asie, avec un volume total d'échanges commerciaux atteignant 7,6 milliards de dollars. Actuellement, les investissements chinois au Maroc atteignent environ 56 millions de dollars. Cependant, selon le rapport de China Going Global Investment Index 2023 publié par l’Economist Intelligence Unit, le Maroc était l’année dernière le troisième pays le plus attractif pour les investissements chinois en Afrique, après l’Égypte et l’Afrique du Sud.
Lors de sa récente visite au Maroc, le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao, a rencontré le ministre marocain du Commerce, Ryad Mezzour, et ce dernier a présenté le potentiel de la zone de libre-échange continentale africaine, qui constitue un moyen de développer les produits marocains et chinois destinés aux marchés africains prometteurs. Wang a noté que le Royaume est devenu une destination privilégiée pour les entreprises chinoises.
À l’heure actuelle, la Cité Mohammed VI de technologie de Tanger, une zone manufacturière et technologique parrainée par la Chine à l’extérieur de la ville côtière de Tanger, dans le nord du Maroc, abrite des dizaines d’entreprises chinoises. Zeeshan Shah a noté que les relations commerciales entre le Maroc et la Chine ont connu un essor au cours des dernières années, précisant qu'il y a eu une augmentation de 50% du volume des échanges commerciaux entre les deux pays depuis que le Maroc a officiellement rejoint l'initiative chinoise «la ceinture et la route» en 2017. Shah a ajouté qu'en quelques années seulement, la Chine a dépassé la France pour devenir la deuxième source d'importations en provenance du Maroc, notamment dans les secteurs de l'automobile et des composants de voitures électriques, étant donné que le Maroc est désormais le plus grand exportateur de voitures vers l'Union européenne.
En effet, le Maroc est «une destination attractive pour les investissements chinois dans la production de batteries et, à terme, dans l’assemblage de véhicules électriques, en raison de la présence d’une importante base de fabrication automobile dans le pays», a déclaré Shah.
Les joint-ventures chinoises au Maroc
Sur ce point, la journaliste a cité ce qui a été écrit par l'économiste de l'Académie chinoise des sciences sociales, Dong Liu, en 2019, lorsqu'il a souligné que le Maroc dispose d'un environnement prometteur pour développer une production industrielle à forte intensité de main-d'œuvre, ce qui lui donne un avantage pour transférer le potentiel manufacturier de la Chine au Maroc.
Bénéficiant d’une proximité géographique avec l’Europe, d’un environnement politique et économique stable et d’accords de libre-échange avec l’Union européenne et les États-Unis, le Maroc est devenu le lieu idéal pour établir des coentreprises pour les entreprises chinoises et occidentales. En exposant les avantages de cet arrangement, Shah a observé que le Maroc est devenu de plus en plus important pour la Chine, car il demeure «une tête de pont pour les entreprises chinoises qui exportent vers l’UE et il peut aider à contourner les éventuels droits de douane de l’UE sur les produits fabriqués en Chine en provenance directe de Chine».
En outre, Shah a déclaré que le Maroc donne à la Chine une portée sans précédent en ce qui concerne ses intérêts économiques tant en Afrique qu’avec l’UE, et qu’il est devenu «la principale porte d’entrée de la Chine vers l’Afrique du Nord et de l’Ouest en raison de sa géographie et de ses infrastructures de transport». Actuellement, le Maroc est également le seul pays de la région à posséder trois instituts Confucius, et c'est une destination populaire pour les touristes chinois, qui peuvent y séjourner sans visa pendant 90 jours.
Par Imane Ezzehouany, chercheur associé - Département des sciences politiques et sociales- Université de Cagliari – Italie