Ayons toujours pour référence les ambitions que s’est fixées le Maroc dans le cadre du nouveau modèle de développement (NMD) : accélérer la croissance pour atteindre un rythme moyen annuel supérieur à 6%, l’accession à ce nouveau palier devant permettre de doubler le PIB par habitant à l’horizon 2035. Près de deux ans après la publication de ce rapport, faut-il déjà y faire une croix ? De plus en plus, en effet, cet objectif de croissance semble être une belle chimère.
Après 1,2 à 2% prévu pour 2022, elle devrait s’établir autour de 3% en 2023. Le FMI table sur une croissance de 3% cette année, tandis que la Banque mondiale estime qu’elle sera de 3,1% en 2023, d’après ses prévisions de février dernier. Lesquelles ont été revues à la baisse par rapport à janvier (3,5%). De son côté, le haut-commissariat au Plan prévoit, dans son Budget économique prévisionnel 2023 présenté en janvier, une progression du produit intérieur brut de 3,3%, après 1,3% en 2022.
De toutes les projections, celle de la Banque centrale reste la plus pessimiste : 2,6% cette année, avec une récolte céréalière qui devrait tourner autour de 55 millions de quintaux. Le point commun des différentes projections des institutions nationales et internationales : elles sont toutes entourées de fortes incertitudes. Qui tirent leur légitimité du contexte géopolitique international tendu, avec notamment les conséquences économiques de la guerre russo-ukrainienne, les impacts du resserrement de la politique monétaire et le maintien des prix à des niveaux élevés.
L’inflation étant largement supérieure aux objectifs en matière de stabilité des prix (2%), aujourd’hui toutes les Banques centrales sont confrontées à la même problématique : continuer à durcir leur politique monétaire en relevant le taux directeur pour tenter de faire reculer l’inflation, au risque cependant de sabrer la croissance économique.
On comprend alors mieux le malaise ambiant entre Bank Al-Maghrib et l’Exécutif, le premier essayant de ramener les prix à des niveaux normatifs, le second voyant ses objectifs de croissance en 2023 (4,5%) s’éloigner de plus en plus. Et il est peu probable que les tensions s’apaisent, d’autant qu’au regard des niveaux de prix actuels, les experts et autres prévisionnistes estiment que BAM devrait opérer une nouvelle hausse du taux directeur. De quoi raviver les tensions entre les deux parties. Le prochain Conseil de BAM risque d’être chaud bouillant.
Par F.Z Ouriaghli