Comme le Covid-19, l’inflation s’incruste et ne lâche pas l’affaire.
Certes, au Maroc le tensiomètre n’a pas explosé comme c’est le cas en Turquie, où les prix à la consommation ont bondi de 84,3% en novembre dernier, mais l’inflation reste à un niveau élevé. Surtout dans un pays où elle a été pendant des années contenue dans une fourchette de 0 à 2%.
En novembre, les tensions sur les prix se sont accentuées, l’indice des prix à la consommation ayant connu une hausse de 0,4% par rapport au mois précédent. L’inflation s’invite ainsi dans nos assiettes et dans notre quotidien en cette période de fin d’année, avec une augmentation de 0,4% de l’indice des produits alimentaires et de 0,5% de l’indice des produits non alimentaires.
Sur une année glissante, l’inflation a enregistré une hausse de 8,3% au cours du mois de novembre 2022, conséquence de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 14,4% et de celui des produits non alimentaires de 4,5%. Pour les produits non alimentaires, les variations vont d’une hausse de 0,1% pour la «Santé» à 14,2% pour le «Transport».
Le transport aussi flambe !
Le «transport» a pris plus de 14% sur un an. Et pourtant, en raison de l’augmentation des prix des carburants, le gouvernement casse sa tirelire depuis plusieurs mois pour contenir la hausse des prix dans ce secteur, notamment en ce qui concerne le transport routier. Mercredi dernier, il a été décidé d’accorder une 8ème tranche d’aide aux transporteurs, dont le montant sera calculé selon les prix de vente des carburants en vigueur.
Pour le gouvernement, l’objectif de ce soutien exceptionnel, qui concerne environ 180.000 véhicules et dont le montant global s’élèverait à 5 Mds de DH, est clair : face à la hausse des prix des carburants, maintenir le pouvoir d’achat des citoyens et garantir la continuité des opérations de transport et de financement des marchés et chantiers.
Pour les citoyens cependant, l’impact de cette aide n’est pas perceptible sur leur pouvoir d’achat. Simplement parce que les tensions sur les prix persistent : le panier de la ménagère reste cher pour moins de denrées alimentaires et les prix à la pompe, entre autres, restent à un niveau élevé. Et, actuellement, le litre de l’essence ou du gasoil au-dessus de 14,5 DH tend à devenir une normalité dans la conscience collective.
Alors, pourquoi pas une aide directe aux citoyens ? Le gouvernement, qui porte pourtant fièrement en bandoulière l’Etat social, dit niet, estimant sans doute qu’il en a suffisamment fait. Pas question donc d’imiter certains pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore notre partenaire historique, la France. Au pays de Macron par exemple, le gouvernement a su se montrer pragmatique et très généreux : bouclier tarifaire dès septembre 2021 pour freiner la hausse des prix du gaz et de l’électricité; bonus exceptionnel de 100 euros du chèque énergie distribué aux six millions de foyers les plus modestes; indemnité inflation de 100 euros aux 38 millions de Français percevant moins de 2.000 euros net par mois; remise à la pompe de 15 centimes hors taxe par litre (18 centimes après TVA) sur l'ensemble des carburants (instaurée en avril 2022 et prolongée jusqu’à la fin de l’année); chèque de 50 à 200 euros pour les Français se chauffant au bois; aide de 100 à 200 euros pour les 1,4 million de ménages modestes se chauffant au fioul et non couverts par le bouclier tarifaire.
Pas de détente à l’horizon
Les Marocains devront apprendre à vivre avec l’inflation. Comme ils le font d’ailleurs avec le Covid-19. Parce que les pressions inflationnistes vont continuer, malgré le resserrement de la politique monétaire initiée par Bank Al-Maghrib, qui vient d’augmenter son taux directeur de 50 points de base à 2,50%.
Entre les tensions externes (conséquences de la guerre en Ukraine et séquelles de la pandémie), dont les miasmes se répandent sur les biens et services non échangeables, et la mise en œuvre de la réforme du système de compensation à partir de 2024, autant dire que l’inflation a trouvé un bon point d’ancrage. Selon Bank Al-Maghrib, elle devrait ressortir à 6,6% en 2022, se situerait par la suite à 3,9% en moyenne en 2023, avant d’enregistrer un nouveau rebond en 2024 à 4,2%, en lien avec la décompensation programmée des prix des produits subventionnés.
Au regard de cette conjoncture particulière, il ne faut donc guère s’attendre à ce que l’inflation revienne à ses niveaux normatifs (entre 0 et 2%) de sitôt.
F. Ouriaghli