L'Espagne est en pleine tragédie. Les récentes inondations qui ont frappé le pays sont venues rappeler brutalement la force de la nature, face à laquelle nous ne sommes, bien souvent, que de simples spectateurs impuissants. Avec 217 morts, des disparus et des milliers de vies bouleversées, les images et les témoignages qui nous parviennent sont poignants. Désolants. Tristes.
A Valence, la région la plus durement touchée, la situation est désespérante. Les plongeurs tentent encore de s’aventurer dans les sous-sols inondés du centre commercial Bonaire, une gigantesque structure de presque 6.000 places plongée dans l’incertitude et la boue, presque un symbole d’une Espagne en train de lutter contre un ennemi invisible. On craint ce que l’on pourrait découvrir dans ce labyrinthe submergé.
«En bas, c’est une terrible inconnue. Nous ne sommes pas sûrs de ce que nous allons trouver», a confié le maire d’Aldaia, Guillermo Lujan, avec une prudence tremblante. Pour lui, comme pour les habitants, chaque mètre carré dégagé d’eau pourrait signifier une découverte tragique. Pendant ce temps, les rues de cette ville détrempée de Valence et des environs sont transformées en reliques d’un autre temps. Les quartiers autrefois animés sont devenus terrains de fouilles pour des secouristes dont les gestes, mesurés et précis, traduisent mieux que n’importe quel discours officiel la gravité de la situation.
Une situation qui pourrait se compliquer davantage au regard des risques sanitaires annoncés. Mais au-delà des larmes et de la détresse, la colère gronde au sein d’une population qui se sent trahie et délaissée. Lorsque le roi Felipe VI et la reine Letizia ont foulé les terres inondées de Paiporta, les habitants, épuisés et exaspérés, les ont accueillis avec des invectives et des jets de boue. Le Premier ministre, Pedro Sanchez, a aussi dû être évacué face à une foule hostile qui accuse le gouvernement de lenteur et d’indifférence et qui refuse d’être étouffée dans le silence des protocoles d’Etat. Et en ces moments de deuil, où les corps des victimes commencent à être restitués petit à petit aux familles après identification, c’est la question des responsabilités qui émerge lentement à la surface. Et des interrogations lancinantes reviennent en permanence au sein d’une population très remontée : Pourquoi n’a-t-on pas mieux anticipé cette crise ?
Pourquoi ce manque de réactivité des autorités espagnoles ? La réponse, pour l’instant, semble encore embourbée dans les balbutiements des responsables politiques. Mais pour les habitants de Valence, qui pataugent dans leur colère autant que dans la boue, ces tentatives d’explications sonnent, évidemment, creux. Alors, que restera-t-il une fois les eaux retirées et les caméras éteintes? Sans doute, encore une fois, des promesses de plans d’urgence, des commissions d’enquête et des mots cosmétiques échangés sur les plateaux télé.
Par F.Z Ouriaghli