Moyen-Orient : L’engrenage infernal

Moyen-Orient : L’engrenage infernal

Le Moyen-Orient reste fidèle à ses anciennes dynamiques : une poudrière prête à exploser à la moindre étincelle. 

La guerre entre Israël et le Hamas, que l’on a bien du mal à qualifier de simple «conflit», tant elle semble enracinée dans une logique d’intransigeance réciproque, est une partie de ce vaste tableau qu’est le Moyen-Orient. Depuis des décennies, les hostilités entre ces deux entités se succèdent avec une régularité presque mécanique. Et chaque nouvelle flambée de violence amène son lot d’escalades, de ripostes, d’attaques meurtrières, d’indignation internationale, et de… rien. Parce qu’au fond, au-delà de la rhétorique enflammée et des manœuvres diplomatiques, la question reste entière : comment sortir de cette impasse où chacun campe sur ses positions, l’arme à la main ?

Le Hamas, retranché dans la bande de Gaza, mène une guerre d’usure contre Israël. De l’autre côté, l’Etat israélien, fort de sa technologie militaire avancée et du soutien américain, riposte avec une puissance disproportionnée qui provoque souvent des dégâts collatéraux massifs. A Gaza, dans ce qu'on peut qualifier de génocide, près de 42.000 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023, en majorité des civils, dans une quasi indifférence générale. 

Le Hezbollah dans la danse

Comme si cela ne suffisait pas, le Hezbollah complique encore la donne. Installée au sud du Liban, cette milice chiite, financée et armée par l’Iran, représente une épine dans le pied d’Israël. Leur hostilité mutuelle n’est un secret pour personne, et chaque mouvement dans l’arène israélo-palestinienne entraîne potentiellement le Hezbollah dans la danse.
D’ailleurs, depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël, le conflit Israël-Hezbollah s’est envenimé, avec une escalade meurtrière ces derniers jours. 
Tsahal a intensifié ses bombardements au sud Liban, provoquant plus de 600 morts et la fuite de milliers de personnes. Samedi 28 septembre, Israël a lancé une frappe ciblée sur le quartier général du Hezbollah à Beyrouth, causant une série d'explosions dévastatrices. Hassan Nasrallah, le chef historique du Hezbollah, a été tué. Un coup dur pour l’organisation, car Nasrallah a dirigé le Hezbollah d’une main de fer depuis 1992.

Sous son leadership, l'organisation est passée d'un groupe paramilitaire relativement modeste à une force régionale capable de rivaliser militairement avec Israël, tout en jouant un rôle politique clé au Liban. La disparition de Nasrallah pourrait laisser un vide stratégique difficile à combler dans la direction du Hezbollah, affectant non seulement la capacité de l'organisation à riposter, mais aussi sa structure interne.

Sauf que sur le plan régional, cet événement pourrait provoquer une escalade majeure du conflit Israël-Hezbollah : une guerre entre les deux belligérants ne serait pas une simple «réédition» du conflit de 2006. Aujourd’hui, même si les frappes de l’armée israélienne ont fait des dégâts majeurs dans l’arsenal militaire du Hezbollah, ses capacités se sont considérablement améliorées par rapport à 2006, fort de l’appui de l’Iran.

Résultat ? Une situation explosive qui peut potentiellement se transformer en un conflit régional bien plus large, avec comme protagonistes Israël, le Hamas, le Hezbollah, l’Iran, voire les Etats-Unis. C’est pourquoi d’ailleurs les Nations unies parlent déjà de «guerre imminente et totale» et que les chancelleries occidentales appellent à la «nécessité du dialogue». Mais tout le monde regarde, impuissant, l’engrenage s’accélérer.

Dessous géopolitiques 

Bien sûr, le Moyen-Orient ne serait pas le Moyen-Orient sans ses intrigues géopolitiques internationales. La guerre entre Israël et le Hamas, comme celle avec le Hezbollah, ne peut être détachée du jeu d’influence des grandes puissances. Les Etats-Unis, soutien indéfectible d’Israël, continuent de jouer leur rôle de protecteur. Les récentes administrations américaines, qu’elles soient démocrates ou républicaines, ont toujours veillé à ne pas laisser l’Etat hébreu sans appui stratégique, tout en tentant, avec plus ou moins de succès, d’impliquer les pays arabes dans des accords de paix.

A l’opposé, l’Iran, acteur incontournable de la région, utilise le Hezbollah comme levier pour exercer son influence. Téhéran voit dans tout affaiblissement d’Israël une opportunité de renforcer sa position, tout en consolidant son axe chiite avec la Syrie et l’Irak. 
Dans ce contexte, la guerre au Moyen-Orient dépasse largement les frontières israélo-palestiniennes. Elle devient un jeu de domino où chaque mouvement peut déclencher une réaction en chaîne imprévisible.

La Russie, quant à elle, n’est jamais bien loin. Avec sa présence militaire en Syrie et ses alliances régionales fluctuantes, Moscou continue de jouer sa propre partition, souvent en contradiction avec les intérêts occidentaux. La Chine, plus discrète mais tout aussi influente, observe de loin, tout en signant des accords économiques avec les uns et les autres, consciente que la stabilité régionale est indispensable pour ses nouvelles routes de la soie.

Et après ?

C’est là que tout devient délicat. Parce qu’en réalité, nul ne sait ce qui peut vraiment se passer ensuite. Le Moyen-Orient est passé maître dans l’art de déjouer les pronostics. A chaque fois qu’on pense toucher à un semblant de solution, une nouvelle crise surgit, relançant le cycle de violences. Et les perspectives d’une paix durable, qu’elles viennent des négociations de Camp David, des accords d’Oslo ou plus récemment des Accords d’Abraham, s’évanouissent comme des mirages dans le désert.

En définitive, le Moyen-Orient est un terrain où les passions, les rancunes, les rancoeurs et les ambitions prennent le dessus sur la raison et la paix. Il est tentant de croire qu’il existe une solution, un plan, ou encore une formule magique pour sortir de cet engrenage infernal. Mais après tant d’années d’échecs, peut-être devons-nous admettre une vérité plus dérangeante : le Moyen-Orient est un territoire où les protagonistes, bien qu’ils le nient farouchement, semblent préférer la tragédie à la paix.

 

 

F. Ouriaghli

 

 

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