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Taxe carbone: dernière ligne droite pour les entreprises marocaines

Taxe carbone: dernière ligne droite pour les entreprises marocaines

Les entreprises exportatrices marocaines ont encore deux ans pour être en phase avec le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Certains industriels craignent de ne pas être prêts.

 

Par D. M.

Avec 65% des exportations à destination de l’Union européenne, les entreprises exportatrices marocaines font face à différents défis, dont notamment l’entrée en application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) prévue en 2026. Des inquiétudes de divers ordres sont relevées auprès des industriels produisant de l’acier, du fer, de l’aluminium, du ciment, de l’électricité et de l’hydrogène, qui seront les premiers secteurs impactés par cette nouvelle réglementation.

Le MACF vise à garantir que les produits importés dans l'UE respectent les mêmes normes environnementales que ceux produits localement, en taxant les importations provenant de pays où les réglementations environnementales sont moins strictes. Bien que cette mesure soit présentée comme un moyen de lutter contre le changement climatique et de protéger les industries européennes, elle pourrait avoir des répercussions significatives sur les exportations marocaines vers l'UE.

Décarboner, un dilemme contraintes-opportunités

Sachant que le contenu carbone d’une marchandise dépend principalement du contenu carbone de l’énergie thermique et de l’énergie électrique, les industries marocaines, tant les multinationales que les TPME, doivent relever le défi de la décarbonation, premier challenge auquel elles sont confrontées. Selon l’expert en transition énergétique Saïd Guemra, «le Maroc a une électricité très fortement carbonée, avec plus de 800 g CO2/kWh; les exportateurs marocains sont par conséquent très pénalisés par rapport à la concurrence d’autres pays qui sont à moins de 300 g CO2/kWh». Le MACF place donc le Maroc, fortement engagé dans le développement des énergies renouvelables, face au dilemme contraintes-opportunités. En effet, l’application de cette norme pourrait être l’occasion pour les sociétés marocaines de gagner des parts de marché au profit de concurrents moins investis dans la transition verte et le respect de l’environnement. Cependant, à la question de savoir si en 2 ans les entreprises exportatrices marocaines, en général, et particulièrement les TPME seront prêtes, Adil Rais, co-président du Conseil économique Maroc-Espagne et président de la CGEM TangerTétouan-Al Hoceima, a une réponse mitigée.

«Certainement quelques-unes oui, mais beaucoup non. La PME/PMI ne le sera pas parce qu’elle manque de moyens. Le problème principal réside dans ces petites entreprises qui n’ont pas suffisamment de ressources, ne sont pas suffisamment conscientes et manquent de visibilité et de vision à moyen et long terme. Mais je crois que les sociétés leaders sur le marché, qui exportent beaucoup et qui sont structurées, seront prêtes», souligne-t-il. Il est à rappeler que 95% du tissu industriel économique sont formés par les TPME. Par conséquent, c’est une partie importante du tissu économique qui ne pourra pas être à la hauteur des normes environnementales définies par l’UE. Le gouvernement marocain a pris des initiatives il y a trois ans de cela, pour inciter les entreprises à décarboner leurs activités. Certains résultats non négligeables sont peu à peu visibles, surtout auprès des entreprises ayant une forte capacité financière. Et ce, grâce au mix éner-

gétique marocain qui se verdit, les différentes subventions, primes et incitations financières mises en place par le ministère de l’Industrie. De plus, les entreprises investissent de plus en plus dans des technologies plus propres et des processus de production plus durables pour réduire leurs émissions de carbone en vue d’être compétitives sur le marché international. Cependant, elles doivent encore relever des défis techniques et réglementaires pour améliorer davantage la décarbonation de leurs activités. «Les entreprises qui ont installé des plaques photovoltaïques sont à des taux de décarbonation entre 10 et 20% de l’électricité, ce qui reste très insuffisant», affirme Saïd Guemra.

De ce fait, pour accélérer le mouvement et inciter les entreprises à décarboner rapidement, compte tenu de la date butoir, Adil Rais propose certaines solutions. Car pour lui, la décarbonation n’est pas seulement énergétique, elle prend également en compte toute l’activité. «Il faudrait créer des industries qui viennent en amont de celles existantes et qui permettent réellement l’économie des émissions carbone qui sont aujourd’hui importantes. Il faut aussi améliorer les process à l’intérieur des entreprises industrielles : il y a des équipements aujourd’hui qui consomment moins d’énergie, qui sont beaucoup plus effectifs et efficients au niveau énergétique. Les investissements (en énergie, dans les process ou dans le transport) présents et futurs doivent se faire dans des équipements qui aideront à la décarbonation des entreprises. Ce sont des éléments fondamentaux pour que les entreprises marocaines ou les secteurs d’activités concernés puissent être prêts demain et pouvoir gagner des parts de marché», explique-t-il.

Le cadre légal n’aide pas

Autre blocage : la réglementation du secteur de l’énergie au Maroc. Selon l’expert Saïd Guemra, l’absence du décret d’application de l’article 26 de la loi 13/09 depuis 2010 empêche l’investissement dans de grands projets renouvelables en haute tension. Un industriel ne peut pas réaliser un projet d’autoproduction en hors site moyenne tension pour 500 kW à 1 MW. Cette solution est bloquée par la loi, car la puissance minimale à installer est de 5 MW, et cette clause élimine des milliers de petits et moyens projets renouvelables en moyenne tension.

«Je crois que nous avons tous à gagner à ce que l’investissement dans les énergies vertes s’accélère. Le Maroc a un pétrole qui est le soleil et le vent. Je crois qu’on doit simplifier les procédures et libéraliser pour que les entreprises investissent massivement et qu’on n’ait pas cette lourde charge d’importation de pétrole et de charbon, qui sont toujours très utilisés dans le pays. Afin que l’on puisse avoir des gains de devises et cette autonomie pour aller beaucoup plus loin et avoir un tissu industriel beaucoup plus compétitif et beaucoup plus décarboné», conclut Adil Rais. 

 

 

 

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