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Stratégie nationale d’efficacité énergétique : les enseignements à retenir

Stratégie nationale d’efficacité énergétique : les enseignements à retenir

 

Sujet complexe qui nécessite volonté et courage politique, la question de l’économie d’énergie, considérée comme la quatrième source d’énergie, est aujourd’hui dans un tournant. Serait-on témoin d’un véritable déclic avec le contrat-programme en cours de finalisation ? En tout cas, voici les leçons à retenir d’un homme de conviction, Fouad Douiri, pour ne pas le nommer !

 

 

«La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas», est le leitmotiv pour le pilier IV de la stratégie énergétique lancée en mars 2009 sous l’impulsion du Roi Mohammed VI. L’idée semble séduire et impacter les esprits mais concrètement et huit années plus tard, il n’est pas exagéré de parler d’un constat d’échec de ce pilier. Pour preuve, le 22 juin dernier, le Conseil de gouvernement adoptait le projet de Stratégie nationale de l’efficacité énergétique et une fois le contrat-programme finalisé, cette stratégie sera mise en œuvre au cours de la période 2017-2021.

Justement, l’un des faits marquants est le nouvel objectif assigné de 5% à l’horizon 2020 et 20% à l’horizon 2030. On est loin des 12% d’économie d’énergie à horizon 2020, tels que fixés en 2009. Parent pauvre de cette stratégie, le pilier efficacité énergétique était pourtant bien parti. Le 23 juin 2009, on assistait au lancement de la campagne nationale de sensibilisation en efficacité énergétique avec un budget de 8,4 millions de DH. Au 1er août de la même année, la circulaire interministérielle relative à la tarification incitative et sociale a vu le jour.

En 2010, plus exactement le 18 mars, on note la publication de la loi n°16-09 relative à la création de l’ADEREE et le 30 juillet de la même année, le discours royal à l’occasion de la fête du Trône rappelle «la nécessité d’adhérer les efforts pour activer la stratégie d’efficacité énergétique». Un an plus tard, le 29 septembre 2011, est publiée la loi 47-09 relative à l’efficacité énergétique. Le débat national autour de l’efficacité énergétique du 28 février 2013 donnera un nouvel élan à ce pilier, ce qui n’empêchera pas pour autant une traversée du désert.

«Il est paradoxalement plus facile de lancer un projet énergétique d’envergure, profitant de la bonne image du Maroc et de sa capacité démontrée à gérer de grands projets  pour mobiliser des financements concessionnels, que de réussir un déploiement massif de mesures d’économie d’énergie dans les différents secteurs de notre économie nationale. Un sujet bien plus complexe !», explique Fouad Douiri, ancien ministre de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement (photo).

De ce fait, le pilier de l’efficacité énergétique est la partie faible de la stratégie énergétique lancée en 2009. Et pour cause, ce volet est moins «communiquant» que les grands projets de production d’énergie  bien que plus rentable pour la collectivité à travers ses multiples externalités positives : économie en devises, protection de l’environnement, création d’emplois, note Fouad Douiri.

Cela dit, il constate qu’à l’heure où il est temps de lancer une troisième vague de mesures (1e vague : sensibilisation et opérations pilotes, 2e vague : mesures réglementaires, 3e vague: accompagnement financier via des subventions ou incitations fiscales), mêmes celles de première génération sont bloquées, notamment les états généraux de l’efficacité énergétique qui avaient nécessité 9 mois de travail finalisé en 2013, sans qu’aucune suite ne soit donnée à cette mesure depuis le départ du parti de l’Istiqlal de la majorité gouvernementale. Idem pour les audits énergétiques dans l’industrie.

D’autres mensures n’ont pas atteint leur rythme de croisière comme l’encouragement du pompage solaire dans les exploitations agricoles, une mesure emblématique mise en place en 2013 en partenariat avec le ministère de l’Agriculture et dont les retours sur investissement se seraient fait sentir sur la facture du gaz butane, largement utilisé dans les exploitations agricoles, surtout celles de petites tailles, avec tout l’impact sur le budget de compensation, mais dont la mise en œuvre a été inexplicablement retardée.

Ou encore l’obligation de généralisation des chauffe-eaux solaires dans le logement conventionné avec subvention des départements de l’Energie et de l’Habitat. Une mesure dont le principe a été convenu avec le ministère de l’Habitat à l’époque mais qui est ensuite restée au stade de projet.

Fouad Douiri insiste sur un autre manque à gagner, qui est celui de la création d’emplois, estimés entre 10.000 à 20.000 que peuvent générer ces mesures, y compris le développement de l’isolation thermique des bâtiments, depuis l’amont industriel jusqu’aux multiples PME régionales et locales pour l’installation, la maintenance et la réparation de ces installations.

 

Les clés du succès

 

A la veille du lancement de la nouvelle stratégie de l’efficacité énergétique, qui cible les secteurs les plus consommateurs d'énergie, en particulier les transports, les bâtiments et l'industrie, ainsi que les secteurs de l'agriculture et de l'éclairage public et dont le contrat-programme n’a pas encore été finalisé, il est important de retenir quelques leçons.

«C’est un sujet très compliqué qui nécessite de réunir plusieurs facteurs structurels de réussite : le premier est d’ordre réglementaire, par exemple de taxer les équipements énergétivores  pour passer à la seconde génération de mesures qui vise carrément l’interdiction des équipements qui consomment beaucoup d’énergie (exemple de l’interdiction d’importation et de commercialisation des lampes à incandescence)», explique l’ancien ministre.

«Le deuxième élément clé est celui des incitations. Nous avions par exemple comme objectifs de généraliser les chauffe-eaux solaires et le pompage solaire. Pour cela, il faut montrer le gain escompté et donner l’impulsion financière sous forme de subvention pour mettre le pied à l’étrier. L’Etat peut rentabiliser l’aide financière en moins de cinq ans, vu les gains sur la subvention du gaz butane auquel se substituent ces appareils solaires. Il est utile de rappeler que le pays dispose des moyens à travers le fonds de développement énergétique qui prévoit justement un appui financier à l’efficacité énergétique», note Fouad Douiri.

Il rappelle dans ce sens l’exemple parlant du Programme national d’économie d’eau d’irrigation qui accorde de larges subventions pour transformer l’irrigation classique en technique de goutte-à-goutte et qui a permis d’équiper près de 500.000 ha.

L’autre élément est la sensibilisation et la communication pour convaincre et fédérer autour des objectifs fixés. «Aussi, la capacité de suivre les évolutions technologiques : à l’heure où l’on parle encore de l’utilisation de lampes à basse consommation (LBC) au Maroc pour gagner en efficacité, le LED a déjà supplanté les LBC dans d’autres pays», relève F. Douiri.

La tutelle assure d’ores et déjà que l’effort sera déployé pour mobiliser les ressources financières nécessaires en vue de mettre en œuvre cette stratégie et la traduire en plans et programmes régionaux, qui seront lancés en partenariat avec les collectivités territoriales, et en particulier les régions. La première phase de cette stratégie sera mise en application dans le cadre d'un contrat-programme pour la période 2017-2021 entre l'Agence marocaine pour l'efficacité énergétique, les départements ministériels concernés et les collectivités territoriales en particulier les régions, note le ministère de l’Energie.

 

 

 

Imane Bouhrara

 

 

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