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«Les opérateurs miniers sont parfaitement engagés dans l’agenda climatique national»

«Les opérateurs miniers sont parfaitement engagés dans l’agenda climatique national»

Abdellah Mouttaqi, Secrétaire général de l’Office national des hydrocarbures et des mines, membre du Conseil économique, social et environnemental.


 

Les opérateurs miniers visent une gestion optimisée des ressources naturelles, notamment hydriques et énergétiques.

Le label et la charte RSE portés par la CGEM permettent aux professionnels miniers d’apporter des réponses aux questions liées à leur performance environnementale.

Éclairage de Abdellah Mouttaqi, Secrétaire général de l’Office national des hydrocarbures et des mines, membre du Conseil économique, social et environnemental.

 

Propos recueillis par Charaf Jaidani

 

Finances News Hebdo : En général, le secteur minier au Maroc prend-il en considération les dimensions écologiques et de durabilité dans son développement ?

Abdellah Mouttaqi : Le Maroc est un pays de très longue tradition minière; plusieurs exploitations remontent au Moyen-âge (9ème au 13ème siècle) comme en témoigne la présence de vestiges dans les mines d’Imiter (Ag), Zgounder (Ag), Bleida (Cu), Akka (Or), Tazalaght (Cu), Jbel Aouam (Pb). L’organisation moderne du secteur minier marocain remonte au début du vingtième siècle (1920 : création du service géologique et de l’OCP; 1928 : création du BRPM (ancêtre de l’ONHYM). Le premier code minier a été promulgué en 1914, il a été revu en 1951 et récemment en 2016. Aujourd’hui, le secteur minier est un contributeur important dans le développement socioéconomique du pays, avec des impacts positifs à trois niveaux national, régional et local. Sa part dans le PIB est estimée à 10% et le nombre d’emplois directs est d’environ 40.000. En termes d’exportations, le secteur contribue à hauteur de 80% en volume et 20% en valeur. En 2018, la production a atteint 34 millions de tonnes de phosphates bruts et 2,5 millions de tonnes pour les autres produits (argent, cobalt, plomb, zinc, cuivre, manganèse, barytine, bentonite, sel gemme, fluorine…).

Sous l’angle du développement durable, l’évaluation de la triple performance du modèle d’activité en vigueur aujourd’hui (sur le plan économique, social et environnemental) révèle la primauté accordée aux questions du développement durable. La responsabilité est portée à la fois par l’administration, les opérateurs et la Fédération de l’industrie minérale (FDIM).

Pour illustrer ces propos, je vais mettre le focus sur deux aspects qui me paraissent primordiaux : d’abord la performance environnementale et ensuite le développement communautaire. Sur le volet de la performance environnementale, il faut souligner les avancées réalisées par les opérateurs pour une gestion optimisée des ressources naturelles, notamment hydriques et énergétiques. Citons dans ce cadre le recours aux eaux non conventionnelles chez Managem (environ 42% de l’eau consommée est recyclée), ainsi que chez le groupe OCP avec l’optimisation de l’utilisation de l’eau sur l’ensemble de la chaîne de valeur (recyclage des eaux usées dans les procédés d’enrichissement, réduction de la consommation grâce au Slurry Pipeline…).

Pour l’utilisation des ressources énergétiques, ces opérateurs font appel à de l’énergie provenant de parcs éoliens et adoptent de bonnes pratiques en développant des capacités de cogénération et en mettant en place des mesures d’efficacité énergétique.

Concernant le développement communautaire, les opérateurs miniers s’engagent précocement à l’égard des communautés grâce à l’acceptabilité sociale. Ils s’investissent systématiquement -selon une démarche d’écosystèmes- pour l’amélioration de l’accès à l’éducation et l’encouragement de l’excellence, l’amélioration de l’accès aux services de santé, le développement des infrastructures territoriales et la promotion de l’entrepreneuriat par le soutien à la croissance des entreprises existantes, l’encouragement à l’innovation, à l’entrepreneuriat féminin et social, le développement de coopératives et d’activités génératrices de revenus, et la réhabilitation des mines par des campagnes de reboisement… La responsabilité du secteur minier se traduit également par le renforcement de la FDIM dans son rôle fédérateur pour la diffusion des pratiques responsables, avec l’adoption d’une stratégie climat et d’une directive de développement durable du secteur minier marocain (3D2M).

La stratégie climat du secteur minier se décline à l’aide d’une «Charte climat» et d’un «Manifeste climat», documents qui constituent l’engagement des opérateurs miniers dans l’agenda climat national, avec ses deux volets d’atténuation et d’adaptation.

La Directive de développement durable du secteur minier marocain (3D2M), basée sur les meilleurs standards internationaux en la matière, constitue un cadre de référence national pour la prise en compte de la durabilité des opérateurs miniers d’une manière progressive. Cette directive couvre les trois dimensions sociale, environnementale et économique. Elle est construite sur l’articulation de quatre principes (performances environnementales, optimisation des impacts socioéconomiques, transparence et responsabilité, participation communautaire) et de huit enjeux (résidus miniers, efficacité énergétique, biodiversité, santé et sécurité, droits de l’Homme, gérance de l’eau, développement communautaire, diversité selon le genre).

Il est important à mon avis de souligner, à la fin, la pertinence de la démarche développée par le secteur minier marocain, avec identification des rôles par rapport aux bonnes pratiques, entre l’Etat promoteur, la FDIM en tant qu’organe fédérateur, les entreprises comme acteurs sur les sites et la société civile dans son rôle de plaidoyer au service des communautés.

 

F.N.H. : La règlementation marocaine en la matière est-elle au niveau de ce qui existe à l’international ?

A. M. : Il faudrait poser la question de la réglementation dans un contexte plus global. Permettez-moi à ce titre de rappeler que la réglementation minière dans le monde a connu une évolution progressive pour répondre à des enjeux en perpétuel renouvellement, notamment ceux liés à la performance environnementale et au concept du développement durable. La tendance internationale s’est organisée en cinq grands types de codes miniers.

Ainsi, après la phase de nationalisation des années soixante et soixante-dix, le modèle qui a prévalu les deux décennies suivantes– sous l’impulsion des bailleurs de fonds internationaux – était celui de la libéralisation du secteur avec désengagement des États de la gestion des entreprises; après, une nouvelle génération de codes – dite de troisième génération – a été mise en place en situant le secteur minier au coeur du développement économique des pays.

Ensuite, au cours de la dernière décennie, les codes de quatrième génération ont intégré la performance environnementale et le droit communautaire, tandis que les codes de cinquième génération, qui tiennent compte de la durabilité des infrastructures, sont aujourd’hui promulgués. Pour le cas marocain, il faudrait rappeler le fort engagement de notre pays envers les questions environnementales et de durabilité.

Le Maroc a ratifié les trois conventions issues du processus de la Conférence de Rio et dispose d’un arsenal législatif cohérent et solide, basé sur une Constitution où le développement durable est érigé comme un droit fondamental, la loi-cadre 99-12 portant charte sur l’environnement et le développement durable, la loi sur les études d’impact sur l’environnement, la loi sur l’eau… La loi 33-13 relative aux mines et ses décrets d’application ont introduit des mesures de respect de l’environnement et de plan d’abandon. Ils obligent le titulaire du titre minier à se conformer à la réglementation en vigueur en matière de santé, de sécurité, d’hygiène, de protection de l'environnement et à respecter la législation sur les biens culturels, archéologiques et les monuments classés.

Ainsi, lors de la demande de la licence d’exploitation de mines, le titulaire est obligé d’élaborer l’étude d’impact sur l’environnement et de présenter l’acceptabilité environnementale. Dans le cadre de cette même loi, étendue à l’exploitation des cavités et à celle des haldes et terrils, le demandeur de l’autorisation d’exploitation doit présenter lors du dépôt de sa demande un engagement d’exécuter l’étude d’impact sur l’environnement et la décision d’acceptabilité environnementale. Par ailleurs, trois études en cours méritent d’être soulignées car elles vont contribuer à l’amélioration de la performance environnementale du secteur. Il s’agit de l’étude relative à l’élaboration d’un plan d’action pour la valorisation des déchets miniers au Maroc; l’étude de l’évaluation de l’impact de la pollution minière sur la qualité de l’eau et le projet en cours pour intégrer les valeurs limites de rejets spécifiques au secteur minier au décret des valeurs limites générales.

Vue sous un angle systémique, qui intègre toutes les dispositions législatives nationales en faveur de la protection et de la valorisation de l’environnement, la réglementation minière marocaine est en harmonie avec les standards et les bonnes pratiques en la matière.

 

F.N.H. : Les permis d’exploitation des sociétés minières sont-ils assez regardants sur le respect de l’environnement et de l’intégration du concept de la durabilité ?

A. M. : Au-delà du respect de l’environnement par le secteur minier marocain, je propose de parler de valorisation environnementale pour atteindre la notion de performance. Les exemples donnés en réponse à votre première question illustrent parfaitement l’engagement des opérateurs miniers dans cette voie. En cas de manquement, l’exploitation peut être arrêtée. Le secteur a connu au cours des dernières années ce genre de situation.

Il faudrait cependant élargir le périmètre de la réflexion et préciser que la résolution de certains problèmes environnementaux ne vient pas toujours de la simple application de la loi, dans son aspect contraignant. Pour ce faire et en rappelant que le respect de la loi constitue un socle non négociable, les opérateurs miniers intègrent des mécanismes volontaires de responsabilité sociétale afin de garantir une bonne territorialisation de leur activité.

Le label RSE et la charte RSE portés par la CGEM constituent dans ce cadre des outils pertinents qui permettent aux opérateurs d’apporter des réponses aux questions liées à leur performance environnementale et à l’intégration du concept de la durabilité dans leur modèle d’activité.

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