5 investisseurs premium, 6 projets majeurs à réaliser et une enveloppe cumulée de 319 milliards de dirhams : le Royaume entend renforcer sa compétitivité dans la chaîne de valeur mondiale de l’hydrogène.
Par Désy M.
Le Maroc avance à grands pas vers son ambition de devenir un acteur majeur de l'hydrogène vert. Dans un contexte de transition énergétique accélérée, le gouvernement a procédé à la sélection de cinq investisseurs nationaux et internationaux pour développer six projets d’envergure dans les régions du Sud du pays. Avec un investissement global de 319 milliards de dirhams, cette initiative s’inscrit dans la dynamique visant à positionner le pays en hub régional des énergies propres.
Réuni le 6 mars 2025, le comité de pilotage de l’«Offre Maroc» a officialisé la liste des opérateurs appelés à piloter ces projets structurants. Présidant la séance, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a insisté sur la minutie du processus et la rigueur des critères retenus. «L’hydrogène vert est une opportunité stratégique pour notre pays. Nous avons veillé à sélectionner des acteurs capables de garantir des investissements solides, une expertise de pointe et une réelle valeur ajoutée pour l’économie marocaine», a-t-il déclaré.
Les projets retenus concernent principalement la production d’ammoniac vert, de carburant industriel et d’acier vert. Des secteurs clés qui non seulement permettront au Maroc de décarboner son industrie, mais aussi d’exporter vers l’Europe et d’autres marchés en quête de solutions énergétiques durables. Le choix des investisseurs reflète la volonté du Maroc d’attirer des acteurs de référence en énergies renouvelables et industrie décarbonée. Parmi eux, le consortium ORNX (Ortus, Acciona, Nordex) vise la production d’ammoniac vert pour le stockage et le transport de l’hydrogène.
Un autre consortium, formé par Taqa Morocco et Cepsa, cible également l’ammoniac vert et le carburant industriel, illustrant l’intérêt des entreprises du Golfe pour le potentiel énergétique marocain. La société marocaine Nareva, déjà active dans les énergies renouvelables, se concentre sur l’acier vert, une innovation réduisant l’empreinte carbone de l’industrie sidérurgique. La belge John Cockerill apportera son expertise en électrolyse avec la construction d’une gigafactory, une première en Afrique. Enfin, Gaia Energy, pionnière marocaine de l’hydrogène vert, ambitionne de renforcer la production locale et l’exportation vers l’Europe. Avec ces cinq investisseurs, le Maroc jette les bases d’un écosystème intégré, allant de la production d’hydrogène à sa transformation en produits à haute valeur ajoutée.
«Ces six projets représentent une excellente nouvelle, marquant l’entrée du Maroc dans le domaine de la production d’hydrogène vert. Elle va permettre la mise en place de toute l’infrastructure de stockage et d’exportation de cette énergie», souligne Saïd Guemra, expert et consultant en énergie. En effet, le Maroc suscite autant d’intérêts dans ce domaine en raison de ses atouts naturels et stratégiques. Son ensoleillement exceptionnel, ses ressources éoliennes abondantes et sa proximité avec l’Europe font du Royaume un candidat idéal pour devenir un fournisseur clé d’hydrogène vert pour les marchés européens et africains.
Le gouvernement a d’ailleurs multiplié les initiatives pour favoriser l’émergence de cette filière. Un cadre réglementaire spécifique est en cours d’élaboration pour sécuriser les investissements et faciliter l’exportation. Les ports de Tanger Med et Jorf Lasfar ainsi que les futures infrastructures dédiées à Dakhla joueront un rôle central dans la logistique de ces nouveaux flux énergétiques.
Encore quelques défis à relever
Si la trajectoire semble prometteuse, plusieurs défis subsistent. Le premier concerne l’infrastructure de transport et de stockage de l’hydrogène, encore en développement au niveau mondial. Ensuite, la compétitivité des coûts face aux autres hubs internationaux comme l’Australie, l’Arabie saoudite ou le Chili reste un enjeu stratégique.
Par ailleurs, le Maroc devra accélérer la mise en place de son cadre réglementaire attractif et garantir des incitations fiscales adaptées pour convaincre les investisseurs de s’engager sur le long terme. Enfin, la question des débouchés commerciaux reste centrale. Si l’Europe apparaît comme le marché naturel pour les exportations marocaines, la concurrence avec d’autres régions du monde sera rude. L’établissement de partenariats stratégiques et la signature d’accords d’achat à long terme seront déterminants pour assurer la rentabilité des projets.