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Dessalement : le pari hydrique du Maroc à l’épreuve du réel

Dessalement : le pari hydrique du Maroc à l’épreuve du réel

Couvrir 60% de ses besoins en eau potable grâce au dessalement d’ici à 2030, c’est le pari du Maroc, dans un contexte de rareté hydrique durable. Prometteuse sur le plan de la sécurité urbaine, cette stratégie soulève toutefois des enjeux décisifs de coûts, d’énergie, d’équité sociale et de soutenabilité environnementale.

 

Par Désy M.

Au sortir du Congrès mondial de l’eau, tenu début décembre à Marrakech, le Maroc a choisi d’assumer publiquement une rupture stratégique. Face à un stress hydrique devenu structurel, aggravé par la répétition des sécheresses et la pression démographique, le Royaume mise désormais sur le dessalement pour sécuriser son avenir urbain. L’objectif affiché est de produire, d’ici à 2030, près de 60% de l’eau potable nationale à partir de l’eau de mer.

Une ambition qui place le pays parmi les stratégies hydriques les plus volontaristes du bassin méditerranéen, mais qui soulève aussi des questions sociales, économiques et environnementales majeures. La promesse du dessalement s’inscrit dans un contexte alarmant. La disponibilité moyenne en eau est durablement passée sous le seuil de 500 m³ par habitant et par an, bien loin des standards fixés par les Nations unies à 1.000 m3 .

Dans ce cadre, le dessalement apparaît comme un levier de sécurisation rapide pour les grandes agglomérations côtières, de Casablanca à Agadir, en passant par Laâyoune ou Dakhla. «C’est un bouclier urbain efficace face à l’incertitude climatique», résume le professeur Mohammed Boiti, enseignant et consultant en transition énergétique, qui voit dans cette option une réponse rationnelle à la vulnérabilité des ressources conventionnelles.

Coûts, énergie et tarifs : la soutenabilité économique

Produire 60% de l’eau potable par dessalement suppose toutefois une montée en puissance rapide des capacités industrielles. Les projets annoncés représentent des investissements lourds, concentrés sur le littoral, avec des délais de réalisation serrés.

Techniquement, l’objectif est atteignable si les grands chantiers sont livrés sans retard majeur. Mais la question centrale n’est pas seulement celle du volume. Elle est aussi celle du coût et de sa répartition. L’eau dessalée reste plus chère que l’eau conventionnelle, car elle mobilise des infrastructures complexes et une énergie abondante. Si ces coûts ne sont pas intégrés de manière transparente, ils risquent d’alourdir la facture publique ou, à l’inverse, de peser sur les usagers. Sur le plan social, l’enjeu est donc celui de l’équité. Le dessalement profite d’abord aux villes et aux zones touristiques, là où la valeur économique de l’eau est la plus élevée. Les territoires intérieurs et l’agriculture pluviale restent, eux, exposés.

«Le dessalement ne règle pas tout. Il sécurise l’urbain, mais ne remplace ni la sobriété ni la gestion de la demande», avertit Mohammed Boiti, plaidant pour une tarification progressive capable de protéger les ménages vulnérables tout en reflétant les coûts réels. La dimension environnementale constitue l’autre ligne de crête de cette stratégie. Les usines de dessalement consomment plusieurs kilowattheures par mètre cube produit.

Sans un couplage massif aux énergies renouvelables, le risque est de déplacer la contrainte hydrique vers une dépendance énergétique accrue. Les rejets de saumure en mer posent également des questions de protection du littoral et de biodiversité. Là encore, tout dépendra de la rigueur des études d’impact sur l’environnement (EIE) et de la transparence des dispositifs de suivi émanant d’une coordination optimale entre le ministère, les opérateurs (ONEE, régies, délégataires), les autorités locales et le régulateur économique.

Les expériences internationales montrent que le dessalement n’est durable que s’il s’inscrit dans un mix hydrique plus large. Des pays comme l’Espagne ou l’Arabie Saoudite ont montré que le dessalement peut devenir un pilier de la sécurité hydrique, à condition d’être intégré dans un mix associant réutilisation des eaux usées, réduction des fuites et gouvernance solide. Une leçon que le Maroc gagnerait à intégrer pleinement, notamment pour soulager la pression sur l’agriculture, secteur encore largement dépendant des ressources conventionnelles.

«L’objectif marocain est ambitieux, mais pas déraisonnable s’il est accompagné d’efficacité, de réutilisation, de tarification rationnelle et de décarbonation énergétique. Sans ces «piliers», la promesse devient coûteuse et vulnérable», conclut Boiti.

 

 

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