Le 8 mars de chaque année, la planète célèbre la Journée mondiale de la femme. Jugée futile par certains et importante par d’autres, cette journée permet toutefois de faire l’état des lieux de la situation de la femme. Pour notre part, nous avons jugé opportun d’ouvrir nos colonnes spécialement à des femmes engagées en faveur du climat et de la protection de l’environnement.
Nadia Ouazzani, Directrice générale d’un groupe scolaire maternelle et primaire
L’Education environnementale : Levier de la sauvegarde de notre planète
En tant qu’écologiste, femme, mère et Directrice générale d’un groupe scolaire d’écoles maternelles et primaires, je suis particulièrement sensible à l’éducation des enfants pour intégrer dans leur comportement quotidien les gestes qui contribuent à la protection de l’environnement. Avec des méthodes pédagogiques simplifiées et ludiques, les enfants arrivent à comprendre que la lutte contre le gaspillage de l’électricité revient à limiter les émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement de la planète et le changement climatique qui constituent une menace pour leur avenir. Il en est de même pour la lutte contre ces panaches de fumée qui émanent des tuyaux d’échappement des bus ou des cheminées des usines. Font parties également de nos activités d’éducation environnementale, l’adoption d’attitudes et de comportements de protection de la forêt et de non gaspillage des eaux. Ces actions éducatives entreprises à l’école sont complétées par des sorties écologiques dans des espaces naturels et des fermes pédagogiques. L’autre moment fort de l’incitation à l’écocivisme réside dans l’organisation d’une manifestation annuelle de carnaval écologique où les parents partagent avec leurs enfants des réflexions sur l’environnement à travers une opération de déguisement et des moments de plaisir partagés à travers des chansons et des danses. Mon souhait est que ce genre d’activités d’éducations environnementales soit généralisé dans toutes les écoles marocaines pour bénéficier à tous les enfants du pays.
Bouchra Al Khattabi, épouse d’un petit agriculteur de Had Brachoua, commune située à 60 kilomètres de Rabat
Les femmes rurales demandent à l’Etat plus de justice climatique
Pour comprendre l’impact de la sécheresse sur la vie quotidienne d’une femme rurale de ma classe sociale, je dois préciser que notre petite exploitation ne dépasse pas un ha et se situe dans une zone bour dépendant entièrement de la pluviométrie. Dans la plupart des cas, la vie d’une femme rurale qui me ressemble repose sur trois fondamentaux : i/ Elle possède une vache, de race locale et donc à faible production, qu’elle doit faire paitre dans les parcours voisins. Elle donne un peu de lait pour la consommation familiale et pour produire du beurre à vendre au souk pour subvenir aux besoins du foyer et des enfants; ii/ Elle a un four, bien sûr traditionnel, qu’elle doit alimenter en bois, prélevé dans la nature et parfois dans la forêt voisine abandonnée, pour la cuisson du pain et des repas; iii/ Elle doit assumer la corvée de l’eau nécessaire, car les revenus de la famille ne permettent pas s’approvisionner dans la fontaine installée dans le village. La suite est facile à imaginer. La sécheresse oblige la femme à aller toujours plus loin :
i/ Plus loin pour couper l’herbe nécessaire pour l’alimentation de la vache; parfois au milieu de la nuit, bébé dans le dos, car mal nourrie, la vache produit moins de lait, moins de beurre et moins de revenu; ii/ Plus loin pour chercher le bois. En période de sécheresse, la forêt est couverte de chenilles qui s’agglutinent sur le corps de la femme au moment du prélèvement du bois; iii/ Plus loin pour chercher de l’eau dans des sources qui se sont totalement asséchées. Imaginez la pénibilité de cette tâche pour se procurer une denrée indispensable à la vie. Nous les femmes rurales, nous demandons à l’Etat plus de justice climatique.
Imane Chafchaouni, Directrice d’un projet touristique
Le tourisme rural pour contribuer à la lutte contre le changement climatique
En ma qualité de directrice, je coordonne les activités d’un projet de développement au sein de l’association Ibn Al Baytar, sur un territoire de tourisme durable. Ce territoire est situé dans la forêt d’arganeraie de Mesguina, dans la région Souss Massa, province d’Agadir Ida Outanane, et se trouve aux piémonts du Haut-Atlas. Au cours de ces dernières décennies, ce territoire a été impacté négativement par les manifestations des changements climatiques : répartition inégale des ressources en eau dans le temps et dans l’espace entraînant une réduction des eaux potables et des eaux d’irrigation. Cela a poussé la population locale, surtout les hommes, à quitter ce territoire pour chercher du travail dans les agglomérations avoisinantes. Le concours de ces facteurs a réduit les revenus des foyers basés sur une activité vivrière et accentué le niveau de pauvreté, entraînant une plus grande charge de travail de la femme, notamment en ce qui concerne la gestion quotidienne du foyer et de son approvisionnement en eau. Notre projet de tourisme est un levier de développement économique à travers une gestion durable des ressources naturelles grâce à une technique nouvelle de récupération des eaux usées par les plantes et la réhabilitation des jardins potagers traditionnels. Ainsi, nous réduisons les impacts de ces changements climatiques sur l’exode rural et développons des revenus à travers, d’une part, la vente des produits agricoles et des plantes ornementales, et d’autre part, la création de produits touristiques dans la zone.
Ilham Qarqouri Idrissi, architecte
Interactivité de la femme avec son environnement bâti
La réglementation nationale impacte indéniablement la femme, notamment la loi sur l’efficacité énergétique et ses décrets d’application qui seraient plus efficaces et opérationnels si des mesures d’accompagnement et de sensibilisation des occupantes et des utilisatrices de l’espace sont introduites en amont. L’idée est de respecter l’orientation des constructions pour plus de soleil et d’hygiène à l’intérieur des logements, en intégrant les énergies renouvelables (chauffe-eaux solaires) et les techniques d’efficacité énergétique (isolation thermique, bonne étanchéité, matériaux de construction peu nocifs), ce qui impacterait économiquement la facture énergétique. Dans le monde rural, les technologies «naturelles» offrent une possibilité alternative d’approvisionner la femme rurale en électricité. Les technologies solaires et éoliennes, qui incluent les panneaux solaires photovoltaïques, les lanternes solaires et les chauffe-eaux solaires, conviennent parfaitement en tant que solutions d’électrification rurale, principalement si le problème de proximité du réseau s’impose. Et comme on dit : Nous formons ensemble l’espace, qui à son tour, nous forme ou nous déforme… A méditer !
Ouazzani Rahima, députée de la commune urbaine Souissi
Pour une approche environnementale plus juste et plus équitable dans nos villes
Dans notre pays, le tissu urbain connait un développement très rapide, engendrant naturellement des mutations importantes. Cela impose un déploiement soutenu des infrastructures et des logistiques pour répondre à des besoins croissants en termes d’accès des populations à l’eau potable, à l’assainissement, à l’éclairage public, aux espaces verts, au transport et à la gestion des déchets pour une hygiène du milieu acceptable. De par mon expérience en tant qu’élue locale, au sein de la commune urbaine de Souissi à Rabat, qui se caractérise par la coexistence de beaux quartiers résidentiels et de bidonvilles, je voudrais saisir l’occasion du 8 mars, Journée mondiale de la femme, ainsi que celle de la COP22 sur les changements climatiques qui se tiendra au Maroc, pour mettre l’accent sur certaines suggestions. Lesquelles suggestions sont en relation avec l’environnement et le climat, et qui sont de nature à permettre la réduction des disparités sociales, dont sont particulièrement victimes les femmes. Parmi ces suggestions : i/ Accélérer le programme de l’éradication des bidonvilles ; ii/ Développer le réseau de l’éclairage public dans les quartiers défavorisés ; iii/ Prendre les mesures nécessaires pour renforcer le transport en commun plutôt que le parc des véhicules privés; iv/ Réduire davantage l’écart du prix de l’eau entre les quartiers riches et pauvres; v/ Doter les quartiers pauvres de réseaux d’assainissement liquide bien entretenus, de hammams à prix abordable par les pauvres, ainsi que de toilettes et de douches publiques ; vi/ Les doter également d’espaces verts et aménager les forêts périphériques pour bien accueillir les pique-niqueurs ; vii/ Assurer une bonne hygiène du milieu dans les quartiers pauvres en améliorant notamment la collectes des déchets. Je ne veux pas conclure sans lancer un appel à mes collègues, les élus locaux de
notre capitale, pour qu’ils soient à la hauteur de la responsabilité placée en eux par les citoyens.
Sanaa Moussalim, militante des droits humains
COP22, une occasion pour les ONG féminines de faire entendre leur voix
La question des changements climatiques se pose avec de plus en plus d’acuité ces dernières années et plus personne ne met en doute leurs impacts sur la vie des individus et des communautés. Même s’ils menacent les droits humains les plus fondamentaux, comme le droit à la vie, à la santé, à l’alimentation, à l’eau, au logement etc., les conséquences très graves de ces changements du climat sur les droits de l’Homme sont pourtant peu prises en compte dans les débats internationaux et nationaux. La situation est encore plus grave pour les femmes qui sont, de l’avis de tous, le maillon faible et le plus vulnérable dans toutes les sociétés et donc les premières victimes en cas de crise. La date de ce 8 mars 2016 m’interpelle en tant que militante des droits humains à un double titre : d’abord, au titre de la Journée mondiale de la femme et, ensuite, au titre du déroulement de la COP22 dans mon pays. En effet, la gravité du changement climatique rend plus que jamais nécessaire la prise en compte systématique des droits humains et, tout particulièrement ceux des femmes, dans les indispensables mesures envisagées en matière d’adaptation et d’atténuation. La COP22 est aujourd’hui une occasion importante pour que les ONG marocaines feminines, de l’environnement et celles des droits de l’Homme, puissent renforcer, conjuguer et coordonner leurs efforts selon plusieurs axes d’interventions. Pour cela, il faut : i/ Communiquer davantage et mobiliser l’ensemble des acteurs; ii/ OEuvrer pour opérationnaliser l’ensemble des mécanismes de l’Accord retenu à la COP21 de Paris ; iii/ Faire pression sur l’Etat pour assurer un environnement sain, un développement durable et lutter contre la pauvreté; iv/ Inciter l’Etat à renforcer la législation relative à la lutte contre le réchauffement climatique.
Soumya Lafram, présidente de la coopérative Azzahrae de production de couscous biologique, commune Kceibya (province de Sidi Slimane)
Aidons les coopératives de femmes à lutter contre les changements climatiques
Grace aux efforts personnels des femmes membres de la coopérative, nous avons pu monter une petite unité traditionnelle de production du couscous. Durant toute l’année, nous quittons régulièrement nos familles et nos enfants pour aller vendre nos produits dans les foires/expositions ou directement à nos clients dans les villes. La sécheresse, telle que nous la vivons cette année, à cause du réchauffement climatique, a un impact catastrophique sur notre vie et notre équilibre social, ô combien fragile. En effet, le manque de pluies se traduit par la réduction des disponibilités en matières premières que nous utilisons, à savoir le blé, l’orge et le maïs, et donc par la réduction du niveau de nos activités, de notre marge bénéficiaire et de nos revenus. Je suis malheureuse de devoir informer l’opinion publique que nos demandes de soutien au ministère de l’Agriculture pour moderniser notre unité par l’acquisition d’un local et des séchoirs modernes, n’ont jamais abouti. Pire, les autorités nous menacent constamment de fermer notre unité, sous prétexte que nous ne respectons pas la loi sur la sécurité alimentaire. Lisez la loi, vous comprendrez qu’elle est conçue pour les grandes unités industrielles qui brassent des chiffes d’affaires en centaines de millions de DH et non pour les pauvres comme nous. Sachez aussi que nous vendons notre couscous depuis des années à la satisfaction totale de nos clients et sans jamais avoir reçu la moindre reclamation. Mon appel s’adresse à l’Etat pour nous assister et nous soutenir afin que le Plan Maroc Vert soit aussi vert pour les grands que pour les petits agriculteurs.
Lamiae Boumahrou