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Environnement: «La contribution réelle de la forêt marocaine est estimée à 10% du PIB agricole»

Environnement: «La contribution réelle de la forêt marocaine est estimée à 10% du PIB agricole»

Cela correspond aux revenus que les populations rurales retirent du bois combustible et des produits forestiers non ligneux.

Le secteur forestier marocain procure plus de 8.000 emplois permanents.

Entretien avec Valentina Garavaglia, spécialiste à la FAO, et Alessandra Sensi, experte environnement et forêt de l’Union pour la Méditerranée.

 

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : Quel est l’état général des forêts au niveau du pourtour méditerranéen ?

Valentina Garavaglia et Alessandra Sensi : La superficie forestière des pays méditerranéens est estimée à 88 millions d'ha, soit 2% de la superficie forestière mondiale totale. Les forêts méditerranéennes font partie de paysages multiformes fortement marqués par des siècles d'intervention humaine. Malgré une augmentation en superficie dans les années passées, il y a 80 millions d'hectares de terres dégradées - y compris les forêts - en Méditerranée. Plus de 400.000 hectares de forêts sont brûlés chaque année et au moins 16% des espèces animales et végétales des forêts méditerranéennes sont menacées d'extinction. Et ce, en raison de menaces mondiales telles que le changement climatique, puisque la région méditerranéenne se réchauffe 20% plus vite que la moyenne mondiale et subit des impacts accélérés et plus forts.

 

F.N.H. : Quelle appréciation faitesvous du niveau de dégradation des forêts marocaines ?

V.G. et A.S. : On estime, par exemple, que le coût de la dégradation de l'environnement PIB est de 3,5% au Maroc. Depuis 1918, le département des Eaux et Forêts du Maroc a affiché un intérêt particulier pour la conservation et le développement des forêts. Par exemple, la forêt de la Maâmora, subéraie de plaine de 132.000 ha de superficie, est un espace forestier sérieusement affecté par le changement climatique et aggravé par la forte pression anthropique : i) ramassage systématique des glands  pour la consommation humaine, ii) le surpâturage, notamment le broutage des semis, iii) prélèvements de bois et iv) aridité du climat. La conjugaison de ces conditions biotiques et abiotiques a entraîné des difficultés de régénération naturelle de cette subéraie vieillissante. Les problèmes qui affectent la forêt de la Maâmora sont partagés par le reste des paysages forestiers régionaux, mais l’engagement fort au niveau national, démontré par la récente stratégie nationale des forêts, est porteur d’espoir.

 

F.N.H. : Sur le plan économique et en termes d’emplois directs et indirects et de biodiversité, que représentent les forêts marocaines ?

V.G. et A.S. : Il est encore difficile d’évaluer l’impact complet qu’a eu la pandémie sur le secteur forestier, surtout en termes d’emplois indirects. Néanmoins, les chiffres d’avant pandémie montrent l’importance du secteur forestier pour le Maroc. Une étude de la FAO évalue que la contribution réelle de la forêt marocaine est estimée à 10% du PIB agricole, ce qui correspond aux revenus que les populations rurales retirent du bois combustible et des produits forestiers non ligneux. Le secteur forestier marocain procure plus de 8.000 emplois permanents. Sur le plan environnemental, la contribution la plus importante des forêts au Maroc est la protection des sols contre l’érosion, la conservation des ressources en eaux dans les bassins versants, la protection des infrastructures hydrauliques, la préservation de la nature et de la faune et de la flore sauvages ainsi que la protection de la biodiversité.

 

F.N.H. : En collaboration avec la FAO, l'UpM a lancé au Liban et au Maroc le projet «intensifier la restauration des forêts et des paysages pour rétablir la biodiversité et promouvoir des approches communes d’atténuation et d’adaptation». Quels sont les principaux objectifs du projet au Maroc ainsi que les moyens mis en place pour les atteindre ?

V.G. et A.S. : L’objectif du projet est de démontrer le potentiel élevé des actions de restauration des forêts et des paysages dans le cadre de l’Accord de Paris - et ses contributions nationales déterminées - de la Convention sur la biodiversité et du défi de Bonn. Au niveau régional, le projet favorise l’échange des connaissances, le développement des capacités, la mobilisation de financements innovants, le suivi de la restauration des forêts et des paysages et la mise en œuvre des plans et programmes d'action nationaux existants en matière de restauration. Avec le soutien du projet et de la FAO, le département des Eaux et Forêts est en train de développer un nouveau plan de gestion participatif basé sur les facteurs écologiques, de gestion et socioéconomiques de la forêt de la Maâmora. Quatre sites ont été choisis pour la phase pilote qui permettra de tester les différentes étapes du plan de gestion, à partir de la formation des populations locales jusqu’à la mise en œuvre des activités de restauration participative sur le terrain. Au Liban, les initiatives de restauration des forêts et des paysages n'ont cessé de se multiplier ces 10 dernières années. Grâce au soutien du projet, le gouvernement libanais a eu l'opportunité d'analyser les principales actions nationales de restauration et leur impact sur les émissions et les réductions de gaz à effet de serre. Ces efforts ont permis une intégration appropriée des activités de restauration dans la contribution déterminée au niveau national du Liban, visant à atténuer les effets du changement climatique. Au terme du projet précité, les deux pays ciblés, à savoir le Maroc et le Liban, auront amélioré la coordination intersectorielle, les cadres juridique et politique pour une mise en œuvre efficace des programmes de restauration et des processus de gouvernance efficaces nécessaires pour changer d'échelle les projets de restauration (mode d'occupation, participation, instruments de financement nationaux, etc.).

 

F.N.H. : Enfin, que pensez-vous de la stratégie «Forêts du Maroc 2020-2030», lancée par l’Etat ?

V.G. et A.S. : Véritable levier de développement des espaces forestiers, avec «Forêts du Maroc 2020-2030», le Royaume montre encore une fois son vif intérêt pour la remise en forme des forêts à l’échelle nationale. Le Maroc sera d’ailleurs invité à partager son expérience de restauration des forêts lors de la Semaine forestière méditerranéenne du 21 au 25 mars 2022 à Antalya, en Turquie, sous le titre «Restauration des forêts et des écosystèmes pour les prochaines générations méditerranéennes». Il faut noter que le Maroc est historiquement l'un des pays les plus proactifs du Protocole de Kyoto et a donc développé une infrastructure institutionnelle plus solide que beaucoup de ses partenaires SEMED, permettant un meilleur accès aux prêts au développement. La Conférence des parties à la CCNUCC, organisée en 2016 par le Maroc, a également déclenché une augmentation des financements des agences de développement telles que l'AFD, ce qui peut expliquer au moins une partie du succès du pays pour attirer le financement climatique. C'est à travers les efforts en eau et dans la restauration des paysages que le Maroc montre le chemin pour les autres pays de l'UpM. 

 

 

 

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