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ENTRETIEN : L'Afrique mise sur le tourisme durable

ENTRETIEN : L'Afrique mise sur le tourisme durable

Nada

Nada Roudiès, Secrétaire générale du ministère du Tourisme, revient sur l’enjeu du tourisme durable qui est un tourisme créateur de valeurs et de bien-être pour les populations locales, valorisant les patrimoines naturels et culturels.

Finances News Hebdo : Dans quelle mesure le changement climatique affecte-t-il le secteur touristique marocain ? L’accentuation alarmante de ce fléau risque-t-elle de compromettre les objectifs que le Maroc s’est fixés dans le cadre de la Vision 2020 ?

Nada Roudiès : Le tourisme est reconnu de plus en plus comme un secteur générateur d’importants bénéfices pour les économies nationales, mais aussi une source considérable d’entrées de devises pour le développement des pays et l’amélioration des moyens de subsistance des communautés locales et des catégories à faibles revenus. Les statistiques en matière de tourisme international pour l’année 2015 indiquent que 1.186 millions de visiteurs ont voyagé dans le monde et que les recettes du tourisme international ont atteint 1.260 milliards de dollars. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit une hausse de ces chiffres dans les années à venir et le nombre de touristes devrait ainsi atteindre 1,8 milliard à l’horizon 2030. Le tourisme confirme ainsi son rôle clé dans l’économie mondiale en contribuant en moyenne à hauteur de 10% au PIB, en constituant un emploi sur onze (direct, indirect et induit), ce qui représente 7% des exportations mondiales et 30% des exportations de services.

Le secteur du tourisme produit 5% des gaz à effet de serre au niveau mondial et se doit de ce fait d’être développé en tenant compte de l’impact sur l’environnement et en mettant en place des actions d’adaptation. D’un autre côté, les conséquences des changements climatiques sur les saisons, l’élévation du niveau de la mer, l’altération des écosystèmes naturels, le stress hydrique…sont autant de phénomènes qui affectent le secteur du tourisme (qui se base sur le climat et les ressources naturelles pour son développement) et lui imposent de s’adapter.

Ce sont ces messages que le ministère du Tourisme marocain a essayé de porter lors de la COP22 avec l’OMT, et un nombre important de pays africains (25) qui ont signé lors de cet évènement la déclaration de Marrakech sur le tourisme et les changements climatiques ainsi que la charte africaine du tourisme durable. A travers la conférence «Solutions tourisme et climat» organisée par le ministère lors de la COP22, il s’agissait de mettre en lumière les initiatives et projets des acteurs touristiques qui ont pris en compte l’enjeu de la réduction des émissions carbones dans le cadre de leurs activités touristiques dans une logique de sensibilisation et de valeur d’exemple à diffuser à l’échelle du secteur.

F.N.H. : Parmi les engagements de cette Vision, faire du Royaume une destination touristique de référence en matière de développement durable dans le pourtour méditerranéen.

Comment peut-on allier essor du secteur et développement durable ? N. R. : L’enjeu du développement durable est placé au cœur des préoccupations stratégiques du Maroc. En effet, pour faire face aux enjeux majeurs inhérents au déploiement de ses programmes, notamment ceux relatifs à la préservation de l’environnement et à l’équité sociale, plusieurs actions ont été réalisées afin de maximiser les avantages de l’implantation de l’activité touristique dans les régions et essayer d’en minimiser les effets négatifs : c’est l’essence même d’un tourisme durable.

Pour le secteur, un tourisme durable est un tourisme créateur de valeurs et de bien-être pour les populations locales, valorisant les patrimoines naturels et culturels et inscrit dans les cadres national et international de développement durable. Les efforts d’optimisation des ressources en eau, la gestion efficiente de l’énergie et des déchets au niveau de toute la chaîne de valeur touristique, qui constituent un des piliers importants du tourisme durable contribuent à la réduction des émissions de GES et également aux efforts d’adaptation aux changements climatiques

F.N.H. : Se mettre à niveau sur le plan environnemental requiert la mobilisation de moyens financiers importants aussi bien pour l’adaptation que pour l’atténuation. Avez-vous estimé les besoins du secteur touristique pour faire face au changement climatique ?

N. R. : Au-delà des moyens financiers, il faut avant tout renforcer les capacités des acteurs, sensibiliser toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur touristique, du touriste national au touriste étranger, aux professionnels, etc.

Il faut aussi mettre à disposition des professionnels des outils. C’est dans ce sens que nous avons lancé des initiatives pilotes telles que le projet d’étiquetage environnemental au niveau des hôtels (10 hôtels pilotes ont reçu leur étiquette pendant la COP) ainsi que le projet «menu bon pour le climat» mis en place avec l’association des chefs de Marrakech. De même que nous avons valorisé des initiatives d’entreprises touristiques en faveur du climat avec un prix spécial tourisme et climat lancé dans le cadre de la 7ème édition des Trophées du tourisme durable.

En parallèle et sur le plan structurel, la quantification de l’impact du secteur en termes d’émissions de GES vient d’être lancée avec l’appui de l’initiative internationale pour le climat-IKI-, (ce programme appuyé par le gouvernement allemand, le PNUE et le PNUD). Le projet prévoit également la mise en place d’un programme NAMA du secteur qui nous permettra de définir un véritable programme de mise à niveau climatique et le financement qu’il nécessitera.

F.N.H. : La COP22 a été l’occasion de revenir sur les défis que le secteur, aussi bien au Maroc qu’au niveau continental, devra relever dans les prochaines années. Quel est le but de la Charte africaine du tourisme durable et responsable signée en marge de cette COP par 25 pays africains ?

N. R. : Lors de la Journée marocaine du tourisme responsable et durable qui a eu lieu à Rabat le 25 janvier 2016, le Maroc a réitéré son engagement et ses efforts pour un tourisme durable en signant la nouvelle version de la Charte marocaine du tourisme responsable.

Le Maroc a franchi un pas où le tourisme durable devient une démarche intégrée et non seulement un segment de produit. Ce changement d’échelle suppose une mobilisation et une fédération de l’ensemble des acteurs du tourisme autour d’un projet commun et d’orienter leurs actions vers des objectifs partagés. La Charte africaine du tourisme durable s’inscrit dans ce cadre. Tout en reconnaissant le droit au développement pour tous les pays, elle se veut un cadre de référence volontaire, encadrant le développement du tourisme en Afrique et assurant son inscription dans une dynamique soutenable, conciliant progrès économique et social, préservation de l’environnement et respect des spécificités locales et diversités culturelles.

La tenue de la 22ème conférence des Parties (COP22) au Maroc a constitué une réelle opportunité pour amorcer son implémentation et sa promotion avec la signature de la déclaration de la Charte africaine.

Propos recueillis par L. Boumahrou

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