La variabilité du solaire et de l'éolien impose la mise en place de solutions techniques et stratégiques pour assurer la stabilité du réseau. Loïc Jaegert-Huber, Directeur général d’Engie Afrique du Nord, présente cinq leviers que le Maroc devra actionner pour répondre à ce défi.
Par Désy M.
Le Royaume s’est fixé depuis 2009 un objectif : celui de porter la part des renouvelables à 52% de son mix énergétique d’ici 2030 tout en réduisant de 45,5% ses émissions de CO2. Cependant, pour concrétiser cette vision, le Maroc devra surmonter l’un des défis majeurs lié à l’intégration des énergies renouvelables : leur intermittence. Les énergies renouvelables se divisent en deux catégories : les renouvelables intermittentes, comme le photovoltaïque, l'éolien et le solaire à concentration, et les renouvelables non intermittentes, telles que l'hydroélectricité et la biomasse.
Un réseau électrique peut devenir instable si la proportion d'énergies intermittentes dépasse 50%, sans investissements substantiels dans le stockage de l'énergie et les interconnexions avec les pays voisins. Ainsi, en 2023, les énergies renouvelables ont représenté 21,7% du mix électrique marocain, dont 96% issues de sources intermittentes. Selon les experts, avec seulement 20% d’électricité intermittente, le Maroc reste encore loin du «toit de verre» des 50%, autrement le réseau deviendrait instable sans investissements massifs en stockage et en interconnexions. La variabilité du solaire et de l'éolien impose la mise en place de solutions techniques et stratégiques pour assurer la stabilité du réseau.
Actuellement, le Maroc gère l’intermittence grâce à la flexibilité de ses deux centrales à gaz Afourer et Abdelmoumen de 800 MW chacune; et à sa capacité d'échange de 1,4 GW avec l'Espagne. Certes, la question d’intermittence n’est pas urgente pour l’instant, mais le Maroc reste tout de même attentif. Des investissements importants sont prévus pour se préparer à cette éventualité. Tarik Hamane, Directeur général de l’ONEE, a annoncé lors du Forum international des énergies, un investissement de plus de 27 milliards de dirhams sur les cinq prochaines années pour le renforcement du réseau de très haute tension. Cet investissement permettra d’assurer une intégration optimale des énergies renouvelables et de gérer au mieux leurs intermittences.
Des solutions basées sur expertise avérée
En se basant sur l’expertise d’Engie en matière d’accompagnement et d’innovation dans différents projets de renouvelables à travers le monde, Loïc JaegertHuber, Directeur général Engie Afrique du Nord, énumère cinq leviers que le Maroc devra actionner pour répondre à ce défi. Primo, le stockage d'énergie. Le développement de batteries à grande échelle (BESS) et des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) permet de lisser la production et d’assurer une alimentation stable en dehors des périodes de production solaire ou éolienne. En effet, le stockage par batteries constitue une solution de plus en plus prisée par les industriels en raison de la baisse des coûts au kWh stocké à 114 dollars /kWh. Secundo, l’optimisation du réseau électrique. Ceci par l’amélioration des infrastructures de transport et de distribution, couplée à des réseaux intelligents (smart grids), permettant une meilleure prévision et répartition de l’énergie en fonction des besoins. Tertio, les interconnexions régionales.
Renforcer les échanges d’électricité avec les pays voisins via des interconnexions permet de mutualiser les ressources énergétiques et d’équilibrer l’offre et la demande à l’échelle régionale. Le Maroc est sur la bonne voie avec ses projets d’interconnexions électriques avec l’Espagne, le Portugal et récemment la Mauritanie. Quarto, la gestion de la demande par l’ajustement de la consommation grâce à des mécanismes de flexibilité et d’incitation à l’effacement. Cela permet de mieux adapter la demande aux périodes de forte production renouvelable. Enfin, le power-to-X et l’hydrogène vert. En effet, transformer l’électricité excédentaire en hydrogène ou en autres vecteurs énergétiques, permet de stocker cette énergie sur de plus longues périodes et de diversifier ses usages. L’instabilité due à l’intermittence des énergies renouvelables n’est pas encore une préoccupation majeure, mais elle deviendra de plus en plus cruciale à mesure que leur part dans le mix énergétique augmentera. Pour réussir cette transition, le Maroc doit investir dans des solutions de stockage, renforcer les interconnexions régionales et adapter la gestion de la demande. Ces efforts permettront au Royaume d’atteindre ses objectifs à l’horizon 2030.