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Le modèle marocain à l’honneur

Le modèle marocain à l’honneur

marie francoise marie nelly

L’expérience marocaine en matière de développement des énergies renouvelables est désormais un cas d’école qui inspire plusieurs pays, notamment africains. 70% des engagements de la Banque mondiale au Maroc sont orientés vers les éléments-clés du changement climatique. Pour l’organisation de la COP22, Marie Françoise Marie-Nelly, directrice au département Maghreb à la Banque mondiale, précise que son institution est mobilisée aux côtés du Royaume.

Finances News Hebdo : Le développement des énergies renouvelables est l’une des solu­tions pour faire face au changement climatique. Comment se décline la stratégie de la Banque mondiale pour accompagner les pays, notamment ceux en voie de développement, pour intégrer cette composante dans leur mix énergétique ?

Marie Françoise Marie-Nelly : Tout d’abord, l’initia­tive d’intégrer les énergies renouvelables dans le bouquet énergétique doit émaner des gouvernements. Car les stratégies qui réussissent sont celles où il y a une vision clairement exprimée par les pouvoirs publics. Le rôle de notre institution est d’accompagner les pays par l’appui technique et financier.

L’organisation de cet atelier d'échanges sur l'expérience d'énergie solaire concentrée constitue l’une des actions que nous menons auprès des pays qui souhaitent déve­lopper les énergies renouvelables. Ces rencontres sont extrêmement utiles parce qu’elles permettent d’échanger sur les expériences, d’identifier les écueils. Cet atelier a été l’occasion de présenter l’expérience marocaine qui a atteint un palier assez important en construisant la plus grande centrale solaire au niveau mondial. Cette expérience réussie incitera d’autres pays à franchir le pas, à faire leur choix et à concocter le bouquet énergé­tique qui leur convient en fonction de leurs ressources et alternatives.

Deuxième point, la Banque mondiale essaie de faire un levier financier en utilisant les ressources du Fonds de technologies propres, qui sont des ressources très concessionnelles à des taux très bas, les propres res­sources de chaque pays ainsi que ceux du secteur privé.

Troisièmement, nous essayons de voir comment le secteur privé peut participer activement et de manière intéressante dans le développement de projets dans les énergies renouvelables. L’institution a une approche adaptée à chaque pays à travers l’accompagnement dans la formulation de la vision, et ensuite dans la mise en oeuvre de cette vision en fonction des réalités du terrain.

F.N.H. : La Banque mondiale a été parmi les premiers bailleurs de fonds internationaux à soutenir le Maroc dans la réalisation de sa stra­tégie des énergies renouvelables. Qu’est-ce qui explique cette prise de risque de votre institution pour financer un projet gigantesque dans un domaine où le pays n’avait aucune expérience ?

M.F.M. : Comme l’a souligné le président du Directoire de Masen, le fait de réunir un certain nombre de parte­naires autour de la même table a renforcé la qualité du projet. Aussi, le Maroc a-t-il lancé une initiative et assuré sa mise en application avec rigueur dans la réalisation et dans la continuité qui s’est maintenue dans la conduite de l’opération, dans son suivi et sa mise en oeuvre. Une détermination dans la réalisation de sa stratégie qui s’est traduite par l’augmentation des engagements, en passant de 42% à l’horizon 2020 de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, à 52% en 2030. La qualité du dialogue, celle des partenaires et le sérieux de l’approche se sont traduits par des résultats concrets sur le terrain.

F.N.H. : L’expérience marocaine est présentée comme un exemple réussi en la matière. Ce modèle est-il exportable dans tout pays indépen­damment de ses spécificités ?

M.F.M. : Je pense que le modèle marocain est expor­table en partie. De par l’originalité de l’approche, puisque le Maroc a décidé de créer une agence dans l’objectif de donner plus de visibilité à l’effort et à l’opération. L’idée de créer une agence est une chose qui peut se répliquer dans d’autres pays. Pour cela, le Maroc se dit prêt à échanger son expérience avec les pays qui le souhaitent.

Deuxième point, le choix de la technologie. Le Maroc a opté pour la technologie solaire thermodynamique à concentration (CSP). Là encore, le pays a acquis une expérience qui lui a permis d’augmenter, par exemple, le temps de stockage de 3h pour la première centrale Noor 1 à 7h pour les autres centrales. Ce qui rendra le projet plus viable économiquement.

Troisièmement, le modèle de développement est basé sur un partenariat public-privé où le secteur privé, qui est le développeur a apporté tout son savoir-faire et a pris le risque d’achèvement du projet et de son exploitation. Ce qui peut donc être répliqué dans d’autres pays, c’est l’approche et non pas le modèle car chaque pays a ses spécificités. D’ailleurs, beaucoup de pays africains se tournent vers le Maroc pour s’inspirer de son expérience en matière de développement des énergies renouve­lables.

F.N.H. : Le Maroc est en plein préparatifs pour accueillir la COP22. Comment la Banque mon­diale compte-t-elle appuyer le Royaume pour relever ce défi de taille ?

M.F.M. : En effet, la COP22 revêt une importance particulière, puisqu’elle sera différente de celle de Paris où il était question que les pays s’entendent sur les engagements à prendre pour réduire l’impact négatif des changements climatiques et la réduction des gaz à effet de serre. Maintenant que les pays ont signé cet Accord à New York, le défi de Marrakech sera de trouver les ins­truments pour passer à l’action. Concrètement, il faudra identifier les chantiers de mise en oeuvre dudit accord.

A notre niveau, nous allons mobiliser une grande équipe en interne (agriculture, énergie, transport…) pour aider le gouvernement marocain, dans la formulation des mes­sages forts de mise en oeuvre et pour sortir de Marrakech avec un agenda clair des actions à entreprendre. La ville ocre sera non seulement la vitrine du Maroc pour présenter ses réalisations en matière de lutte contre les changements climatiques et de développement des éner­gies renouvelables, mais également celle de l’Afrique. Nous allons également participer, lors de la COP22, à un certain nombre d’événements sur des thèmes-clés de la mise en oeuvre de cet accord.

F.N.H. : La COP22 est l’occasion pour les pays les plus touchés par le changement climatique, à l’instar des pays africains, d’arracher des finan­cements pour l’adaptation. Comment allez-vous intervenir sur ce point ?

M.F.M. : Il faut savoir que la Banque mondiale a un programme important au niveau du Maroc, dont environ 70% des engagements sont orientés vers les éléments-clés du changement climatique. Et nous comptons continuer à aider le Maroc dans la mise en oeuvre de son programme. Pour revenir à votre question, c’est sur le volet financier que nous allons intervenir avec la Banque africaine de développement. Le gouvernement marocain nous a demandé de mettre l’accent sur la question du financement de l’adaptation. A noter que la Banque mondiale a pris un engagement à Paris pour faire passer le pourcentage des programmes, qui sont consacrés de manière directe et indirecte à l’atténuation des effets négatifs du changement climatique, à 28%. Mais pour arriver à des résultats tangibles, il faut que toutes les parties prenantes (pays, institutions financières) interviennent ensemble.

Propos recueillis par L.amiae Boumahrou

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