Que cache l'année record du Private Equity au Maroc

Que cache l'année record du Private Equity au Maroc
  • L'année 2018 enregistre un record en termes de levées de fonds avec un montant de 1,68 Md de dirhams. 

  • Des TRI cumulés qui dépassent 15%. 


Cela fait 11 ans que l'Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) et le cabinet Grant Thornton réalisent leur étude annuelle sur le capital d'investissement au Maroc. Elle couvre l'ensemble des sociétés de gestion adhérentes à l'AMIC ayant un bureau de représentation au Maroc et dont une partie des fonds à investir est dédiée au Maroc, à l'exception des fonds dédiés à l'immobilier et au tourisme. L'édition 2018 de cette étude, présentée mardi dernier à la presse, montre que la quatrième génération de fonds, lancée autour de l'année 2017, profite des bonnes conditions du marché. Adil Rzal, depuis bientôt un an à la tête de l'Association, confie que hors fonds infrastructures pour lesquels les levées ne sont pas régulières, l'année 2018 enregistre un record en termes de levées avec 1,68 Md de dirhams, contre 1,31 Md en 2017. En 2013, qui constituait jusqu'à présent l'année de référence, les sociétés de gestion ont pu lever 1,47 Md de dirhams - 3,07 Mds en incluant les fonds d'infrastructures.

En 2018, le Private Equity marocain a enrichi son offre avec l'intégration de 3 nouveaux fonds Innov Invest pour couvrir la partie risque et amorçage qui représente 8% des investissements en valeur entre 2017 et 2018.

2 nouvelles sociétés de gestion ont intégré l'AMIC : Amethis North Africa après avoir pris un ticket de 150 MDH dans CFG Bank notamment et SAEF Morocco. 

Un ticket moyen de 42 MDH en 2018

Les investissements du Private Equity ont atteint 760 MDH en 2018, c'est la deuxième meilleure performance depuis 2011 après un record à 798 MDH en 2016. 14 entreprises ont profité de ces investissements. L'étude montre que les investissements sont historiquement concentrés dans l'axe Casablanca-Settat qui capte 69% des montants. Les fonds préfèrent rester minoritaires dans les cibles (82% des prises de participation oscillent entre 34 et 50% du capital) alors que le ticket moyen est de 42 MDH. Ce chiffre est en baisse dans la population amorçage et risque (7 MDH en moyenne) alors qu'il continue de croître chez les entreprises matures pour atteindre 65 MDH entre 2017 et 2018 après 55 MDH chez la génération précédente des fonds : Le capital investisseur au Maroc adore les entreprises en développement puisqu'elles constituent 89% des cibles. Une préférence historique qui s'ancre de plus en plus dans les pratiques, puisqu'entre 2006 et 2011, 71% des cibles étaient déjà à ce stade de développement. L'initiative Innov Invest a cela dit permis d'ouvrir le marché sur le capital risque et amorçage. 


 

Des TRI brut cumulés de plus de 15% 

«Le Private Equity est une classe d'actifs qui offre un bon couple rendement/risque», souligne Adil Rzal. Il faut dire que les 312 MDH de désinvestissements réalisés en 2018 ont permis de hisser le TRI (Taux de rentabilité interne) brut moyen de cette industrie à 15,8% sur la période 2000-2018 et donnent raison au président de l'AMIC.

Dans le capital développement, ce rendement peut atteindre 18%. Mais les professionnels n'arrivent pas à canaliser suffisamment d'épargne institutionnelle sur cette classe d'actifs. Les caisses de retraite et les compagnies d'assurances ne représentaient que 13% des investisseurs en valeur durant la période 2012-2016. Sur les deux dernières années, les caisses de retraite sont quasiment absentes de ce marché quand les assureurs en représentent 8%. Dans les faits, le gros des investissements (80%) provient des organismes internationaux, européens essentiellement. Adil Rzal estime que pour capter plus d'investisseurs institutionnels, un effort additionnel doit être fourni sur le volet fiscal. L'AMIC propose par exemple d'aligner la fiscalité des entreprises qui bénéficient du Private Equity à celle des sociétés cotées, de supprimer le régime boiteux de la TVA sur frais de gestion qui lamine la performance des fonds ou encore d'assouplir (encore plus) la fiscalité des Businessangels qui demeure extrêmement modeste bien que récente. L'AMIC reconnait par ailleurs que le secteur a besoin de plus d'équipes de gestion pour augmenter la capacité de traitement du deal flow alors que sur le volet réglementaire et juridique, la mise en place de mécanismes d'incitation pour les entrepreneurs et les investisseurs, comme les bons de souscriptions en actions et le développement des outils de stocks options, peut, comme le renforcement du statut des sociétés par actions simplifiées et l'instauration de régimes fiscaux mère-fille, augmenter le champ du possible et offrir de la profondeur à un marché où les acteurs améliorent leur courbe d'apprentissage depuis bientôt 20 ans sans pour autant trouver suffisamment de grains à moudre.


Les challenges pour 2019

Comme chaque année, l'AMIC demande à ses membres de se projeter dans le futur proche. Un exercice qui permet d'anticiper des tendances. Cette année, 38% des sociétés de gestion estiment que leur principale préoccupation est de trouver de nouvelles cibles. Les capital-investisseurs veulent investir, d'autant plus qu'ils disposent de 2,3 Mds de dirhams en stock. 26% veulent trouver des «sorties» quand 22% souhaitent lever des fonds et 14% manager des entreprises peu performantes. Un pic de levées de fonds est attendu au deuxième semestre de 2019. Les nouvelles technologies et l'agroalimentaire sont les secteurs qui semblent intéresser les investisseurs pour les 5 prochaines années. Le Maroc représente la zone géographique la plus «prioritaire» avec 24% des membres qui y cherchent des cibles. Le Royaume est suivi par l'Egypte, l'Afrique subsaharienne et la Tunisie avec 20% des réponses chacune.
 

 

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