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Assurance non-Vie : le régulateur veut remettre de l’ordre

Assurance non-Vie : le régulateur veut remettre de l’ordre

 

La rentabilité de la branche non-Vie interpelle le président de l’ACAPS.

Mise en place d’une provision pour risque tarifaire.

De grands changements attendent la branche automobile.

 

Par A.E

 

La rentabilité de la branche non-Vie interpelle les acteurs du secteur des assurances. Les branches maladie et accidents du travail (AT) sont déficitaires structurellement depuis près de 10 ans, avec des ratios combinés sur les 3 dernières années de respectivement de 122% et 107%.

S’il est vrai que les produits financiers peuvent atténuer ce déficit pour l’AT, ce n’est pas le cas pour l’assurance maladie, qui est une branche à très court terme.

Hassan Boubrik tient néanmoins à rassurer : «Il n’y a pas aujourd’hui de situation critique. Le secteur dégage globalement une assez bonne rentabilité».  Avec 3,9 milliards de DH de résultat en 2017 et 38 milliards de fonds propres, la rentabilité des fonds propres ressort autour de 10%. «C’est pas mal», commente le régulateur.

Mais, prévient-il, «il y a des signaux qu’il faut anticiper pour ne pas avoir de problème demain». Ces signaux concernent essentiellement la branche automobile, qui connaît une augmentation de la sinistralité. La branche reste malgré tout rentable, même en tenant compte des garanties annexes. Le S/P (sinistres sur primes) combiné de la branche avec garanties annexes est d’environ 93% en 2017. Sans les garanties annexes, ce ratio est autour de 87%.

Toujours est-il que la sinistralité a tendance à augmenter et, surtout, cette branche, qui pèse près de la moitié des primes non Vie émises, finance et compense les autres branches déficitaires. «Une situation qui n’est pas tenable», fait savoir Boubrik, «parce qu’avec la concurrence sur l’automobile et la hausse de la sinistralité, on peut avoir un effet ciseau qui diminue les marges».

Par ailleurs, ajoute-t-il, «si l’on habitue les gens à des tarifs plus faibles que le coût de production, il sera difficile de se développer».

Boubrik explique que le développement des branches doit se faire de manière harmonieuse. Ainsi, la logique de l’ACAPS est de favoriser la compétition entre assureurs, sans pour autant qu’il y ait des pertes ou qu’une catégorie d’assurances en subventionne une autre.

«J’ai attiré l’attention du secteur à plusieurs reprises en leur disant que ça ne pouvait pas continuer comme cela, et qu’il fallait faire preuve de plus de vigilance», affirme le président de l’ACAPS, qui ne compte pas en rester là.

«Maintenant, nous allons passer à une étape plus concrète pour mettre en place une provision pour risque tarifaire.  Quand le S/P combiné d’une catégorie est supérieur à 100%, le différentiel devra faire l’objet d’une provision», nous apprend-il.

Cette mesure sera mise en place progressivement, car l’intérêt n’est pas de punir, mais plutôt que les assureurs ajustent leur comportement dès le prochain renouvellement des polices. Visiblement, le marché a adhéré à ce principe. Les branches susceptibles d’être les plus touchées, si cette mesure était appliquée dans les conditions actuelles, seraient évidemment l’AT et la maladie. Boubrik n’hésitera pas à aller plus loin dans la sanction, si les choses persistent.

«Demain, on peut imaginer une modification de la loi qui permet, après un certain délai accordé, de retirer l’agrément pour un certain nombre de catégories si l’assureur est structurellement déficitaire», ajoute-t-il.

 

Assurance automobile : libéraliser les critères de tarification

L’autre question sensible du moment concerne une éventuelle hausse des tarifs de l’assurance automobile. Sur cette question délicate, Hassan Boubrik préconise ce qu’il appelle «une moralisation du risque», et cela passe par une libéralisation du critère de tarification. Un jeune qui roule en voiture sportive a beaucoup plus de probabilité de faire un accident qu’un enseignant, par exemple. Or, ces deux assurés payent le même prix.

Au Maroc, les tarifs de l’assurance auto ont été libéralisés, mais pas les critères tarifaires. Ces derniers sont relativement rigides (puissance fiscale, carburant, nombre de personnes transportées, etc.)

«Dans la circulaire générale, nous aurons la possibilité de libéraliser un peu plus ces critères tarifaires, pour mettre en place des critères sur le conducteur notamment. En conséquence, il y aura des assurés pour qui les tarifs augmenteront et d’autres pour lesquels ils devront baisser», explique le président de l’Autorité.

Néanmoins, s’empresse-t-il d’ajouter, la libéralisation des critères tarifaires ne doit en aucun cas engendrer des hausses «trop fortes» des primes. Ces hausses  doivent se faire dans des limites très raisonnables, accompagnées de pédagogie. «Pour moi, c’est inéluctable. Sur la RC qui est encore rentable, la tarification n’augmentera pas nécessairement, en moyenne. Cela concerna davantage les garanties annexes», précise notre interlocuteur.

Par ailleurs, l’ACAPS va investir dans la dématérialisation. Ainsi, un appel d’offres a été lancé pour une étude de faisabilité, financée à 50/50 par l’ACAPS et la FMSAR, portant sur la dématérialisation de l’attestation de l’assurance automobile et sur la mise en place d’une base de données unifiée, à la fois sur la production et sur les sinistres. L’appel d’offres sera adjugé en mars, et les résultats de l’étude sont attendus pour le mois de juin. «L’idée est dès qu’une police d’assurance auto est émise, elle est introduite directement dans la base de données», explique H. Boubrik.

Cela permettra évidemment de combattre la fraude, mais cela va au-delà. Il s’agit aussi de simplifier le processus de gestion des attestations, à l’image de ce que l’on a connu avec la dématérialisation de la vignette. Cela ouvrira aussi la voie à la digitalisation de la souscription de l’assurance automobile. «Nous allons véritablement nous inscrire dans ce sens là», affirme le régulateur du secteur. ◆

 

 

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