INPPLC: vers une nouvelle ère en matière de prévention et de lutte contre la corruption

INPPLC: vers une nouvelle ère en matière de prévention et de lutte contre la corruption

Le corps des commissaires investigateurs regroupe des profils multiples et pluridisciplinaires.

A travers les leviers de communication et d’éducation, l’Instance veut développer les valeurs de probité, d’intégrité et d’éthique.

Le point avec Bachir Rachdi, président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC).

 

Propos recueillis par C. Jaidani

 

Finances News Hebdo : Où en sont les chantiers pour la mise en place des fondements de l’INPPLC ?

Bachir Rachdi : Dès la nomination de son président fin 2018, l’INPPLC a lancé une série de chantiers pour la construction des fondements de l’Institution, sur la base d’une approche structurée, qui prend comme premier appui l’analyse du chemin parcouru en matière de prévention et de lutte contre la corruption pour capitaliser sur les réalisations et acquis des deux dernières décennies, mais aussi sur les limites et les barrières qui ont empêché le Maroc d’atteindre les objectifs visés sur cette période. En parallèle, un grand nombre de travaux préparatoires et de chantiers prioritaires a été cadré, planifié puis lancé et suivi, en vue de mettre en place lesdits fondamentaux, dans le cadre d’une stratégie globale à même de permettre à l’INPPLC de remplir pleinement ses missions constitutionnelles et d’impulser une forte dynamique qui lance les bases d’une nouvelle ère dans la lutte contre la corruption au Maroc, et où la complémentarité institutionnelle se conjugue avec l’articulation des rôles et des responsabilités pour faire face à la complexité et à l’ampleur du phénomène.

Les chantiers prioritaires et les travaux préparatoires lancés pour concrétiser ces travaux fondateurs ont donné lieu à un nombre important de productions de nature structurelle, organisationnelle ou opérationnelle, mais également à des productions scientifiques permettant l’approfondissement de la connaissance objective du phénomène; et d’autres à caractère stratégique comprenant des analyses, des avis et des recommandations concernant l’évolution du phénomène de la corruption et de ses manifestations, ainsi que des sujets qui s’y rapportent tels que la gouvernance, l’éthique, le climat des affaires et autres thématiques de prévention et de renforcement du dispositif de lutte contre la corruption En parallèle, l’Instance a engagé dès le mois de janvier 2019 le processus de refonte de la loi régissant l’INPPLC, en vue de doter l’institution des pouvoirs, de l’indépendance et des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions constitutionnelles. Lequel cadre légal, adopté par le Parlement à l’unanimité en mars dernier, vient renforcer le dispositif institutionnel national de prévention et de lutte contre la corruption et créer un environnement capable d’infléchir la tendance du phénomène et l’inscrire sur une pente fortement baissière.

 

F.N.H. : Votre institution dispose-telle des moyens humains et matériels assez suffisants pour s’acquitter convenablement de ses attributions ?

B. R. : Pour répondre à votre question, il y a lieu tout d’abord de préciser qu’un référentiel stratégique cadré par les dispositions constitutionnelles et légales, telles que précisées dans la loi 46.19, a été institué par l’Instance à travers l’élaboration d’un projet de stratégie globale, qui sera bien entendu soumis à l’appréciation du Conseil de l’Instance, dès la nomination de ses membres, pour discussion et enrichissement en vue de son adoption et sa mise en œuvre. Aussi, dans un objectif d’opérationnalisation cohérente et productive de résultats pour cette stratégie, chacun de ses axes est décliné dans un plan d’action pluriannuel, assorti d’une programmation budgétaire triennale, orientée selon les priorités retenues et la montée en charge escomptée, avec précision des besoins, en ressources humaines, matérielles et financières, en adéquation avec les objectifs de réalisation de chacun des projets et actions planifiés. En termes pratiques, l’Instance a déjà amorcé le processus de recherche active et de recrutement de hautes compétences nécessaires à l’accomplissement de ses missions, dans les différents domaines qui relèvent de ses prérogatives. Le lancement du processus de mise en place pleine du capital humain se fera sur la base du statut du personnel de l’Instance, soumis à l’approbation du Conseil de l’Instance, et qui précise les modalités de recrutement et de développement des RH, et prévoit un chapitre spécifique dédié aux commissaires investigateurs. Ce corps, aux profils multiples et pluridisciplinaires, pourrait intégrer en son sein à la fois des magistrats de la Cour des comptes, des officiers de la police judiciaire et autres profils d’inspecteurs financiers, d’auditeurs et de spécialistes sectoriels.

 

F.N.H. : La mouture finale de la loi 46.19 a-t-elle pris en compte les réserves et les recommandations des juristes, des parlementaires et aussi de la société civile, notamment l’aspect lié à l’indépendance de l’institution comme le stipule la Constitution  ? Existe-t-il des possibilités de synergie avec les autres organismes concernés par la lutte contre la corruption ?

B. R. : La loi 46.19 décline de manière optimale les dispositions constitutionnelles qui consacrent l’indépendance de l’Instance nationale de la probité et encadre ses missions, en dotant cette dernière de larges pouvoirs appuyés par des dispositions légales pour en assurer une mise en œuvre optimale. Aussi, la déclinaison de ces missions ne peut se faire que dans le cadre du respect et de l’articulation fine entre deux principes fondamentaux  : celui de l’indépendance et celui de la complémentarité institutionnelle. Des dimensions incontournables pour accéder à une gouvernance responsable et pour atteindre les objectifs d’une nouvelle ère en matière de prévention et de lutte contre la corruption, avec des politiques à forts impacts perceptibles par les citoyens et par les acteurs économiques et sociétaux.

 

F.N.H. : En élargissant le périmètre de définition de la corruption, la loi a-t-elle bien délimité et précisé les actes pour faire la distinction entre les infractions d’ordre administratif, d’ordre financier ou bien les crimes à caractère pénal ?

B. R. : La loi 46.19 traduit la volonté du législateur constitutionnel, d’élargir et de préciser le périmètre et la définition du phénomène de la corruption et des pratiques associées, qu’elles relèvent d’infractions d’ordre administratif et financier ou de crimes à caractère pénal. Le périmètre de la corruption englobe désormais tous les actes qui constituent des crimes de corruption au sens du code pénal ou de lois spécifiques en vigueur et celles qui viendraient renforcer l’arsenal juridique en la matière, ainsi que toutes les infractions administratives et financières visées à l’article 36 de la Constitution, qu’il s’agisse de conflits d’intérêts, de délits d’initié ou de toutes formes de délinquance liées à l’activité des administrations et des organismes publics et à la passation des marchés publics ou encore à de mauvais usages des fonds publics.

 

F.N.H. : Avez-vous prévu des programmes de sensibilisation ciblant les agents de l’Etat, les citoyens et pourquoi pas les enfants à l'école ?

B. R. : Cela fait partie des attributions clairement énoncées dans la loi 46.19 relative à l’Instance de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption. Aussi, parmi les objectifs stratégiques retenus par l’Instance pour permettre une couverture optimale de ses missions, figure un axe spécifique relatif à la sensibilisation, la mobilisation et l’interaction avec les différentes composantes de la société, dans une logique où elles sont considérées non seulement comme cibles, mais aussi comme acteurs. Dans ce sens, l’Instance développe une stratégie globale de promotion des valeurs de probité, d’intégrité, d’éthique et de garantie de transparence, et ce à travers les leviers de la communication, de l’éducation et de la formation et en adoptant une approche participative large, permettant de renforcer la prise de conscience générale et le rôle de la société civile et des médias.

Une approche dynamique qui tient compte des transformations connues dans la société et en anticipant sur celles à venir, en matière de généralisation de l’usage des technologies, des réseaux sociaux et de l’évolution des médias et de leur rôle. Combinant cette dimension et celle d’un autre axe stratégique de développement de la connaissance objective du phénomène de la corruption, le levier de la recherche scientifique et sociale, impliquant le monde académique, le secteur privé et les institutions concernées, sera mis à contribution pour doter les acteurs de capacités renforcées pour la maîtrise du développement du phénomène, et pour prendre de l’avance sur les pratiques de corruption dans la diversité de leurs formes et la sophistication qui les caractérise de plus en plus.

 

 

 

 

 

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