Proche-Orient, Ukraine... Les chocs à répétition font tanguer le commerce mondial

Proche-Orient, Ukraine... Les chocs à répétition font tanguer le commerce mondial

Les années passent et les crises s'accumulent sur le commerce international, affecté après la pandémie et la guerre en Ukraine par les risques d'un embrasement au Proche-Orient qui le fragilisent tout en lui imposant de redessiner ses routes.
 

La croissance des échanges internationaux devrait être inférieure à celle du PIB mondial dans les dix prochaines années, a montré lundi une étude du Boston Consulting Group (BCG), soit "un revirement majeur par rapport à la tendance observée depuis la fin de la Guerre froide" selon le cabinet de conseil.

Cette situation survient après trois années de remise en question profonde du fonctionnement même de la mondialisation, sur fond de crises internationales majeures et de flambée inflationniste.

En 2020, la pandémie de Covid-19 avait très durement affecté les chaînes de distribution mondiales avec des navires stationnés durant des semaines au large des principaux ports mondiaux, étouffés par les pénuries de travailleurs et les contraintes sanitaires.

L'invasion russe de l'Ukraine en février 2022 est venue ensuite aggraver les tensions sur les chaînes d'approvisionnement et sur une inflation qui a franchi des niveaux sans précédent depuis cinquante ans.

Celle-ci reflue depuis plusieurs mois mais menace à nouveau de redécoller à mesure que les craintes géopolitiques se sont focalisées sur le Proche-Orient et le risque d'un embrasement régional, alertent plusieurs économistes.





A la guerre opposant Israël au Hamas palestinien se sont succédées des attaques de rebelles Houthis en mer Rouge qui empêchent les navires de transiter en paix par le canal de Suez, une des principales autoroutes mondiales par laquelle passe 12% du commerce mondial.

Les vaisseaux contournent désormais l'Afrique en passant par le cap de Bonne Espérance, ce qui rallonge le voyage entre l'Asie et l'Europe de 10 à 20 jours, et fait déjà augmenter les tarifs pour couvrir les frais liés à ce détour.

Le tarif moyen entre Chine et Méditerranée a augmenté de l'ordre de 15 à 20%, selon Niels Rasmussen, analyste en chef pour Bimco, principale association mondiale de transporteurs maritimes. Des marques comme Ikea ont déjà annoncé des retards.

Cela aura moins d'effets sur les produits chers ou de luxe où le coût du transport pèse proportionnellement moins, mais l'effet global sur l'inflation pourrait culminer à +0,7 point en fin d'année, dans l'hypothèse où "la mer Rouge se fermait aux bateaux pendant plusieurs mois et que les frais de transport demeuraient autour de deux fois le prix de décembre", a évalué le cabinet économique Oxford Economics dans une récente note.

Dans cette situation, "un embrasement du Proche-Orient, une insécurité croissante dans le trafic de la mer Rouge (...) remettraient en cause la stabilité internationale et affecteraient durablement le commerce mondial", a alerté lundi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire, ajoutant à cette liste les risques d'un potentiel incident entre la Chine et Taïwan.

De récents incidents entre Manille et Pékin en mer de Chine méridionale pourraient par ailleurs perturber les échanges dans cette vaste zone maritime par laquelle transite aujourd'hui une grande partie du commerce entre l'Asie et le reste du monde.

Face aux chocs géopolitiques à répétition, à la confrontation commerciale féroce entre les Etats-Unis et la Chine et aux réflexes protectionnistes, les autoroutes du commerce se modifient, passant "d'une logique de circuit de Formule 1 où le niveau des coûts de production façonnait les chaînes de valeurs à une logique de rallye où l'assurance et la résilience des chaînes sont prioritaires", analyse ainsi le BCG.

A ce jeu, les pays de l'Asie du sud-est feront partie des grands gagnants de ce nouvel ordre, d'après l'étude de la société de conseil, et devraient voir leur commerce croître de 1.200 milliards de dollars sur les dix prochaines années, en raison de l'émergence de cette région comme une destination clé pour les entreprises cherchant à réduire leur dépendance à la Chine.

Signe du "friendshoring", un terme anglo-saxon devenu à la mode lors de la pandémie pour désigner la priorité au commerce avec ses alliés afin de limiter les risques, l'Europe devrait augmenter ses échanges avec les Etats-Unis de 38%, tout comme avec l'Inde (+66%) et la Turquie (+23%) à horizon 2032, selon le BCG.

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