C’est l’un des plus grands visages de notre métier qui vient de nous quitter. Un grand journaliste, un fin analyste de la chose politique, un éditorialiste de grand acabit avec une acuité intellectuelle qui nous a tous inspirés. Jamal Berraoui, après un long combat avec la maladie, s’en va. Il nous laisse un legs important : son engagement humain pour lever le voile sur les réalités de son pays et sa volonté infaillible à ne jamais céder aux modes pseudos journalistiques ni aux compromis de quelque nature qu’ils soient.
Jamal Berraoui incarnait le sens de la formule juste et imparable, le verbe fort et construit, la phrase élégante, le sens aigu du questionnement, l’art de dire le non-dit, avec subtilité et finesse. Rien de ce qui se passe dans le monde ne pouvait lui échapper : il lisait beaucoup, se documentait en continu, il comparait les faits, avec cette faculté innée de filtrer le vrai du faux.
Je l’ai rencontré il y a trente ans. Je débutais dans ce dur métier de journaliste. Il m’a accueilli avec beaucoup de bienveillance. Il m’a ouvert les bras et m’a aidé avec des conseils qui n’avaient jamais rien de paternaliste ni de l’aîné qui prodiguait sa science au néophyte que j’étais. Rien de tel. Mais une main tendue, avec cette générosité du cœur pour faciliter les choses à un débutant. Ils sont nombreux les journalistes aujourd’hui qui ont eu la chance de travailler avec lui. Il était mon rédacteur en chef avant de devenir mon ami. Il l’était pour beaucoup d’entre nous.
Jamais cet homme n’a donné dans la gratuité des relations humaines ni dans le jeu des masques. Égal à lui-même, il pouvait être dur et inflexible, mais jamais méchant. Il aimait la vie avec ses heurs et malheurs. Il assumait ses choix et vivait selon son coeur.
Adieu l’ami.
Abdelhak Najib