La phase opérationnelle de la Zone de libre-échange continentale africaine lancée à Niamey.
Nasser Bourita tacle les petits esprits du polisario.
Par D.W
Le 12ème Sommet extraordinaire de l’Union africaine, tenu dimanche à Niamey, avait une coloration économique très prononcée. Il actait, en effet, l’opérationnalisation de la fameuse Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), ce gigantesque marché commun de 1,2 milliard de consommateurs qui suscite beaucoup d’enthousiasme chez les dirigeants du continent. Et pour cause, les chiffres rendus publics témoignent d’un optimisme presque béat : avec, entre autres, la suppression des droits sur 90% des biens, le commerce intra-africain pourrait annuellement accroître de 52,3%. A l’horizon 2023, il devrait se situer à 25%, alors qu’il est estimé entre 15% et 18% aujourd’hui.
Mieux encore, les projections font ressortir que la ZLECA permettra à l’Afrique de générer un PIB de plus de 3.000 milliards de dollars US et va contribuer à la création de 300.000 emplois directs et plus de 2 millions d’emplois indirects. Ces chiffres relatifs à l’emploi sont évidemment un argument imparable, car la véritable problématique à laquelle l’Afrique est confrontée reste le chômage endémique des jeunes, qui les poussent à vouloir «déserter» coûte que coûte le continent, parfois au péril de leur vie.
Au Maroc, l’on se réjouit évidemment de la mise en branle de la ZLECA. Pour le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita, cet accord «marque le début d’un dessein collectif plus vaste. Elle est l’expression d’un nouveau modèle de co-développement en Afrique, d’un modèle inclusif, solidaire et efficient, au service du citoyen africain».
La ZLECA résoudra-t-elle pour autant tous les maux auxquels fait face le continent africain ? Peu sûr. Certains sont d’ailleurs très sceptiques vis-à-vis de cet accord de libre-échange.
C’est le cas de l’économiste Najib Akesbi, qui nous confiait il y a quelques jours dans ces colonnes qu’il aurait été plus utile et plus pertinent de développer d’abord les unions régionales existantes. Par ailleurs, estime-t-il, «l’expérience de 30 ans a montré que le libre-échange ne produit pas la croissance. Et à supposer qu’il y en ait, encore faut-il que le fruit de cette croissance soit affecté aux besoins de base de la population».
Les voix discordantes autour de la ZLECA ont certainement légitimé l’adhésion tardive de la grande puissance économique qu’est le Nigeria. Après plusieurs mois de réticence, ce pays, au même titre que le Bénin, n’a signé l’accord instituant ce bloc commercial et douanier que le dimanche. Jour marqué par le lancement de 5 instruments opérationnels de la ZLECA, relatifs aux «règles d'origine», au «portail en ligne pour les offres tarifaires», à la «notification, au suivi et à l'élimination de barrières non tarifaires», au «système panafricain de paiement et de règlement numérique» et, enfin, à «l'Observatoire du commerce africain».
Si le volet économique a largement dominé les débats lors de ce Sommet extraordinaire de l’UA, il n’en demeure pas moins qu’il y a eu… un instant politique très important, particulièrement pour le Maroc. Qui, par la voix de Bourita, a mis clairement les points sur les «i» et rappelé à ceux qui complotent contre le Royaume certaines constantes qu’ils feignent d’oublier.
Car si ces «retrouvailles» au sein de l’UA sont pour la fantomatique RASD l’occasion de gesticuler pour exister, c’est surtout pour le Maroc le moment de la faire revenir sur terre et de la soustraire de ses croyances utopiques. Et Bourita a su parfaitement le faire, à travers des mots transparents pour qui sait lire : «le Maroc a adhéré de manière forte à l’exercice d’établissement de la ZLECA, mais sa signature et sa ratification de cet accord ne sauraient être interprétées comme une reconnaissance d’une situation, d’un fait ou d’une entité qui menace son intégrité territoriale et son unité nationale».
Pas besoin d’être un clerc pour comprendre ces propos. Et si tant est qu’il faille être plus intelligible pour ces petits esprits du polisario, Bourita explique que «le Maroc agit selon une doctrine et des principes clairs lorsqu’il s’agit de faire la différence entre l’appartenance à une organisation et la reconnaissance des entités qui pourraient en faire partie, mais que le Maroc ne reconnait pas». Raison pour laquelle il dénonce une «aberration flagrante», dans la mesure où une entité fantoche qui ne dispose pas de territoire ne peut logiquement «appartenir à une zone de libre-échange».
«Si cette entité va faire du commerce à partir de Tindouf, ça va être du commerce interne dans un autre pays de l’Union africaine qui est l’Algérie», souligne Bourita, qui se demande à juste titre «avec quelle monnaie cette entité va-t-elle le faire ? Si ce commerce aura lieu, c’est avec la monnaie algérienne».
«Si les marchandises doivent passer par une douane, ça sera celle de l’Algérie; donc c’est ça l’aberration que le Maroc a tenu à soulever», s’exclame-t-il.
Reste qu’il sera néanmoins difficile pour tous ces ennemis du Maroc d’appréhender ce raisonnement pourtant très simple de Nasser Bourita, simplement parce qu’ils sont atteints d’indiscipline intellectuelle chronique.◆