Ce qui devait être une alliance spectaculaire entre Donald Trump et Elon Musk a tourné au règlement de comptes public. Pendant des mois, le président américain et le patron de Tesla ont affiché leur entente : campagne électorale financée à coups de millions, entrées en grande pompe à la Maison Blanche, et mission gouvernementale confiée à Musk pour réduire les dépenses de l’État.
Mais la lune de miel a brutalement pris fin. En désaccord sur un projet de loi budgétaire central du mandat de Trump, Musk a attaqué publiquement le président. Trump a répliqué avec fracas. Depuis, les deux hommes s’accusent d’“ingratitude”, de “folie”, et menacent jusqu’aux contrats spatiaux entre SpaceX et la NASA.
Leur querelle n’est plus seulement une anecdote de coulisses : elle expose les tensions profondes au cœur du pouvoir républicain, et le risque d’une implosion entre ses figures les plus visibles.
En 2024, Musk devient le principal financeur de la campagne de Donald Trump. 280 millions de dollars, des déclarations d’amour publiques ("Trump avait raison sur tout", lit-on sur sa casquette), et une entrée fracassante à la Maison Blanche début 2025 à la tête d’un organe budgétaire inédit : le Doge (Department of Government Efficiency).
Objectif : couper dans les dépenses, sans état d’âme. Fermeture d’agences fédérales, suppression d’aides internationales, licenciements massifs de fonctionnaires… mais résultats bien maigres. Musk annonçait des milliers de milliards d’économies, les chiffres indépendants parlent plutôt de 2 à 12 milliards.
Pendant ce temps, ses entreprises, Tesla, SpaceX et X (ex-Twitter), continuaient de capter des milliards de contrats publics. Les accusations de conflit d’intérêts planaient. Mais Trump le protégeait. Jusqu’à ce que Musk morde la main qui le nourrissait.
Le point de rupture : une loi budgétaire explosive
C’est une loi qui a tout fait basculer : le One Big Beautiful Bill, mégaprojet budgétaire censé symboliser la toute-puissance du second mandat de Trump.
Le texte prévoit une extension des réductions d’impôts décidées en 2017, et des coupes dans les aides sociales. Musk, resté obsédé par l’équilibre budgétaire, le juge grotesque. Il le qualifie publiquement d’abomination répugnante. Puis appelle les Américains à tuer le projet de loi.
Trump encaisse mal. Il accuse Musk d’hypocrisie, d’ingratitude, puis d’instabilité mentale. Musk, lui, l’accuse de mentir, de trahir ses promesses... et balance qu’il aurait perdu l’élection sans lui.
La dispute vire au pugilat. Trump menace d’annuler tous les contrats gouvernementaux de Musk. Musk répond en annonçant qu’il va retirer du service la capsule Dragon, utilisée par la NASA pour envoyer des astronautes dans l’espace. L’action Tesla s’effondre. Wall Street panique.
Dans la foulée, Musk revient sur sa menace ("Bon, on ne va pas retirer Dragon"). Trop tard : le clash est viral, mondial, ingérable.
Et dans une ultime provocation, il balance sur X que Trump figurerait dans les dossiers Epstein. Une accusation sans preuve, mais taillée pour enflammer les réseaux. Le niveau d’agression n’est plus politique, il devient personnel, toxique, quasi nucléaire.
Musk, l’enfant terrible devenu poison politique
Musk croyait sans doute pouvoir influer durablement sur la ligne trumpiste. Il pensait modeler la politique américaine comme on reprogramme un logiciel. Il découvre aujourd’hui que Trump ne partage pas le pouvoir, il le dévore. La popularité déclinante de Musk, la chute de Tesla, ses sorties polémiques en Europe et ses provocations en ligne ont achevé d’agacer un président déjà irritable.
Dans un ultime accès de mégalomanie, Musk évoque la création d’un nouveau parti politique. Il interroge ses abonnés : "Le temps est-il venu de créer un parti du centre ?" La réponse est cinglante : même ses fans semblent las.
Les Républicains, eux, tentent de colmater. Certains veulent ignorer Musk, d’autres redoutent ce qu’il sait et pourrait révéler. "Musk a vu trop de choses", glisse un conseiller politique. Et s’il passait dans l’opposition ? Et s’il décidait de faire perdre Trump… comme il l’avait aidé à gagner ?
Les États-Unis découvrent avec ce feuilleton une chose simple : dans la politique de la démesure, le plus grand danger ne vient pas de l’adversaire, mais de l’allié trahi. À suivre.