Mises à part les circonscriptions dans lesquelles le PJD jouit d’une majorité absolue, l’élection de la présidence des conseils communaux et régionaux dépendra des tractations engagées par les partis politiques. La suspension des négociations au sein de la majorité, depuis lundi 7 septembre, ouvre la voie à tous les scénarios.
Cinq jours après le vote, le suspense reste entier. Décidément, le premier scrutin post-Constitution 2011 n’a pas révélé tous ses secrets. Les analyses des experts se suivent sans se ressembler. Le rendez-vous des communales & régionales 2015 suscite un flot de commentaires, nourris par la curiosité d’une population de plus en plus intéressée par la chose politique.
Raz de marrée !
Le parti du tracteur a certes pu maintenir son rang au sommet du classement des communales (en remportant 6.655 sièges), suivi du Parti de l’Istiqlal (5.106) et du PJD (5.021). Mais les statistiques sont ce qu’elles sont et peuvent, le cas échéant, tromper ceux qui ne savent pas les lire. Car, si on raisonne en nombre de voix décrochées, en lieu et place de celui des sièges, le parti de la lampe serait propulsé au premier rang (le PJD revendique 1,55 million de voix, soit le triple du résultat recensé en 2009).
Puis, le fait d’être troisième au classement général ne l’a pas empêché de marquer sa domination à l’intérieur des grandes agglomérations. Ayant obtenu une majorité absolue dans neuf grandes villes, le parti de Benkirane jouit d’une position confortable qui lui permet, a priori, d’imposer ses hommes et ses programmes dans la gestion des mairies de Casablanca, Rabat, Marrakech, Tétouan, Fès, Tanger, Kénitra et Agadir. Quel type d’analyse peut-on alors retenir face à la nouvelle cartographie politique de nos villes ? Serait-ce le signe d’un «conservatisme» urbain porté par une nouvelle classe moyenne ? Les voix des libéraux-modernistes ont-elles migré vers la campagne ? Ou bien serait-ce juste l’expression d’une satisfaction à l’égard d’une expérience gouvernementale conduite par le PJD, et que l’on voudrait transposer à l’échelle des villes ? Le scrutin du 4 septembre a le mérite de fournir matière à réflexion aux sociologues. Les politologues sont, eux aussi, invités à évaluer la pertinence et la neutralité du mode de scrutin. Sachant que le législateur a fait le choix d’un scrutin proportionnel de liste et d’un autre uninominal pour les communes à moins de 35.000 habitants (celles-ci se concentrent généralement dans le monde rural et se caractérisent par une forte présence de notables).
S’agissant des régionales, là encore, les chiffres, qui donnent la première place au PJD (174 sièges sur 678), méritent d’être interprétés avec prudence. Car, même en trônant au sommet du tableau, rien ne garantit une mainmise du PJD sur les conseils des régions. La composition de ces instances dépendra du sort des tractations engagées par les partis politiques. D’un point de vue arithmétique, la supériorité numérique revient aux quatre partis de la majorité dans quatre régions, contre douze tombées sous le contrôle de l’opposition. Mais la lutte pour la présidence pourrait diviser les partis de la coalition, comme ce fut le cas à l’issue de la réunion de leurs Secrétaires généraux, lundi 7 septembre. Le patron du RNI aurait exigé la présidence de deux régions, suscitant ainsi l’ire de Benkirane. La réaction du PJD ne s’est pas fait attendre à travers un communiqué dans lequel le parti se dit ouvert à des alliances hors-coalition gouvernementale, en dehors des villes gagnées avec une majorité absolue. Au moment où nous mettions sous presse, les négociations sont encore suspendues entre les quatre partis de la majorité. Tous les scénarios sont désormais possibles.
Wadie El Mouden