Sahara marocain - ONU: la diplomatie du «turbo»

Sahara marocain - ONU: la diplomatie du «turbo»

Dans le calendrier de la prochaine session de l'Assemblée générale de Nations unies, qui va s'ouvrir le 16 septembre, figurent des dizaines de points à l'ordre du jour. Le dossier de la cause nationale est l'un d'entre eux. Il est ainsi prévu, dans le calendrier du mois d'octobre du Conseil de sécurité une délibération. Celle-ci sera sanctionnée par une résolution.

Quels en sont, en l'état, les termes de référence à retenir ? La haute instance onusienne va prendre note du rapport de l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU, Staffan de Mistura, qui a entamé ces jours-ci une tournée dans la région. Une note d'information pour les correspondants accrédités à l'Organisation mondiale a précisé, avant son arrivée, que ce diplomate «continue d'espérer approfondir les consultations avec toutes les parties concernées sur les perspectives de faire avancer de manière constructive le processus politique sur le Sahara occidental». Et d'ajouter : «Ce faisant, il entend rester guidé par les clairs précédents établis par ses prédécesseurs».

En visite dans le Royaume, voici deux mois, il avait été reçu par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, le mardi 5 juillet. Le communiqué publié par ce département à l'issue de cette réunion avait souligné de nouveau la position marocaine. Ce diplomate avait décidé ce même jour d'annuler son déplacement prévu dans les provinces sahariennes, sa liberté de mouvement étant totale.

 

Relance du format de la table ronde

Après sa première tournée dans la région, du 12 au 19 janvier dernier, près de trois mois après sa prise de fonction le 1er novembre 2021, il a commencé par les dirigeants séparatistes de Tindouf - dont Brahim Ghali, président de l'entité fantoche - dimanche 4 septembre. Il a eu droit aux slogans récurrents : «le Maroc ne respecte pas la légalité internationale; «le peuple sahraoui a repris la lutte armée» ou encore l'exigence que «l'ONU assume ses responsabilités  qu'elle a fuies pendant trente ans», etc. Le discrédit ! Qui a décidé de dénoncer et de ne plus respecter le cesse-le-feu depuis le 20 novembre 2020, instauré depuis septembre 1991, et sur lequel veille la Minurso ? Qui avait décidé quelques semaines auparavant d'occuper avec une milice armée le poste-frontière de Guerguerat, une opération neutralisée par le Maroc pour assurer, avec l'approbation de l'ONU, la liberté du trafic civil et commercial ?

Tant à Tindouf qu'à Alger - où il a été reçu le lundi 5 septembre par le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra - les éléments de langage sont communs depuis des décennies. Mais ce qui est nouveau, c'est la mise en cause du processus de règlement consacré par le Conseil de sécurité dans la résolution 2602 du 29 octobre 2021, déjà mis en relief depuis octobre 2018. De quoi s'agit-il ? De la relance du format de la table ronde avec les quatre parties (Maroc, Algérie, Mauritanie, mouvement séparatiste) après les deux premières réunions de décembre 2018 et de mars 2019 en Suisse; de la prévalence du projet marocain d'autonomie d'avril 2007 approuvé et consacré par le Conseil de sécurité comme étant «sérieux, crédible et réaliste»; et de la recherche d'un compromis politique pragmatique sur la base de la bonne foi. Voilà bien une position validée par la communauté internationale qui se voit contestée et rejetée par l'Algérie et l'entité fantoche. 

Pour ce qui regarde ce pays voisin, le refus de poursuivre dans la voie du processus de négociation donne lieu à des assertions irrecevables - un format «obsolète», «contre- productif», etc. De l'inconséquence pure et simple ! A preuve, c'est le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, qui avait dirigé la délégation de son pays à la première table ronde les 5-6 décembre 2018 à Genève. Qui lui a succédé lors de la deuxième table ronde quatre mois plus tard, en Suisse, les 21-22 mars 2019 ? Un autre ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, nommé une semaine auparavant tout juste, le 13 mars et qui avait été d'ailleurs promu vice-Premier ministre dans le cabinet Noureddine Bedoui. C'est dire la versatilité voire l'inconséquence d'une diplomatie algérienne passablement erratique qui se met désormais hors du champ des décisions et des paramètres du processus réitérés du Conseil de sécurité.

Les quinze membres de cette instance vont également prendre connaissance d'un rapport du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Il faudra bien que ce responsable présente des pistes pour mettre fin à une telle situation qui pèse dans la région et qui conduit à une grande lassitude de la communauté internationale confrontée à des conflits pas artificiels mais qui menacent la paix et la sécurité dans le monde. Quelles peuvent être les hypothèses à envisager à cet égard ? La première d’entre elle pourrait être le statu quo. Un rapport de carence sur l'avancement du dossier par suite de l'immobilisme et de la rigidité de l'Algérie : la reconduction aussi du mandat de la Minurso pour douze mois jusqu'au 31 octobre 2023.

Une autre option est-elle à retenir ? Mais laquelle ? Ce pourrait être des «pressions» plus marquées sur l'Algérie pour qu'elle finisse par rejoindre la table de négociation dans la perspective d’une troisième rencontre avec les trois autres parties. A noter au passage que la référence au terme de «parties» a été faite pour la première fois par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2351 en date du 28 avril 2017. Une requalification normalisée et pertinente de la place et de la responsabilité de l'Algérie dans ce conflit artificiel. Elle fait ainsi justice de la fausse qualité dont se prévalait ce pays, durant des décennies, en invoquant pêle-mêle, son simple statut de «pays voisin» ou d’«observateur»…

La diplomatie marocaine n'ignore rien de toutes ces manoeuvres et des multiples obstructions du pays voisin. La propagande d’Alger met volontiers en avant la gestion du dossier par les Nations unies mais en même temps elle rejette les décisions du Conseil de sécurité. Elle s'emploie à faire accroire qu'elle défend le droit international et ses principes, mais elle foule aux pieds leur application arrêtée et consacrée par cette haute instance de l'ONU. Toute sa politique étrangère ne se distingue que par la mobilisation de son appareil diplomatique - on l'a vu encore les 27-28 août dernier, à Alger avec la 8ème édition de la TICAD (Japon- Afrique). Cela se vérifie encore avec l'instrumentalisation de l'hypothétique sommet arabe dans cette capitale, les 1-2 novembre prochain, et d'un «linkage» honteux et indigne entre la résistance palestinienne et la milice séparatiste de Tindouf.

 

Une dynamique nouvelle

Sur toutes ces bases-là, le Royaume a mis en œuvre une diplomatie de mouvement. S'il suit naturellement la question nationale au sein des Nations unies, il a résolument entrepris de nourrir et d'élargir une dynamique nouvelle qui ne peut qu'engranger des acquis. Référence est faite ici à des avancées importantes : reconnaissance par l'administration américaine (celle de Trump puis celle de Biden), de la marocanité des provinces sahariennes; révision de la position de Madrid créditant le projet d'autonomie de prioritaire et de seul référentiel de règlement; dans cette même ligne, celle de l'Allemagne, des Pays-Bas, du Portugal, de la Hongrie, de la Croatie, etc.; et puis l'implémentation de cette diplomatie consolidée territorialement à Laâyoune et à Dakhla avec l'ouverture respectivement de 15 et de 12 consulats généraux. Celle-ci va se prolonger, très prochainement, par une conférence ministérielle des 27 pays représentés.
Tout cela porte un nom et demeure induit par une combinaison de paramètres : la légitimité de la cause, sa légalité internationale, la réactivité, l'agilité et la mobilisation, et le renforcement du front intérieur. Un moteur «turbo» au cœur de la diplomatie...

 

Par Mustapha SEHIMI
Professeur de droit (UM5 Rabat), Politologue

 

 

 

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