Saad Eddine El Otmani : Un bilan politique 2019 très controversé

Saad Eddine El Otmani : Un bilan politique 2019 très controversé

 

Il n’est pas arrivé à faire parler la majorité d’une même voix.

Ses «alliés» ne lui facilitent pas la tâche, tout comme l’ex-chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, à la rancune très tenace.

 

D. William

 

Ce n’est pas très compliqué de dresser le bilan politique de cet exercice 2019 du chef de gouvernement. Il pourrait se résumer en une seule phrase : Saad Eddine El Otmani aura été incapable de gérer sa majorité depuis qu’il est aux affaires.

Certains lui reprochent son manque de poigne et d’autorité. D’autres de ne pas avoir les épaules assez larges pour assumer la fonction de chef de gouvernement.

Mais est-ce réellement sa faute? Au fond, a-t-il vraiment toutes les clés pour gouverner ? Ses «alliés» au sein de la coalition gouvernementale lui facilitent-ils vraiment la tâche ?

Ce sont autant de questions qui méritent d’être posées. Bien évidemment, occupant la tête d’affiche et chargé de manager son équipe, c’est lui qui essuie en premier les critiques.

 

Tiraillements incessants

Saad Eddine El Otmani n’est jamais parvenu à pacifier les esprits rebelles au sein de la coalition gouvernementale. Depuis sa prise de fonction, les citoyens sont en effet devenus les spectateurs désabusés d’une guéguerre au sein de la coalition qui oppose la formation qu’il dirige, le Parti de la justice et du développement, au Rassemblement national des indépendants, à la tête duquel trône le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannoukh.

Les fortes dissensions et les divergences de vue ont entraîné une ambiance délétère au sein de la majorité, laissant clairement apparaître les réalités de ce qu’est un mariage forcé.

Le PJD et le RNI ne s’aiment pas, mais vivent sous le même toit. Celle d’une majorité constituée au forceps, où le linge sale se lave malheureusement en public. Tous les week-ends.

Car, effectivement, c’est durant les week-ends, quand ils se retrouvent devant leurs partisans et sympathisants, que les langues se délient et que les critiques fusent. Chacun revendiquant la paternité de certaines réalisations et imputant les échecs à l’autre partie.

Ces querelles politiciennes hebdomadaires entre responsables censés travailler main dans la main pour le bien de la collectivité font désormais partie du décor politique. Ces joutes verbales répétitives traduisant le profond malaise qui règne au sein de cette coalition de circonstance.

Et ce qu’on peut reprocher à El Otmani, c’est justement d’être dans la mêlée et de ne pas prendre de la hauteur. Bien au contraire, en tant que «chef», il alimente parfois lui-même la polémique à travers ses sorties maladroites. C’était notamment le cas lors de la fronde des commerçants concernant la facturation électronique, le chef du gouvernement n’hésitant pas, en des termes à peine voilés, à en imputer la responsabilité au RNI, en l’occurrence les deux ministres de ce parti en charge de ce dossier, Mohamed Benchaâboun et Moulay Hafid Elalamy.

Bref, El Otmani n’arrive pas à fédérer. Le dernier remaniement ministériel en est un autre exemple : il a perdu l’un de ses plus fidèles alliés, le Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui a préféré claqué la porte.

Aujourd’hui, le patron du PPS, pour qui «il n’y a pas de majorité», est très amer à son égard. «Nous avons fait partie de coalitions avec Abderrahmane Youssoufi, Driss Jettou, Abbas El Fassi, Abdelilah Benkirane, et jamais nous n’avons eu une majorité aussi déchirée», peste Nabil Benabdallah, non sans préciser que «le fossé qui existe entre le gouvernement et les forces politiques qui le composent, d’une part, et le peuple, d’autre part, s’est creusé de manière considérable» (www.fnh.ma).

 

Benkirane, le trouble-fête

Actuellement, même au sein de son camp, il ne fait pas l’unanimité.

Il faut dire que sa mandature est rendue très difficile non seulement par ceux avec qui il a constitué la majorité, mais également par l’ancien chef du gouvernement et son «camarade» de parti, Abdelilah Benkirane.

Ce dernier, passablement irrité par son éviction, savonne constamment la route de son successeur, et ne fait pas d’économie dans la diatribe sévère. Véritable trublion durant cette législature, il est même allé jusqu’à demander à El Otmani de démissionner, faisant de Facebook son fidèle allié pour flinguer tous ceux qui sont sur son champ de mire.

D’ailleurs, aujourd’hui, la maison PJD est divisée en deux camps : ceux qui roulent pour un Benkirane très vindicatif et à la rancune tenace, mais dont la crédibilité s’est considérablement érodée avec son histoire de pension de retraite exceptionnelle, et ceux qui se rangent du côté d’un chef de gouvernement critiqué au sein de son parti, mais aussi par… ses alliés.

Pas étonnant donc que El Otmani gouverne dans le contexte le plus exécrable qu’un chef de gouvernement n’ait jamais connu au Maroc.

Malgré ce capharnaüm politique, il continue cependant de tenir la barre. Sauf que dans ce contexte où au sein de l’appareil politique chaque parti joue pour soi, la collectivité se retrouve grande perdante, la désunion et les divergences de vue ayant pour conséquences le manque de cohérence dans les politiques publiques et, surtout, un cruel déficit de gouvernance.

Il faudra donc attendre les législatives de 2021 pour remettre les choses à plat et retrouver une certaine homogénéité dans le gouvernement. Toutes les formations politiques ont d’ores et déjà les yeux rivés sur ces prochaines échéances électorales. En ce moment-là, le pouvoir reviendra aux électeurs. Et ils n’oublieront certainement pas toutes ces guerres d’égo et ces querelles partisanes qui ont plombé l’action publique.◆

 

 

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