Remaniement ministériel : Un casse-tête à la marocaine

Remaniement ministériel : Un casse-tête à la marocaine

 

Malgré la sérénité affichée par Saad Eddine El Otmani, il est dans une posture délicate.

Il est condamné à vite former son équipe, n’ayant certainement pas oublié comment il est devenu chef de gouvernement.

La suppression probable des secrétariats d’Etat pose des problèmes majeurs.

 

Par D. William

Les choses se précisent. Le remaniement ministériel voulu par le Roi devrait bientôt avoir lieu. Le Souverain a d’ailleurs reçu à ce propos, samedi à Rabat, le chef de gouvernement, Saad Eddine Otmani, à qui il avait justement demandé de lui soumettre des propositions de renouvellement et d'enrichissement des postes de responsabilité, tant au sein du gouvernement que de l'administration.

Rien n’a filtré sur la teneur des discussions. Mais El Otmani est sous haute pression. Car dans la configuration actuelle du gouvernement, où la majorité reste très fragilisée par les tiraillements partisans, difficile de sortir avec une équipe homogène et soudée, en tenant compte notamment de l’exigence royale : des personnes choisies selon les «critères de compétence et de mérite».

Les négociations avec les autres partis de la majorité, dans lesquelles s’invitera forcément une dose de calcul politique, histoire de préserver un certain équilibre des forces, promettent, à ce titre, d’être serrées et délicates. Quand bien même le chef de gouvernement se montre actuellement très rassurant, faisant notamment savoir, lors d’une rencontre avec les femmes du PJD le 22 septembre, qu’il sera dans les clous et qu’il n’y a aucun blocage.

Sur ce point d’ailleurs, El Otmani n’a guère le choix : il doit faire vite, et ce pour deux raisons. D’abord, au sommet de l’Etat, l’on tient particulièrement à ce que ce remaniement se fasse dans les délais. «A l’horizon de la rentrée prochaine», avait notamment précisé le Souverain dans son discours à la Nation, le 29 juillet dernier, à l’occasion de la fête du Trône.

Ensuite, El Otmani, en homme intelligent, n’a certainement pas oublié comment il s’est retrouvé à la tête de l’Exécutif. C’est parce que son prédécesseur et «camarade» de parti, Abdelilah Benkirane, avait été justement incapable de former une majorité qu’il a été remercié, après plusieurs mois d’une crise politique majeure. Il évitera donc, coûte que coûte, de tomber dans le piège des négociations interminables, quitte à faire certaines concessions qui risquent d’agiter les esprits rebelles de son parti.

 

Un gouvernement plus réduit

Même si la presse a fait écho, ces derniers temps, de certains ministres qui sont sur la sellette, dire qui va faire les frais de ce remaniement ou qui va intégrer la prochaine équipe relève, à ce stade, de la spéculation. Car, rappelons-le, la liste concoctée par El Otmani devra être soumise au Roi, avec le risque de voir certains noms retoqués.

La seule information qui fait consensus, confirmée d’ailleurs à Finances News Hebdo par plusieurs sources bien informées, reste la réduction des membres du gouvernement, avec la suppression probable des secrétariats d’Etat.

En tenant compte du secrétaire général du gouvernement et des secrétaires d’Etat, lesquels sont au nombre de douze, l’actuelle équipe est constituée de 39 membres, soit autant que le gouvernement de Edouard Philippe en France.

Si ce gouvernement est jugé aujourd’hui pléthorique, c’est que dans sa composition, il obéissait à une logique quasi exclusivement politique, dans la mesure où il a fallu satisfaire aux desiderata des différents partis formant la coalition.

Mais mettre en place une architecture gouvernementale amputée des secrétaires d’Etat pose trois problèmes majeurs.

Le premier est d’ordre purement politique, car certains partis verront forcément leur représentativité au sein du gouvernement réduite, ce qu’ils tendront à refuser. Des douze secrétaires d’Etat (voir encadré), seule Mounia Boucetta est en effet sans étiquette politique. Les autres sont du PJD (4), du MP (3), du RNI (2), de l’USFP (1) et de l’UC (1).

Le second problème, et non des moindres, concerne la représentativité des femmes au sein du gouvernement qui ne compte actuellement que huit femmes, dont 7 sont des secrétaires d’Etat. Peut-on «virer» d’un seul coup 7 femmes du gouvernement ? Et la parité (déjà tronquée) consacrée par la Constitution ?

Troisième problème enfin : sous prétexte de devoir supprimer les secrétariats d’Etat, doit-on se priver de certaines compétences ?

Si l’on convient que certains secrétaires d’Etat sont pour le moins inconnus du grand public, n’ont pas (parfois) les coudées franches pour agir et sont noyés dans l’aura des ministres auxquels ils sont rattachés, d’autres, au contraire, sortent nettement du lot.

Doit-on se priver d’un Othmane El Ferdaouss ? Doit-on se passer des services et de l’expertise d’une Mounia Boucetta ?

Ou encore peut-on légitimement se priver d’une Nezha El Ouafi, l’une des personnes les plus dynamiques de l’actuelle équipe ?

Ces interrogations méritent d’être posées. En occultant les appréciations purement partisanes au bénéfice exclusif de l’intérêt supérieur de la Nation.

En cela, malgré la sérénité affichée par El Otmani, il est face à un véritable casse-tête…à la marocaine. Car la question n’est pas tant de distribuer des portefeuilles ministériels et de constituer un team réduit, mais plutôt d’avoir un gouvernement homogène, avec les meilleures compétences et les plus méritants aux responsabilités, afin que l’action publique soit plus efficace et réponde aux attentes et aspirations de la population.◆

 


Encadré : Les douze secrétaires d'Etat

Si l’on se fie à nos sources, les secrétariats d’Etat seront donc supprimés de la mouture du prochain gouvernement. Certains échapperont-ils à ce remaniement pour se voir confier un département ministériel ? Possible. La liste des concernés :

Mounia Boucetta - Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (SAP)

Mohamed Najib Boulif : Secrétaire d’Etat chargé du Transport (PJD)

Nezha El Ouafi : Secrétaire d’Etat chargée du Développement durable (PJD)

Jamila El Moussali : Secrétaire d’Etat chargée de l’Artisanat et de l’Economie sociale (PJD)

Khalid Samadi : Secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (PJD)

Hamou Ouheli : Secrétaire d’Etat chargé du Développement rural et des Eaux et Forêts (MP)

Fatna Lkhiyel : Secrétaire d’Etat chargée de l’Habitat (MP)

Mohamed El Rherras : Secrétaire d’Etat chargé de la Formation professionnelle (MP)

Mbarka Bouaida : Secrétaire d’Etat chargée de la Pêche maritime (RNI)

Lamia Boutaleb : Secrétaire d’Etat chargée du Tourisme (RNI)

Rkia Derham : Secrétaire d’Etat chargée du Commerce extérieur (USFP)

Othmane El Ferdaous : Secrétaire d’Etat chargé de l’Investissement (UC)

 

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