Programme gouvernemental : Comme un mauvais départ

programme gouvernemental El Othmani

 

Le programme gouvernemental n’est pas une déclaration d’intention, mais des engagements pris dans le cadre d’une vision et d’une stratégie répondant à une orientation claire. Or, la «feuille de route» du prochain quinquennat manque d’un fil conducteur, ce qui compromet le travail d’un gouvernement né tardivement et dans la douleur.

 

La déclaration gouvernementale prononcée par le Chef de gouvernement devant les deux Chambres du Parlement nous laisse sur notre faim ! À l’heure où le pays prétend à un leadership financier, économique, écologique, social et politique dans la région, le gouvernement, qui a pris les commandes jusqu’en 2021, affiche des ambitions au mieux timorées, au pire floues !

D’ailleurs, les partis de l’opposition n’ont pas manqué de monter au créneau, lors d’une séance plénière consacrée à l’examen du contenu du programme gouvernemental auquel ils reprochent de ne pas s’inscrire dans une perspective politique claire, de manquer d'objectifs déterminés et de ne pas présenter d’agenda précis pour sa mise en application. Pour eux, le programme concocté manque de «volonté forte, nécessaire à cette étape pour relever les défis de la construction d'un avenir prospère pour les Marocains, en particulier dans les domaines de l'éducation, de la justice sociale, des libertés individuelles et collectives, de l'intégrité territoriale et de l’emploi».

 

Le social noyé dans l’existant

 

Le volet social de la déclaration gouvernementale est pour le moins déroutant, tellement les objectifs se confondent sans qu’on puisse identifier les moyens pour y parvenir. Rien que les chiffres avancés donnent le tournis. A commencer par une frange de la société, franchement livrée à son sort, celle des personnes à besoins spécifiques. El Othmani s’engage à consacrer 7% des postes d’emploi à leur profit et le lancement de la mise en œuvre des dispositions de la loi-cadre relative à la protection des droits des handicapés.

D’abord, la loi 7-92 relative à la protection sociale des personnes handicapées est inefficace, puisque rares sont les entreprises qui s'acquittent de l'obligation de non-discrimination basée sur le handicap. Conséquence, le taux de chômage est cinq fois plus élevé chez ces personnes, notait le CESE dans l’un de ses rapports. Aussi, le manque de qualification de certains travailleurs handicapés constitue-t-il en effet un véritable frein à l'emploi. A cause du système scolaire inadapté aux troubles spécifiques, certaines personnes se trouvent exclues du système de formation professionnelle, se contentant de formations basiques.

Enfin, l’Etat ayant cessé de recruter, a largué la patate chaude du chômage au secteur privé ! Et puis, si l’on ne peut accéder au guichet d’une banque ou à une administration publique en chaise roulante, que dire lorsqu’il s’agit de trouver un emploi !

Arrêtons-nous d’ailleurs un instant sur l’objectif du gouvernement de ramener le taux de chômage à 8,5%, dans un contexte où l’Etat ne recrute plus, laissant le soin au secteur privé.

«Ce taux de 8,5% a déjà été retenu par le PJD lors des élections de novembre 2011. Et nous avons bien vu ce qui est advenu de cet objectif, comme de bien d’autres. Pour le reste, plus important que le taux global du chômage dans notre pays, ce qui pose problème, c'est autant la structure de l'emploi que celle des différentes composantes de la non activité», commente Mehdi Lahlou, économiste et professeur à l’Institut national de statistiques et d’économie appliquée.

L’ambition d’El Othmani est également de procéder à la formation de plus de 143.000 personnes à besoins spécifiques et de stagiaires en milieu carcéral, sachant pertinemment que le sort de cette catégorie (les détenus) est essentiellement pris en charge par la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus.

La couverture médicale, pour sa part, occupe une bonne place dans les objectifs sociaux du gouvernement, puisqu'il est question de parachever les chantiers de réforme et les programmes adaptés par l’ancien gouvernement. Notamment la généralisation de la couverture aux personnes exerçant des professions libérales, aux ouvriers autonomes et aux ayant droits. L’objectif très audacieux d’El Othmani est que 5 millions de citoyens et ayants droit pourront y prétendre à l'horizon 2018.

Quand on sait le temps qu’il a fallu pour l’AMO et le Ramed, cet objectif semble difficilement réalisable en un laps de temps aussi court.

 

50 milliards de DH pour lutter contre les disparités

 

Il est difficile dans la déclaration d’El Othmani d’identifier certaines initiatives et dans quel cadre elles s’inscrivent. Le cas du plan d’exécution pour la concrétisation du programme relatif à la réduction des disparités sociales et spatiales dans le monde rural, étalé sur 7 ans avec une enveloppe budgétaire qui s’élève à 50 milliards de dirhams, et basé sur un partenariat entre les secteurs ministériels et les institutions, les régions et les collectivités territoriales. S’agira-t-il d’un soutien à l’INDH, ou bien d'un partenariat ? Mais comment se concrétisera-t-il vu la multitude des partenaires qu’El Othmani veut y associer ? Une multitude qui risque de contrecarrer les objectifs. les eexemples sont légion.

Le chef du gouvernement a évoqué l’activation de la stratégie nationale d’immigration et d’asile et le soutien des mesures destinées à faire bénéficier les migrants résidant au Maroc de tous leurs droits énoncés dans les chartes internationales approuvées par le Royaume, en particulier dans les domaines de la santé et de l’enseignement.

Non seulement il ne cite aucune action nouvelle, la stratégie étant déjà lancée, mais en plus, il n’apporte aucune mesure concrète à même de corroborer ses propos.

Idem pour le volet habitat, une épineuse question lorsqu’il s’agit des populations en situation de précarité. El Othmani énumère des objectifs sans pour autant détailler les moyens pour y parvenir.

Au final, faut-il rappeler que le programme gouvernemental n’est pas une déclaration d’intention, mais des engagements pris dans le cadre d’une vision et d’une stratégie répondant à une orientation claire. Autant dire que là, il manque un fil conducteur à tous ces objectifs énoncés qui font qu’on sent que le gouvernement navigue à vue. ■

 

 

Par S. Es-Siari et I. Bouhrara

 

 

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