- Akhannouch, Elalamy et Boussaid : les trois mousquetaires qui font cavalier seul.
- Les ministres «Pjdistes» éclipsés.
Quel est le parti qui gouverne au Maroc ? La question paraît incongrue, voire même provocante. Mais elle n’est pas pour autant dénuée de sens. Le commun des citoyens répondra sans équivoque le Parti de la justice et du développement (PJD). Un observateur averti de la scène économique et politique serait tenté de nuancer cette réponse. Car le PJD est certes au pouvoir, mais gouverne-t-il réellement ?
En effet, si effectivement le PJD est aux manettes, avec un Saad Eddine El Othmani comme porte-drapeau, ce parti et ses ministres semblent pour l’instant inaudibles. Tout au moins, dans la conduite des affaires du Royaume. Il faut l’avouer : depuis que ce gouvernement de coalition a été mis en place, ce sont les ministres du Rassemblement national des indépendants (RNI) qui jouent les premiers rôles. N’en déplaise aux nombreux électeurs qui ont plébiscité les islamistes.
Aujourd’hui, face à un PJD en proie à de profondes dissensions et dont la légitimité du secrétaire général du parti et chef de gouvernement, El Othmani, semble de plus en plus contestée en interne, les «Rnistes» jubilent en sourdine, assoient davantage leur ancrage sur la scène politique et balisent le terrain pour les prochaines législatives de 2021.
Ils ont fait d’ailleurs une démonstration de force le 24 février dernier à Agadir, où plus de 3.500 militants ont assisté à la manifestation de clôture des congrès régionaux.
Dans ce qui ressemblait davantage à une opération séduction à l’égard des électeurs, les «Rnistes» ont mis le curseur là où ça fait mouche : l’emploi. Pour un pays où le taux de chômage se situe à 10%, ils veulent créer 2 millions d’emplois à l’horizon 2025, soit une moyenne de 250.000 emplois par an. Sur ces 2 millions d’emplois, 1 million seraient créés dans les services et 700.000 dans l’industrie.
Alliés, mais pas amis
Crédibles ou non, ces chiffres montrent, s’il en est besoin, l’ambition du RNI de jouer un rôle autrement plus important dans le microcosme politique marocain. Une ambition portée en l’occurrence par trois hommes : Aziz Akhannouch, président du RNI et ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, et ses camarades de parti, Moulay Hafid Elalamy et Mohamed Boussaid, respectivement ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, et ministre de l’Economie et des Finances.
Trois hommes qui ont la confiance du Palais et qui ont été reconduits à leur poste. Ou plutôt «trois mousquetaires» qui éclipsent complètement les ministres «Pjdistes». Et qui donnent l’impression, dans cette coalition gouvernementale cosmétique, de faire cavalier seul. Quand les deux premiers cités déroulent leur feuille de route, le troisième dégaine son chéquier pour les accompagner. Ils sont complémentaires. Et très médiatisés.
Samedi dernier, MHE, également président du Comité de candidature du Maroc à la Coupe du monde 2026, dévoilait les éléments du dossier marocain, pour une manifestation dont l’organisation va nécessiter une enveloppe globale de 15,8 milliards de dollars. Hier, mercredi, il présidait à Casablanca la cérémonie d’ouverture du nouveau site du leader mondial des matériaux composites, Hexcel. Ce jeudi, MHE a assisté à Kénitra, au coup d’envoi des travaux de la nouvelle usine Nexteer Automotive, équipementier automobile et spécialiste mondial de la production de systèmes de direction et de transmission automobiles.
Cette médiatisation tient aussi peut-être aux portefeuilles stratégiques qu’ils occupent. C’est la lecture qu’en fait, en tout cas, un ancien ministre de l’opposition.
«Il suffit de voir les secteurs qui sont portés par les uns et les autres. Aujourd’hui, la question économique est très importante, et en particulier celle liée à l’industrie. Nous avons quelqu’un comme Moulay Hafid Elalamy qui est extrêmement actif et visible. La candidature du Maroc à la Coupe du monde ajoute à cette impression en lui donnant encore plus de visibilité», analyse-t-il.
«Et c’est la même chose pour l’agriculture. Ce qui veut dire que ceux que l’on voit le plus, sont ceux qui disposent d’une vision et d’une stratégie qu’ils appliquent», ajoute-t-il, précisant toutefois que «ces stratégies existaient bien avant l’arrivée de ce gouvernement (Plan émergence pour l’industrie et Plan Maroc Vert). Aujourd’hui, ces personnes assurent le suivi, en accordant une place importante à la communication».
C’est tout le contraire des ministres du PJD qui, eux, «gèrent des départements où il n’y a vraiment plus de stratégies. A l’Equipement, la stratégie est un peu mise en veilleuse, alors que celle de l’Energie est plutôt portée par une autre structure (Masen, ndlr)», souligne notre source. Qui note que «s’il n’y a pas de cafouillages entre les différents départements, il n’y a pas non plus de synchronisation».
«Je suis avec toi dans l’équipe, on ne se met pas de bâtons dans les roues, mais c’est chacun pour soi», conclut-il pour dépeindre cette situation assez particulière.
Oui, le PJD et le RNI sont alliés, mais pas amis. Et dans ce jeu, c’est évidemment le PJD le grand perdant. Car, sous l’ombre de la Colombe qui déploie ses ailes, la Lanterne a perdu de son éclat. Saad Eddine El Othmani, de plus en plus impopulaire, ne peut dire le contraire. ■
Par D. William