Aux antipodes, Benkirane et Akhannouch sont loin d’un terrain d’entente. Malgré les discours empreints de responsabilité et de suprématie de l’intérêt de la nation, le «concile» de Benkirane est appelé à durer !
On en rigole : sans gouvernement, le pays se porte à merveille ! Bonne pluviométrie, de bonnes performances footballistiques à la CAN, réintégration à l’UA…, le Maroc ne s’est jamais mieux porté ! Mais l’heure est grave. Depuis le 10 octobre, Abdelilah Benkirane a pour mission, en tant que Chef de gouvernement désigné par le Roi Mohammed VI, de constituer une majorité gouvernementale. Autant dire que le gouvernement issu des législatives du 7 octobre 2016 est encore loin de voir le jour. «La promptitude avec laquelle le Roi a nommé le leader du PJD A. Benkirane, soit trois jours après les résultats des législatives, contraste avec l’enlisement que le processus de négociation pour la formation d’un gouvernement connaît», relève Abdelmoughit Benmessaoud Tredano, professeur de sciences politiques et géopolitiques à l’Université Mohammed V à Rabat, et directeur de la Revue marocaine des sciences politiques et sociales. En effet, après plus de 150 jours de tractations (soit 5 mois), le leader du PJD, parti arrivé en tête des élections, semble être au pied du mur. En effet, résigné à reconduire la même majorité après les déboires de l’Istiqlal, Abdelilah Benkirane est engagé dans un bras de fer avec Aziz Akhannouch, le chef du RNI, qui persiste à intégrer, coûte que coûte, l’USFP au sein de la majorité gouvernementale, sachant que le parti de la rose a été sanctionné par les urnes remportant à peine une vingtaine de sièges. Le PJD qui n’a d’ailleurs opposé aucune résistance à l’élection de Habib El Malki (USFP) à la tête du Parlement a, dans un sursaut d’orgueil, publié un communiqué dans lequel il réaffirme son soutien à l’approche de Benkirane visant à former le gouvernement exclusivement au sein de la majorité sortante. «Le Chef du gouvernement désigné est le seul et le dernier habilité à former le gouvernement et à déterminer les partis qui devraient former la majorité gouvernementale», indique le secrétariat général du PJD, dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire, tenue récemment à Rabat. Pis, l’image et la crédibilité du Maroc en tant que pratiquant une expérience d’une certaine originalité risquent de prendre un coup sérieux, souligne le spécialiste. «Satané» blocage ! Cette situation qui n’a que trop duré, est-elle proche du dénouement ? Pas si sûr. Le RNI par la voix de son chef a réitéré sa position de n’intégrer la majorité qu’avec l’USFP, lors de la rencontre tenue récemment à Ifrane, en préparation du 6ème Congrès national du RNI. Akhannouch a d’ailleurs fustigé les déclarations et les pressions exercées par certaines parties. Un ton virulent peu commun à Akhannouch, qu’on connaît plutôt avenant et souriant. Une sortie très médiatisée qui trahit des négociations arrivées à une non-issue. Pour sa part, Benkirane n’attendrait que le retour du Roi, révèlent certains médias nationaux, pour lui remettre un rapport sur le déroulé des négociations, laissant présager qu’en l’absence d’un compromis, il demanderait l’arbitrage royal. Autant dire que le torchon brûle entre les deux protagonistes exacerbant un peu plus les Marocains qui se détournent de la chose politique. «La conviction et la perception d’une bonne majorité de la population, qui consistent à considérer qu'au final, les élections ne servent à rien et qu’une majorité ne sert à rien, se consolident. La désaffection des citoyens vis-à-vis du politique et de l’acte électoral ne peut que se renforcer et l’absurde (Al Abath) est le sentiment qui taraude tous les esprits, du moins de ceux qui considèrent désormais que le politique n’a aucune utilité», cite A. Tredano, entre autres leçons à retenir de ces cinq mois de tractations et d’attente. L’exercice démocratique que constituent les élections, est de ce fait sérieusement mis à mal par les acteurs politiques eux-mêmes, qui ont pourtant promis monts et merveilles à un électorat qui se réduit en peau de chagrin !
Par I. Bouhrara