Lutte contre la contrebande : Et maintenant ?

Lutte contre la contrebande : Et maintenant ?

 

La classe politique réclame des mesures d’accompagnement pour éviter des drames sociaux après la fermeture du poste frontière de Sebta. 

 

Par : Charaf Jaidani

 

Le Maroc a fermé ses passages frontières avec Sebta, destinés essentiellement au commerce illégal, notamment la contrebande. L’opération avait commencé en octobre 2019 et s’est accentuée dernièrement. Toutes les personnes opérant dans ces activités sont quasiment en chômage technique. Inimaginable il y a encore quelques années, ce scénario est devenu une réalité. Les autorités marocaines assurent que Mellilia aura droit au même traitement.

Aucun responsable gouvernemental ne s’est prononcé sur le sujet, à l’exception de Nabil Lahkdar, Directeur général de la douane qui, à travers plusieurs sorties médiatiques, a expliqué les tenants et les aboutissants de cette initiative.

Le message est clair : c’est une décision technique, qui vise une application stricte de la loi, et non politique comme le laissent entendre certaines sources. Des médias, surtout espagnols, tentent de faire croire à l’existence de tensions en Rabat et Madrid depuis l’arrivée du parti Podemos dans la coalition gouvernementale. Cette formation d’extrême gauche maintient des liens étroits avec le polisario et certains membres de l’exécutif issus de ce parti n’ont pas hésité à accueillir récemment des membres du front séparatiste, avant que l’Exécutif ne les rappelle vite à l’ordre.

Au sein de la classe politique marocaine, on soutient la décision des autorités de s’attaquer avec détermination au commerce illégal et à la contrebande. 

«La tolérance concernant la contrebande qui a duré des décennies dans les postes frontières de Sebta et Mellilia sous le prétexte social, n’a plus raison d’être. La valeur des produits de la contrebande transitant par les deux villes est estimée entre 15 et 20 milliards de DH. C’est un manque à gagner en matière de recettes fiscales compris entre 4 et 5 milliards de DH», explique Mohamed Amrani, professeur d’économie à l’Université Hassan II de Casablanca.

Il déplore le fait que «la contrebande a depuis l’indépendance porté un coup dur à l’économie nationale. Plusieurs entreprises essentiellement opérant dans le textile et l’agroalimentaire ont dû mettre la clé sous le paillasson. Le Maroc disposait d’une filière développée de fabrication de pneus (Goodyear et General Tire) qui a fermé à cause des produits importés illégalement. Beaucoup d’emplois ont été perdus et des foyers ruinés».

Selon des sources espagnoles, 3.000 personnes empruntent quotidiennement le passage frontière de Sebta pour s’approvisionner en produits de contrebande. Il s’agit essentiellement de femmes-mulets dont les conditions d’activité sont depuis longtemps dénoncées par les ONG des droits de l’homme.

«Nous avons depuis des années tiré la sonnette d’alarme sur les conditions de ces femmes qui opèrent dans un environnement humiliant pour un revenu dérisoire. Il est temps de mettre un terme à cette situation désastreuse, qui a porté atteinte à l’image du Maroc», affirme Najat Razi, ex-présidente de l’Association des droits des femmes et militante du Collectif Printemps de la dignité.

 

Quelles alternatives ?

En aval des présides occupés, d’autres commerçants bénéficient de cette activité, notamment à Fnideq, M’diq, Tétouan, Tanger… sans compter ceux des différentes villes du Royaume, qui se sont spécialisés dans ce type de commerce, à l’image de Derb Ghallef à Casablanca.

On appelle dès lors à trouver des alternatives pour cette catégorie de personnes. «Nous avons recommandé à maintes reprises d’investir de nouvelles pistes pour convertir les personnes exerçant dans les activités illicites, notamment la culture du cannabis et la contrebande. La solution sécuritaire a montré ses limites. Sans mesures d’accompagnement, la fermeture des passages frontières devrait générer d’autres complications et des drames sociaux», avance Nouredine Mediane, président du groupe istiqlalien à la Chambre des députés.

Un avis partagé par Samir Belafkih, membre du bureau politique du Parti authenticité et modernité (PAM), qui estime que «la problématique du nord du Royaume et la présence en force d’activités illicites s’expliquent par des raisons historiques. La région a été boudée pendant des années par les investisseurs et faiblement équipée en infrastructures de base. L’Etat doit travailler profondément ces deux volets pour pouvoir lutter efficacement contre les pratiques interdites».

Cette démarche du Maroc a poussé le gouvernement local de Sebta à décréter l’état d’extrême urgence. Il n’a pas hésité à faire appel à l’aide de Madrid pour trouver une solution. Il faut dire que d’ores et déjà, plusieurs opérateurs de la ville commencent à chercher une solution pour liquider leur stock via le port d’Algesiras et songent sérieusement à se convertir vers d’autres activités commerciales. 

 

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