«La position de neutralité de la Mauritanie lui a porté préjudice»

«La position de neutralité de la Mauritanie lui a porté préjudice»

Le conflit du Sahara fait partie des répercussions de la guerre froide.

L’Union sovétique voulait faire du Sahara une plateforme pour perturber l’Occident.

Entretien avec El Moussaoui EL Ajlaoui, professeur universitaire et président du Centre d'études pour l'Afrique et le Moyen-Orient.

 

Propos recueillis par C. Jaidani

 

Finances News Hebdo : Pourquoi la Mauritanie adopte-t-elle la politique de neutralité sur le conflit du Sahara ?

El Moussaoui EL Ajlaoui : Depuis le partage du Sahara entre le Maroc et la Mauritanie, le polisario a déclenché des représailles militaires contre les deux pays. Si le Maroc a pu résister et faire face à ces représailles, la Mauritanie n’a pas pu continuer. Le mouvement séparatiste a même attaqué Nouakchott avant d’être repoussé. Lors de cette bataille, El Ouali Moustafa Essaid, l’un des fondateurs du mouvement séparatiste, a été tué. Mais les hostilités se sont poursuivies. Sous la pression, ce pays a été contraint d’abandonner ses droits sur Oued Eddahab et s’apprêtait à octroyer le territoire au polisario.

Craignant un changement de statut, les tribus de cette région ont vite prêté allégeance au Roi Hassan II, qui a déployé l’armée pour imposer la souveraineté du Maroc. Houari Boumédiane, président algérien à l’époque, a toujours menacé la Mauritanie de représailles, lui signifiant que c’est le pays le plus faible de la région et qu’il a intérêt à ne procéder à aucun rapprochement avec le Maroc. Nouakchot a reconnu la rasd et a opté pour la position dite de neutralité. D’autres présidents ont perpétué cette tradition, tout en assurant un certain équilibre entre l’Algérie et le Maroc. Certains présidents mauritaniens ont voulu faire quelques changements dans leur politique étrangère, mais l’ex-président Mohamed Ould Abdelaziz a tout fait pour saboter le rapprochement entre le Maroc et ce pays.

 

F.N.H. : Les derniers événements d’El Guergarate laissentils planer un changement dans la position de la Mauritanie ?

E. M. E. A. : Les responsables mauritaniens pensaient que cette politique de neutralité pouvait servir leur pays mais, au contraire, elle ne lui a causé que des problèmes, notamment économiques, ce qui a été prouvé lors de la crise d’El Guergarate. Lors de cet événement, la Mauritanie n’a déployé son armée le long de ses frontières avec le Maroc qu’à la dernière minute, quand elle a constaté que les choses ont complètement changé. Le polisario mobilise des personnes à partir du territoire mauritanien pour mener des opérations hostiles contre le Maroc. Une situation inacceptable, qui doit cesser définitivement. Mais il faut noter que d’autres facteurs expliquent la position de neutralité de la Mauritanie et qui risquent de perdurer un certain temps. Ce sont les liens familiaux ou tribaux qui existent entre certains responsables mauritaniens et ceux du polisario.

 

F.N.H. : Le conflit fait-il partie des répercussions de la guerre froide ?

E. M. E. A. : Au début des années 60, le Maroc soutenait beaucoup de mouvements de libération, notamment en Afrique. A partir de 1964, le Royaume a commencé à se rapprocher de l’Occident. La plupart des mouvements de libération dans le monde à cette époque étaient marxistes-léninistes. Le polisario était soutenu par l’Algérie et la Libye, qui étaient dans le giron du bloc de l’Est. Une bonne partie de l’armement du polisario était de fabrication soviétique, alors que le Maroc déployait un armement essentiellement américain ou français.

Il faut rappeler que Youri Andropov, alors chef du KGB avant de devenir président de l’URSS, a préconisé à l’Algérie de créer au Sahara un foyer de tensions pour bousculer le Maroc et devenir une plateforme révolutionnaire pour lutter contre l’impérialisme de l’Occident. La chute de l’Union soviétique et les événements en Algérie au cours des années 90 vont marquer un tournant dans le conflit. L’affaire du Sahara a toujours été influencée par les évènements au niveau régional et à l’international.

 

F.N.H. : Comment la Libye estelle devenue partie prenante dans le conflit en soutenant le polisario ?

E. M. E. A. : Il y avait des étudiants sahraouis qui poursuivaient leurs études à l’université Mohammed V de Rabat. Des membres de l’organisation secrète dans l’Union nationale des forces populaires (UNFP), qui entretenaient des liens avec la radio de la voix de libération à Tripoli, en Libye, ont facilité les relations entre El Ouali Mostafa Essaid et les responsables libyens. A partir de cette date, la Lybie a soutenu le mouvement séparatiste en l’approvisionnant massivement en armes.

L’analyse d’un historien est différente de celle d’un journaliste. L’historien analyse l’événement dans un contexte, alors que le journaliste relate l’information d’une façon isolée. L’historien a besoin de recul et de plusieurs documents pour pouvoir se prononcer, alors que le journaliste a besoin de célérité pour lancer les informations. Certains documents, quand ils sont véhiculés par les journalistes, peuvent créer de la confusion, parfois une mauvaise interprétation ou encore créer des problèmes.

 

 

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