Une situation épidémiologique «habituelle» au Maroc.
Mais, les réseaux sociaux créent la psychose.
La grippe tue. Une triste évidence que l'épisode grippal actuel n'a pas manqué de nous rappeler. Revenir 10 ans en arrière permet de comprendre l'absurdité de la situation dans laquelle nous sommes.
2009 était une année de pandémie mondiale. Le virus grippal de cette année-là était particulièrement virulent et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'avait qualifié de virus au «taux de morbidité élevé, mais au taux de mortalité faible». Le Maroc n’a pas été épargné à l'époque et enregistrera ses deux premiers cas de contamination du virus A H1N1 le 12 juin 2009. Au mois d'octobre de la même année, période où commence généralement la saison grippale, le Maroc enregistrait déjà 145 malades, rien que parmi les écoliers. En novembre 2009, le Maroc comptait son premier décès : un jeune homme atteint du diabète, l'un des principaux facteurs de risques, qui peut compliquer toute grippe. En 2019, le nombre de malades est nettement inférieur à ce que l’on a connu il y a dix ans. Et pourtant...
Grippe saisonnière
Depuis 2009, la souche H1N1 fait partie de la grippe saisonnière et entre dans le vaccin antigrippal saisonnier. En d'autres termes,
A H1N1, ou la grippe porcine, est assimilée aujourd'hui à la grippe saisonnière. Chaque année, cette grippe fait hélas ! des décès parmi les populations dites à risque. 2019 ne déroge pas à la règle: alors que le pic de la saison est dépassé, 58 cas d'infections sévères ont été pris en charge dans les hôpitaux publics et cliniques privées et testés positifs au virus à la date du 3 février, 15 patients se sont complètement rétablis, 32 sont toujours sous traitement et 11 autres patients sont décédés, selon le ministère de la Santé.
Le corps médical est formel: la situation est moins grave que les saisons passées et les décès sont dus à des complications en relation avec, au moins, un des facteurs de risque potentiels que sont la grossesse, les maladies chroniques, l'âge avancé ou le très jeune âge. La situation épidémiologique actuelle demeure «habituelle», en comparaison avec les saisons précédentes et avec la situation mondiale rapportée par l'OMS.
Résumons : nous sommes donc devant une situation normale, moins difficile que les années passées et beaucoup moins risquée qu'en 2009. Pourquoi alors une telle hystérie ? Tout est parti du triste cas d'une femme de 34 ans décédée de la grippe porcine après plusieurs jours d'hospitalisation.
L'utilisation des termes «grippe porcine» et «H1N1» dans la communication de l'établissement où était hospitalisée la défunte a profité à la caisse de résonance des réseaux sociaux pour se transformer en une panique générale au sein de la population. De fake news en fake news, d’approximations en amalgames, la grippe porcine est même confondue avec la fièvre aphteuse, exacerbant situation de psychose.
Erreurs
Ce type de phénomènes est un terrain fertile pour les théories du complot en tous genres. Le ministère de la Santé, en cherchant à rassurer sur le caractère habituel de la situation, a apporté de l'eau au moulin conspirationniste qui sévit sur la toile. Encore une fois, le gouvernement a cherché à répondre aux réseaux sociaux. Encore une fois, cela n'a fait qu'aggraver la situation.
Le département de Anass Doukkali se retrouve désormais piégé dans ce jeu contre un adversaire coriace : l'ignorance. Ignorance qui a traversé les murs de l'école et a poussé certaines d’entre elles à prendre des décisions qui ne sont pas de leur ressort.
Car en faisant fermer des établissements scolaires pour des raisons sanitaires, les responsables de certaines écoles privées se sont substitués au ministère de la Santé en termes de protection de la santé publique. L'incohérence est totale. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait durant les mois écoulés ? N'y avait-il pas eu de cas de grippe ? Bien sûr que si !
Un autre établissement a fait examiner en son sein ses élèves par le médecin de l'école. Drôle de méthode, lorsque les consignes sont justement d'éviter ce type de rassemblements en cas d'épidémie. Heureusement qu'il n’y en avait pas ! En la matière, une circulaire du ministère de la Santé datant de 2007 stipule qu'un élève malade de grippe doit être renvoyé chez lui pour une période de 8 jours.
C'est à cela que devaient se tenir ces établissements, qui au final n'ont fait que nourrir la psychose ambiante auprès des parents d'élèves. Certains établissements ont plus fait dans la Com' que dans la soi-disant prévention: «Nous venons d'obtenir la confirmation d'un cas de grippe... Nous sommes rassurés de savoir que l'enfant va bien. Il n'a pas été nécessaire de l'hospitaliser», écrit l'un d'entre eux. Un communiqué dénué de sens puisqu'au final il n'y a pas de raison de s'inquiéter.
Encore une fois, les réseaux sociaux ont déformé la réalité, ont exacerbé les faits et ont montré à quel point les circuits d'informations classiques sont limités face à la déferlante de la désinformation qui conduit des opérateurs, de bonne foi pour la plupart, à nourrir la psychose et piège l'Etat dans une communication de crise inaudible.
Quant à la grippe saisonnière, nous ne le répéterons jamais assez, les personnes à risque doivent se vacciner chaque année. ◆