Crise dans le Golfe : Maroc, la voix de la raison

Crise dans le Golfe : Maroc, la voix de la raison

 

Au lieu d'être pour ou contre la partie appelant à la rupture des relations avec le Qatar, le Maroc a choisi la voie de la mesure et appelle les protagonistes au dialogue pour trouver une solution à une crise latente, qui ne sert pas les intérêts des pays du CCG.

 

 

La dualité et la course au leadership entre l’Arabie Saoudite et le Qatar a atteint son paroxysme le 5 juin dernier quand l’Arabie Saoudite et ses alliés ont décidé de rompre toute relation avec le Qatar, accusé de «soutenir le terrorisme». Une crise sans précédent au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui s’est traduite par une fermeture des frontières et un embargo qui ne dit pas son nom. Si dans un premier temps l’Arabie Saoudite est soutenue dans cette décision par les Emirats Arabes Unis, l’Egypte et le Yémen, d’autres pays se rangeront de son côté. Depuis, plusieurs se sont alignés sur la position de l’Arabie Saoudite alors que certains, notamment l’Allemagne et la France, ont appelé au calme et à la retenue, privilégiant la voie du dialogue.

Paradoxalement, le Maroc, pays ayant des relations très privilégiées avec l’Arabie Saoudite, qui accueillait en mai 2016 le Maroc comme invité d‘honneur au Sommet annuel des pays du CCG, réaffirmant leur soutien au Royaume qui vivait un véritable bras de fer avec l’ancien SG des Nations unies, Ban Ki-moon…, a gardé le silence.

Ce n’est que dimanche dernier, 11 juin, que le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération a fait une première communication sur cette crise aux relents planétaires pour relever que «le Royaume du Maroc suit avec une grande préoccupation la détérioration, ces derniers jours, des relations entre le Royaume d’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Royaume du Bahreïn, l’Egypte et d’autres pays arabes d’un côté, et l’Etat du Qatar de l’autre». Tout en informant que «depuis le déclenchement de cette crise, Sa Majesté le Roi Mohammed VI – que Dieu L’assiste – a maintenu un contact étroit et permanent avec les différentes parties».

Ce retard se justifie, selon Mohamed Bouden, le président de ACAPII (Centre Atlas d’analyse des indicateurs politiques et institutionnels), par le fait que c’est une position mûrement réfléchie, basée sur des éléments d’informations recueillies de par la proximité historique du Maroc avec les pays du Golfe. Le Maroc a donc choisi la neutralité face à une crise latente dont les prémices pointaient du nez cela fait quelques mois déjà. Dans un autre communiqué, le ministère souligne que «cette position ne peut, en aucun cas, être liée aux positions des autres parties non arabes qui tentent d'exploiter cette crise pour renforcer leur positionnement dans la région et porter atteinte aux intérêts suprêmes de ces pays».

«Je crois que le Maroc, qui connaît très bien ce qui se passe en on et en off dans les relations dans cette région, est très au fait des tenants et aboutissants de cette nouvelle crise. Il y a des signaux qui ne trompent jamais, et ce depuis le Sommet organisé en Jordanie, à l’issue duquel l’Emir du Qatar et le président de l’Egypte avaient prononcé des discours totalement à l’opposé, trahissant une divergence sur la question de l’Islam politique avec toutes les retombées que l’on sait… Puis, il y a eu le sommet islamo-américain où le Maroc a choisi de se faire représenter par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, comme anticipant les développements qui allaient suivre».

 

Appel à la retenue

 

Le ministère rappelle également que le Roi Mohammed VI a appelé l’ensemble des parties à faire preuve de retenue et de sagesse afin de faire baisser la tension, dépasser cette crise et régler définitivement les causes qui l'y ont conduit, conformément à l’esprit qui a toujours prévalu au sein du CCG.

«Notre pays est au fait de la trajectoire tumultueuse des relations dans la région empreintes de conflits et de lutte de leadership et projette un retour à la normale pour l’intérêt et la stabilité de la région», poursuit Mohamed Bouden.

Un retour à la normale qui semble un peu difficile à atteindre vu le nombre de pays qui sont entrés en ligne de compte dans ce conflit et pas seulement pour la bonne cause ! Ce qui pose la question d’une médiation neutre et sereine loin des faucons qui s’alimentent de ce genre de situation. C’est pourquoi le Maroc a tendu la main aux différents protagonistes pour dialoguer dans la paix : «Aussi, et si les parties le souhaitent, le Royaume du Maroc est disposé à offrir ses bons offices en vue de favoriser un dialogue franc et global, sur la base de la non ingérence dans les affaires intérieures, la lutte contre l’extrémisme religieux, la clarté dans les positions et la loyauté dans les engagements», note le ministère.

D’ailleurs, depuis ce début de semaine, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a été reçu par l’Emir du Koweït, pays qui n’a pas tari d’efforts pour trouver une sortie de crise et dissiper les différends. L’émissaire de Mohammed VI a également été reçu par SAR Cheikh Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi, et commandant suprême adjoint des forces armées de l'Etat des Emirats Arabes Unis. Le mardi soir, c'est le Serviteur des Lieux Saints, le Roi Salman Bin Abdelaziz Al Saoud, qui reçoit au palais Salam à Djeddah, Nasser Bourita, qui lui a transmis un message verbal du Roi Mohammed VI toujours dans le cadre des efforts entrepris par le Maroc pour trouver une issue rapide et favorable à cette crise. Les efforts du Royaume marocain tendent vers la consolidation de la stabilité de ces pays pour que le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) préserve sa place distinguée en tant que modèle réussi de la coopération régionale. ■

 

 

I. Bouhrara

 

 

 

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