Voilà que l’Algérie parle de «complot» par la voix de son agence de presse officielle, l’APS ! De quoi s’agit-il au vrai ? D’un rapport semestriel de suivi publié par la Banque mondiale, voici deux semaines à peine. Il ne mentionne pas «un séisme économique», mais parle de «vulnérabilité de ses exportations, de soldes budgétaires et extérieurs en détérioration à moyen terme» ainsi que de l’aggravation des inégalités entre le nord et le sud et entre les villes et les campagnes. Où est le «complot» mis en cause par certains ?
Ce rapport a été adressé au ministère algérien des Finances avant sa publication et sa mise en ligne. Aucun responsable n’a trouvé à y redire… Alors, pourquoi cette campagne hostile, haineuse même contre le Maroc, accusé d’avoir instrumentalisé la Banque mondiale à des fins inavouables ? Celle-ci a d’ailleurs réagi en rappelant la méthodologie de son travail et sa fiabilité. Il reste que les indicateurs sont au rouge : déficit budgétaire de 13,6%; contraction des réserves de change (12 mois); PIB (3,3%); et PIB hors hydrocarbures (3,9%); chômage de masse (20% et 40% chez les jeunes); envol des prix des denrées alimentaires et pénuries. Le modèle algérien fondé sur la croissance de la rente pétrolière accuse une grave crise. Or, les recettes des hydrocarbures (pétrole, gaz) ont été divisées par deux au cours des cinq dernière années.
Le système économique peut-il tenir durablement ? Il peut souffler quelque peu aujourd’hui avec l’envol des prix du baril de pétrole (80-85 dollars pour le Brent). Mais la transition vers un modèle différent, moins rentier surtout, ne peut se faire que par la fin du capitalisme de copinage, propre à ce régime. C’est la condition de l’émergence d’un Etat de droit avec une véritable classe entrepreneuriale dans de nombreux domaines tels le tourisme, l’agroalimentaire ou l’économie du numérique. Mais ce «système» est-il réformable ? Personne ne peut sérieusement le soutenir. Le cœur du réacteur est là, un invariant structurel, formé et consolidé par ce que l’on pourrait appeler, pour employer une métaphore géologique, une sédimentation de plus d’un demi-siècle. Il y a bien eu des variantes, ici ou là, mais pas sur les fondamentaux : un régime autoritaire, capté par l’armée depuis l’indépendance en 1962; des clans, bien sûr, des règlements de compte peu pacifiques soit dit en passant, mais les généraux «ne lâchent rien». Ils disposent au surplus d’un appareil sécuritaire, civil et militaire, mobilisé pour la régulation sociale, la «stabilité» et la gestion de l’ordre public.
Des statuts à préserver. Et des intérêts. Des rentes aussi… Le délire des officiels d’Alger ? Il n’incrimine pas seulement une institution internationale comme la Banque mondiale : tant s’en faut. Il vise aussi - et de manière constante d’ailleurs depuis des années, voire des décennies – le Maroc. Les provocations et les menées hostiles se multiplient; elles traduisent une sorte d’enfermement et de rigidité psychologique et politique. Les généraux n’ont donc pas d’autre grain à moudre que la dénonciation de ce qu’ils appellent l’«ennemi» - le voisin de l’est. Mais qui menace qui ? Il y a quelque chose de cliniquement hystérique dans ces ressorts profonds et leurs expressions bellicistes ininterrompues. Ce qui leur est insupportable, au fond, c’est le «modèle» marocain qui fait la preuve de sa viabilité, alors que l’Algérie accuse un sinistre de son économie; c’est la construction démocratique dans le Royaume qui engrange et consolide des avancées; c’est aussi l’ambition d’un modèle de société moderniste, démocratique et solidaire inscrit au fronton du nouveau règne, et qui se prolonge dans le nouveau modèle de développement (NMD) adopté et décliné à l’horizon 2035; c’est enfin la mobilisation du peuple marocain autour de son Roi pour la cause nationale qu’est la question du Sahara marocain. Rien n’y fera ! Ce sont là des fondamentaux. La communauté internationale, dans sa grande majorité, soutient cette cause. On l’a vu, le 10 décembre 2020, avec la reconnaissance par l’administration américaine de la souveraineté du Royaume sur ses provinces sahariennes récupérées.
On le mesure toujours au sein des Nations Unies, dans les multiples résolutions du Conseil de sécurité. Une mention particulière doit être faite à celle adoptée le 29 octobre dernier par cette haute instance onusienne (R.C.S. 2602). Elle vient conforter les acquis réalisés par le Royaume dans le dossier du Sahara, rendus possibles grâce à l’engagement personnel et au suivi permanent de SM le Roi Mohammed VI. Le Maroc a salué cette résolution importante au vu de son contexte, de son contenu et des positions exprimées lors de son adoption. Elle a conforté les acquis réalisés par le Royaume dans ce dossier. Elle a prorogé pour une année le mandat de la MINURSO, tout en consacrant, une fois de plus, la prééminence de l’initiative marocaine d’autonomie pour résoudre le conflit artificiel autour du Sahara marocain. Elle a été adoptée avec 13 voix pour, contre deux abstentions; elle est importante car intervenant dans un contexte où le Maroc a réalisé de nombreux acquis depuis la résolution d’octobre 2020. Parmi ces acquis, le SG de l’ONU a cité dans son dernier rapport la sécurisation du poste-frontière d’El Guergarate et le rétablissement de la libre circulation à son niveau, la reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité du Sahara et l’ouverture de 24 consulats dans les Provinces du sud du Royaume. Ces acquis font partie de développements majeurs qu’a connus ce dossier.
Cette résolution 2602 apporte des réponses importantes aux manœuvres et agitations des adversaires de l’intégrité du Royaume. D’abord, ce qui a trait au format du processus : le Conseil de sécurité a affirmé que les tables-rondes en Suisse (décembre 2018 et mars 2019) avec la participation de toutes les parties, en sont le seul mécanisme de gestion. La finalité du processus ? Déboucher sur une solution réaliste, pratique et basée sur le compromis. Ces qualificatifs suscitent l’anxiété des autres parties; ils renvoient vers le plan marocain d’autonomie et écarte toute autre option qui n’est pas réaliste. Le Conseil de sécurité a ainsi répondu à toutes les manœuvres ourdies dans ce cadre. L’Algérie a été citée cinq fois dans la résolution, au même titre que le Maroc. Elle a une responsabilité à assumer dans ce dossier. Partant de cela, la résolution du Conseil affirme que l’Algérie est appelée à s’impliquer tout au long du processus politique en vue de son aboutissement.
Le Conseil de sécurité a aussi apporté une autre réponse, en lien avec la rupture du cessez-le-feu. L’organe exécutif de l’ONU a exprimé sa «profonde inquiétude» à propos de la partie qui a officiellement annoncé son retrait des accords y afférant au moment où le Maroc avait réaffirmé son engagement à en respecter les dispositions. L’inquiétude du Conseil de sécurité envoie un message aux parties mettant en péril le cessez-le-feu pour qu’elles assument leurs responsabilités. Il vise clairement l’Algérie et le «Polisario» : la communauté internationale ne permettra aucune atteinte à la stabilité dans cette région. Enfin, il y a les acquis engrangés par le Maroc au fil des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des dernières années. Les tentatives d’écorner ces acquis ont été entreprises, mais ils sont tous aujourd’hui contenus dans la résolution 2602. Y figure en particulier le plan d’autonomie comme cadre réaliste, sérieux et crédible dans la seule perspective du règlement du dossier du Sahara. Des tentatives ont été aussi menées en rapport avec la question des droits de l’Homme.
Le Conseil de sécurité sait faire la part des choses : il fait la distinction entre surenchère, perturbation et réalité. Ni le mandat de la MINURSO, ni la question des droits de l’Homme n’ont été évoqués dans la résolution. Bien au connaitre, l’enregistrement des séquestrés et la responsabilité du pays les abritant à Tindouf y sont explicités. Le Conseil appelle à leur recensement pour qu’ils puissent préserver leurs droits contre les violations du droit humanitaire international. Il en est de même pour les multiples tentatives d’impliquer des organisations régionales comme l’Union européenne et l’Union africaine dans ce processus. La résolution n’y fait nullement référence. Ce sont des réponses directes et claires qui ont été apportées par le Conseil de sécurité aux manœuvres et à l’agitation qui avaient pour dessein de porter à croire que le Conseil allait reconsidérer ses paramètres. La réponse a été claire pour ce qui est du format, de la finalité et de véritables acteurs du processus ainsi que des responsables de la rupture du cessez-le-feu.
Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit, Politologue