Algérie: l’histoire d’une faillite

Algérie: l’histoire d’une faillite

La situation inextricable dans laquelle est plongée l’Algérie aujourd’hui, remonte à plusieurs décennies, autant dire depuis l’indépendance du pays de la colonisation française en 1962, après 132 ans de présence française.

 

Par Abdelhak Najib Écrivain-Journaliste
 

A près ce qui s’apparente à une acculturation des Algériens, avec leurs différentes identités et leurs variétés ethniques, la France laisse derrière elle un tel chaos dont les Algériens ne se sont jamais relevés. Un chaos tel que la première action des chefs algériens a été d’ouvrir un front à l’Ouest pour livrer une guerre au Maroc. Pays ami, qui a soutenu pendant plus d’un siècle et la résistance algérienne et les mouvements d’indépendance qui se sont succédé dans le pays jusqu’à la déclaration qui aboutit à la sortie des Français en juillet 1962.

Pour faire un juste rappel de l’Histoire, tous les chefs algériens, devenus plus tard présidents de la république, ont vécu au Maroc, ont été reçus au Maroc, ont reçu de l’argent du Maroc, ont été soutenus logistiquement en armes et en aides humaines. Et pourtant, la réponse des leaders algériens, les Ben Bella, les Boumediene, les Bouteflika et les autres, a été une déclaration de guerre que les annales de l’Histoire retiennent sous le nom de guerre des sables. Une guerre où l’Algérie a essuyé une défaite amère qui nourrit encore aujourd’hui toute la haine qui suinte au palais d’El Mouradiya par tous les chefs d’État qui ont dirigé ce pays depuis les années 60 du siècle dernier à aujourd’hui, avec l’arrivée au pouvoir de Abdelmajid Tebboune.

En 2021, ce désir de vengeance de l’Algérie est exacerbé par l’essor et les progrès que réalise le Maroc, dans tous les domaines, tant sur les plans politique, économique, social que géopolitique et géostratégique, avec toutes les alliances que Rabat a consolidées avec des puissances mondiales comme les États-Unis d’Amérique. Un pays qui a reconnu officiellement la marocanité du Sahara. Comme la Russie qui appuie les visions marocaines dans divers secteurs, comme la Chine qui s’est érigée en partenaire privilégié du pays, comme l’Inde, comme toute l’Amérique latine, comme les riches pays du Golfe, qui ont fait du Maroc leur allié favori, comme l’Union européenne, malgré quelques couacs de la part de Madrid et de Paris.

A cela s’ajoute la politique marocaine qui fait de l’Afrique un pôle économique en passe de devenir l’une des régions les plus prospères de la planète dans les décennies à venir. Sans oublier, bien entendu, la normalisation du Maroc avec l’État d’Israël, qui a été l’allume-gaz d’une escalade dangereuse entre Rabat et Alger, avec des menaces et des accusations du côté algérien qui frisent l'absurde et versent dans une aberration et une illogique criarde. Oui, cela rend compte de l’état d’esprit du régime algérien, qui essuie camouflet sur camouflet, en continuant de serrer son implacable étau sur un peuple algérien qui souffre, qui ploie sous le joug d’une junte militaire, qui dirige le pays d’une main de fer, dans une dictature assumée. Le sort de dizaines de millions de personnes qui vivent dans la pauvreté, dans la précarité et dans un désespoir grandissant chaque jour davantage tant tous les horizons sont bouchés dans un état militaire et policier, qui ne connaît en guise de réponse aux attentes et aux revendications des Algériens que la loi de la matraque et de l’oppression.

Pour des populations qui ont vécu la guerre civile des années 1990, avec les 200.000 victimes du terrorisme et de la répression militaire, ce vent d’espérance qui a soufflé avec ce que nous nommons communément «printemps arabes» a été avorté dans l’œuf, par la violence et la loi des représailles. Une situation extrême qui a culminé à un point de non-retour avec le règne interminable d’un président à vie, Abdelaziz Bouteflika, qui même mourant, ayant perdu toutes ses capacités mentales, a continué à diriger en fantôme, sur sa chaise roulante, plongé dans le mutisme, dans la surdité et dans l’hébétement. Un simulacre de règne par un dirigeant qui a toujours voulu être consacré monarque, appuyé en cela par un régime militaire où les généraux dictent toutes les lois et rythment la vie politique réduite à son minimum, par des privations, des exactions, des interdictions et des verdicts sommaires condamnant au silence toutes les voix dissidentes dans un pays où il n’y a plus aucune place pour les libertés individuelles.

Voici les réalités flagrantes d’un État au bord du gouffre, un pays qui traverse de graves et profondes crises intérieures, avec des populations qui sont aujourd’hui prêtes à tout pour changer de destin, quitte à en mourir. Des populations qui savent que leur pays aurait pu devenir l’un des États les plus riches et les plus prospères du monde, grâce à la manne pétrolière et gazière qui assure au pays des centaines de milliards de dollars en devises. Pourtant, les Algériens veulent partir, ils veulent quitter leur terre et s’aventurer dans la Méditerranée en quête d’une autre vie, sous d’autres cieux.

Des Algériens qui manquent de tout, dans un pays qui les maintient sous sa coupe en les privant de tout. Un pays si coupé des réalités que quand il est frappé par des incendies, n’a même pas pu en venir à bout, parce qu’il manque cruellement d’infrastructures, de technologie et de moyens dédiés à ce type de catastrophes naturelles. Une vraie débâcle pour un pays qui dépense des milliards de dollars, chaque année, en équipements militaires, en chars et en avions de combat, préparant encore et toujours une nouvelle guerre contre l’ennemi désigné, ce voisin marocain.

Un Maroc qui sert d’exutoire à chaque fois que les crises internes se font entendre, à chaque fois que le peuple grogne, à chaque fois que l’ordre édicté et imposé risque d’imploser emportant dans ses sillages les derniers relents d’une dictature qui a fait son temps. Aujourd’hui, le bilan de l’Algérie ne trompe plus : une économie moribonde, une politique discordante et passéiste, une société en effervescence, une culture qui se meurt et un peuple sacrifié sur l’autel des pétrodollars, pour le compte d’une minorité avide dont le sort devrait être en toute logique le Tribunal pénal international, pour répondre de tous ces assassinats d’opposants, des procès sommaires et expéditifs pour se débarrasser des leaders d’opinion qui ont cher payé leurs rêves d’une Algérie à visage humain. Sans oublier une véritable enquête pour déterminer comment tout un régime a autorisé l’assassinat de 200.000 citoyens en toute impunité.

Mais il faut dire que cette impunité est imposée par le poids des barils de pétrole et des gazoducs. Ces mêmes ressources qui pourront voir débouler certaines puissances étrangères pour semer le chaos dans le pays et s’emparer des hydrocarbures comme nous avons pu le voir dans des pays tout aussi désaxés comme la Libye, comme l’Irak, comme le Yémen et d’autres. La roue de l’Histoire tourne et elle est implacable. Tout porte à croire aujourd’hui que l’Algérie pourrait livrer une guerre ouverte au Maroc ou alors par polisario interposé, mais ce sera son dernier sursaut avant la chute finale.

 

 

 

 

 

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