A l'heure où les Etats-Unis et l'Europe subventionnent à hauteur de plusieurs milliards la création d'usines de fabrication de semi-conducteurs, le marché mondial de l'électronique se fait rattraper par la crise économique.
Par K. A.
Les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler pour l’industrie mondiale des semi-conducteurs. En raison du ralentissement des dépenses de consommation pour les PC et les téléphones portables, ainsi que du ralentissement des budgets des entreprises, le marché plonge dans l’incertitude.
Le numéro un mondial des fabricants de microprocesseurs, Intel, a perdu un demi-milliard de dollars au deuxième trimestre 2022. Nvidia, leader mondial des processeurs graphiques, a mis en garde contre une baisse de son carnet de commandes. Micron Technology (troisième fabricant mondial de puces mémoire) et Advanced Micro Devices (AMD) connaissent également des difficultés financières. Les cours boursiers des fabricants de puces américains suivent le même chemin depuis début 2022 : -45% pour Intel et -56% pour Nvidia. Le géant taïwanais, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), numéro un mondial des fabricants de puces externalisées, a réduit les investissements dans ses usines.
D‘ailleurs, la Semiconductor Industry Association (SIA) a annoncé que les ventes mondiales de l'industrie des semiconducteurs s'élevaient à 47,4 milliards de dollars au cours du mois d'août 2022, soit une légère augmentation de 0,1% par rapport au total de 47,3 milliards de dollars d'août 2021, mais une baisse de 3,4% par rapport au total de 49,0 milliards de dollars en juillet 2022.
Ces chiffres sont compilés par l'organisation World Semiconductor Trade Statistics (WSTS) et représentent une moyenne sur trois mois. «La croissance mondiale des ventes de semi-conducteurs a stagné ces derniers mois. En glissement mensuel, ils affichent la plus forte baisse depuis février 2019», lit-on dans le rapport de la SIA. Pour leur part, les experts du cabinet allemand Roland Berger ont observé que «la consommation de produits électroniques a fortement baissé au cours des derniers trimestres, après de fortes hausses pendant la pandémie». En effet, après une augmentation de 26,3% de ses revenus entre 2020 et 2021, le secteur devrait ainsi enregistrer une hausse annuelle de seulement 7,4% en 2022, puis une baisse de 2,5% en 2023, selon le cabinet américain Gartner.
Les États-Unis portent un nouveau coup à la Chine
Après l’annonce par Washington de restrictions draconiennes de ses exportations de puces électroniques vers la Chine, les actions des producteurs de semi-conducteurs ont fortement chuté début octobre sur les marchés asiatiques. En effet, le pays de l'oncle Sam compte profiter de son avancée technologique dans le secteur stratégique pour freiner la progression torrentueuse des Chinois. Et ce, au moment où le président Xi Jinping tente de réduire sa dépendance aux produits américains. Indispensables au fonctionnement de plusieurs appareils électroniques, comme à celui de la technologie de pointe en matière d’armement, ces puces électroniques ont déjà fait l’objet de plusieurs contentieux entre Washington et Pékin.
Et ce n’est pas tout !
Ces deux dernières années, les pénuries de puces à semiconducteurs – qu'elles soient causées par la crise sanitaire de la pandémie du Covid-19 ou la guerre en Ukraine – ont contraint les constructeurs automobiles mondiaux à mettre en pause la production de millions de voitures. Largement perturbé en raison de la pandémie, ce segment de marché «devrait bientôt assister à la fin de la pénurie qui le touche depuis près de trois ans». C'est en tout cas l'une des prévisions qu'établit le Centre de technologie avancée du cabinet allemand dans son rapport du mois dernier. Cette problématique dicte que malgré des projections rassurantes à court terme, les véritables enjeux du secteur sont plus structurels que conjoncturels et nécessitent une réponse durable. Parallèlement, le constructeur automobile Stellantis s'attend à ce que la chaîne d'approvisionnement reste tendue jusqu'à la fin de 2023. Ce dernier a estimé que «la situation restera très compliquée jusqu'à la fin de l'année 2023, puis se détendra un peu». Et d'appeler les constructeurs à favoriser leurs clients en modérant toute hausse de prix : «Les fabricants de semi-conducteurs ont intérêt à refaire des affaires avec nous, d'autant plus qu'ils augmentent les prix».