Si le marché global affiche encore des chiffres solides, les récentes tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, accompagnées de hausses des droits de douane, commencent à fragiliser son équilibre. Analyse chiffrée et perspectives d’évolution.
Par K. A.
Porté par des ambitions de croissance record, le marché mondial des consoles montre pourtant ses premières failles en 2025, sous l'effet d'un essoufflement des ventes et d'un contexte international tendu. Selon Mordor Intelligence, le marché mondial des consoles de jeux est estimé à 57,2 milliards de dollars en 2024, avec une prévision de croissance annuelle de 7,2%, devant atteindre près de 81 milliards de dollars en 2029. Cependant, cette dynamique cache un ralentissement à court terme : en janvier 2025, les ventes mondiales ont chuté par rapport à l'année précédente.
Selon la plateforme spécialisée VGChartz, les ventes de consoles en janvier 2025 se sont établies à 937.226 unités pour la PlayStation 5, en recul de 31,1% par rapport à l'année précédente. La Nintendo Switch a enregistré 563.868 unités vendues, soit une baisse de 41,3%, tandis que la Xbox Series X|S s'est écoulée à 209.728 unités. Cette tendance s’est confirmée sur l’ensemble du premier trimestre 2025. La PlayStation 5 a cumulé 3,25 millions d'unités vendues sur la période, contre 1,63 million pour la Nintendo Switch et 730.000 pour la Xbox Series X|S. Au total, la PS5 reste la console dominante avec près de 75,3 millions d'unités vendues depuis son lancement, tandis que la Nintendo Switch franchit le cap historique des 150 millions d’unités écoulées.
La PS5 toujours en tête
En Europe, la PlayStation 5 domine également le marché avec 328.136 unités vendues en janvier 2025, contre 139.528 pour la Switch et seulement 38.581 pour la Xbox Series. Cette domination s'est poursuivie en mars, avec 312.534 unités supplémentaires écoulées pour la PS5.
«La transition vers le mobile et le PC est amorcée depuis plusieurs années, mais l'impact combiné de l'inflation, des tensions commerciales et du vieillissement des générations de consoles amplifie aujourd'hui ce mouvement», explique PierreYves Jacques, analyste indépendant du marché gaming. L’Afrique affiche une dynamique inverse : avec un chiffre d'affaires de 1,8 milliard de dollars en 2024 (+12,4% de croissance annuelle), le continent est en pleine expansion.
Pour l'Agence Ecofin, près de 349 millions de joueurs sont recensés, dont la majorité (304 millions) sur mobile. Les consoles, encore minoritaires, gagnent cependant en popularité au Nigeria, en Afrique du Sud, au Maroc et en Algérie. Néanmoins, le marché africain reste extrêmement sensible aux variations de prix. Les hausses liées aux droits de douane sur les composants et les consoles pourraient fortement limiter leur accessibilité, freinant ainsi l’essor de ce segment.
Les droits de douane, nouveau facteur de pression
Depuis 2024, les États-Unis ont réintroduit des droits de douane sur de nombreux produits électroniques en provenance de Chine et d'Asie du Sud-Est. Nintendo est directement touché : la Switch 2, produite au Vietnam, est soumise à une taxe de 46% lors de son importation aux États-Unis, ce qui a poussé l'entreprise à retarder ses précommandes américaines. La console est ainsi proposée à un prix de 449,99 dollars, un record, tandis que certains jeux atteignent 80 dollars. «Nous devrons probablement ajuster nos stratégies de production et de distribution pour réduire notre exposition aux barrières tarifaires», a déclaré un porte-parole de Nintendo à Bloomberg.
PlayStation et Xbox ne sont pas épargnées : la production de nombreux composants essentiels (processeurs, chipsets graphiques) reste concentrée en Asie. Les risques de hausses de prix à moyen terme sont bien réels pour tous les constructeurs. En Europe, la situation est également tendue. L'Union européenne menace à son tour d'imposer des droits de douane sur certains produits technologiques importés des États-Unis, ce qui pourrait perturber encore davantage le marché.
Pour éviter de subir de plein fouet l’impact des tensions commerciales, les constructeurs adaptent leur chaîne d'approvisionnement. Foxconn, sous-traitant clé de Sony et Nintendo, augmente ainsi ses capacités de production au Vietnam, en Inde et au Mexique. «Nous assistons à une redéfinition géopolitique des chaînes de valeur du jeu vidéo. Les constructeurs doivent absolument diversifier leur production à court terme», souligne Laura Martinez, spécialiste de la stratégie industrielle chez PwC.
Malgré ces perturbations, le marché reste porté par une forte demande structurelle. L'arrivée progressive de nouvelles générations de consoles, comme la Switch 2 ou une éventuelle PS5 Pro, pourrait relancer les ventes à partir de fin 2025.
Cependant, la hausse des coûts de production, les droits de douane, l'érosion du pouvoir d'achat et la concurrence accrue du cloud gaming (porté par Nvidia et Microsoft) imposeront de nouveaux modèles économiques. Ainsi, le marché des consoles aborde une étape décisive : entre pressions géopolitiques, mutation des habitudes de jeu et impératif d'innovation, les géants du secteur devront faire preuve d'une agilité sans faille pour maintenir leur position.