Deloitte : «Le Maroc peut devenir un leader cyber en Afrique»

Deloitte : «Le Maroc peut devenir un leader cyber en Afrique»

Imade Elbaraka, managing partner cyber Deloitte France et Afrique francophone, partage sa vision sur les défis de cybersécurité en Afrique. Présent au Gitex Africa 2025, il revient sur l’évolution des menaces, l’importance de la résilience numérique et la montée en puissance des talents locaux.

Finances News Hebdo : C’est votre troisième participation au Gitex Africa. Qu’est-ce qui a changé, selon vous, depuis la première édition ? Le niveau d’urgence cyber sur le continent est-il monté d’un cran ?

Imade Elbaraka : D’une part, je reviens sur le Gitex : l'évènement a pris de l'ampleur, et on s'en réjouit collectivement. C'est un rendez-vous mondial organisé au Maroc, et il faut s'en féliciter, car de tels événements contribuent à l'émergence d'un écosystème tech et cyber. Concernant la cybersécurité, je ne pense pas que l’ampleur de la menace soit dictée par un événement en particulier. La numérisation croissante de nombreux secteurs, amorcée depuis plusieurs années, a été le précurseur ou le catalyseur de cette menace. Il faut rappeler que la menace cyber est systémique, internationale, et protéiforme. Aujourd’hui, on assiste à une prise de conscience collective du sujet, et c'est une évolution positive.

 

F.N.H. : Le Gitex devient un carrefour stratégique des technologies africaines. Deloitte y est très visible. Qu’est-ce que vous venez y défendre : des services, une vision, une implantation ?

I. E. : Nous portons d'abord une vision. Deloitte est présent en Afrique depuis plus de 30 ans sur divers domaines : audit, fiscalité, conseil, et bien sûr, cybersécurité. Notre vision, c'est que les talents africains doivent être formés en Afrique, au service de l'Afrique, mais aussi prêts à s'exporter. Nous sommes convaincus que l'Afrique, avec une population jeune en forte croissance, jouera un rôle majeur à l'échelle mondiale. Dans ce contexte, il est essentiel que des marques mondiales comme Deloitte investissent localement, et c'est ce que nous faisons.

 

F.N.H. : Comment vos Cyber Intelligence Centers accompagnent-ils les entreprises africaines aujourd’hui ? Avez-vous des exemples d’interventions concrètes ?

I. E. : Nous intervenons dans plusieurs pays : Maroc, Côte d'Ivoire, Sénégal, Tunisie, entre autres. Le centre de Casablanca est aujourd'hui le plus grand en Afrique. Il est interconnecté avec d'autres centres mondiaux: en Amérique, en Espagne, en Inde, à Kuala Lumpur (Malaisie). Cette interconnexion nous permet de mutualiser les compétences et de mieux comprendre les menaces, qui sont mondiales, systémiques et multiformes. Sur le terrain, nos missions sont nombreuses et vont graduellement avec la numérisation du continent africain.

 

F.N.H. : Vous insistez souvent sur la notion de «cyber résilience» plutôt que de simple protection. Que recouvre cette approche pour une entreprise marocaine ou africaine en 2025 ?

I. E. : La résilience est un concept mondial. Le risque zéro n’existe pas. Même en investissant massivement en cybersécurité, aucun pays ou entreprise n’est à l'abri. Il faut donc accepter cette réalité. La résilience vise à rendre la vie difficile à l'attaquant, mais aussi à garantir la continuité d'activité si une attaque survient. Elle repose sur des rustines techniques, technologiques, mais aussi sur la formation, les compétences, la communication. Il est crucial de sensibiliser les Directions générales et les Conseils d'administration à cette approche globale.

 

F.N.H. : L’Afrique est souvent présentée comme sous-dotée en talents cyber. Deloitte s’impliquet-il dans la formation ou la structuration de cette filière ?

I. E. : L'Afrique regorge de talents, pas uniquement au Maroc. On en trouve en Côte d'Ivoire, au Nigéria, en Tunisie… Ce qu'il faut, c'est structurer davantage cet écosystème. Deloitte, de son côté, agit modestement mais concrètement. Nous avons signé un partenariat avec Huawei et une alliance avec l'UM6P depuis deux ans. Nous comptons poursuivre dans cette voie avec d'autres établissements. En interne, nous avons aussi une cyberacadémie, où nous formons de jeunes diplômés. L'objectif est d’alimenter un écosystème marocain et africain, en mobilisant aussi d'autres acteurs du secteur. Si chacun y contribue, nous pourrons faire émerger un modèle cyber référent au niveau mondial.

 

F.N.H. : Le Deloitte Morocco Cyber Center à Casablanca est un pilier de votre stratégie sur le continent. Comment s’articule-til avec vos missions africaines ? Et quelles sont ses prochaines étapes ?

I. E. : Deux ans après son ouverture, le centre de Casablanca compte déjà 150 ingénieurs experts. Nous visons les 500 d’ici 2027. Nous travaillons avec des clients marocains, africains, mais aussi mondiaux, y compris du Fortune 500. Notre stratégie est claire : poursuivre l'investissement technique, recruter des profils spécialisés au Maroc et ailleurs sur le continent, et ouvrir très prochainement une extension du centre.

 

F.N.H. : Quel regard portezvous sur l’usage de l’intelligence artificielle en cybersécurité ?

I. E. : L'IA est à la fois une menace et une opportunité. Elle est déjà exploitée par les attaquants, mais elle peut aussi renforcer les capacités des défenseurs. Il faut prendre conscience de cette double dimension. Il est essentiel d’investir au-delà de l'IA générative, dans l'IA «Deep Tech», qui a de nombreuses applications en cybersécurité. Le Maroc dispose de compétences solides en mathématiques et en informatique. Cela constitue un atout important qu'il faut valoriser et développer. 

 

 

 

 

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Lundi 21 Avril 2025

Maintenance prédictive : «Le Made in Morocco est technologique, innovant et exportable»

Lundi 21 Avril 2025

L’ACAPS se dote d’un nouveau site web

Dimanche 20 Avril 2025

CIH Bank : «L’innovation n’est pas une façon de faire, c’est une façon d’être»

Dimanche 20 Avril 2025

Disty Technologies : «En trois jours au Gitex, nous faisons ce qu’on ne ferait pas en trois mois»

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux