Cryptomonnaies: le Maroc fait son premier pas

Cryptomonnaies: le Maroc fait son premier pas

Badr Bellaj, co-fondateur marocain de l’entreprise «Mchain», nous commente la récente annonce faite par le wali de Bank Al-Maghrib sur la réglementation de l’usage des cryptomonnaies au Maroc. Tour d’horizon

 

Propos recueillis par K. A

 

 

Finances News Hebdo : Lors de sa dernière sortie médiatique, le wali de Bank Al-Maghrib a annoncé qu’un projet de loi sur les cryptomonnaies serait en cours d’élaboration avec le FMI. Quel commentaire en faites-vous ?

Badr Bellaj : J’ai reçu l'annonce faite par Abdellatif Jouahri avec beaucoup d'intérêt parce qu’auparavant, nous avions juste des rumeurs qui circulaient autour d'une potentielle réglementation. Même les précédentes sorties dans ce sens n'ont pas vraiment indiqué de quoi il s'agissait. Mais là, pour la première fois, un responsable de haut niveau dit clairement qu’on est en train de finaliser un projet de loi. Aujourd’hui, la situation est très intéressante dans la mesure où le Maroc devrait trancher sur l'interdiction ou l'autorisation des cryptoactifs. Avoir un cadre légal qui réglemente les cryptomonnaies est un premier pas sur lequel on peut bâtir d'autres initiatives. Ce projet de loi va en quelque sorte lancer le débat autour de la thématique, tout en enrichissant les discussions parmi les professionnels pour sortir avec une version finale de la loi qui va satisfaire tout le monde.

 

F.N.H. : Selon vous, estce que la régulation des crypto-actifs est une urgence aujourd’hui ?

B. B. : Oui, c'est quelque chose de très urgent parce qu'au Maroc il y a une réelle adoption et un usage massif des cryptomonnaies. Le Maroc est classé 24ème en volume à l'international, et donc c'est important de cadrer ce domaine. On a même vu le dernier communiqué qui était en quelque sorte un rappel du premier sorti en 2017. Ce deuxième rappel montre que les autorités sont conscientes que nous sommes devant un phénomène qui est très répandu au Maroc. Par conséquent, il faut avoir une réglementation pour protéger les utilisateurs contre les risques, à savoir les arnaques, les scams, et les activités illicites. Nous espérons que la réglementation ne sera pas juste une reproduction de la situation actuelle, c'est-à-dire de l'interdiction tout court. Nous aimerions bien avoir un cadre légal bien clair, qui définit ce que sont les cryptomonnaies, les champs de l’utilisation, ainsi que les canaux d'utilisation, etc.

 

F.N.H. : Que peuvent apporter le FMI et la Banque mondiale dans la mise en place de ce cadre ?

B. B. : La Banque mondiale et le FMI peuvent apporter leur expertise en matière réglementaire dans la gestion des cryptomonnaies dans le monde. Mais ces deux entités ont des avis tranchés sur la question. Récemment, le FMI a recommandé au Salvador de ne pas adopter le Bitcoin comme monnaie officielle. Après son adoption, l’organisation internationale a de nouveau appelé le pays à renoncer à cette décision. C’est dire que ces deux entités campent sur leur position. Nous espérons que leur contribution sera juste technique, c'est-à-dire dans les aspects relations entre les cryptoactifs et les canaux financiers classiques. Et ce, sans mettre des bâtons dans les roues pour influencer cette loi d’une manière ou d’une autre.

 

F.N.H. : Peut-on voir l’émergence d’un stablecoin de la Banque centrale à terme ?

B. B. : Personnellement, je pense qu'on assistera à l'émergence du statu quo entre la Banque centrale et les banques privées pour ce qu'on appelle le «Wholesale CBDC» (Central Bank Digital Currency ou monnaie digitale de la Banque centrale) pour les transferts interbancaires. D'ici deux à trois ans, je pense qu’on pourra voir une initiative dans ce sens-là. Il faut rappeler que la CBDC est indépendante du projet de loi qui règlemente les cryptomonnaies. Il s’agit de la transition vers le e-Dirham, une monnaie virtuelle adossée à une monnaie classique telle que le Dirham.

 

F.N.H. : En plus du cadre légal, qu’est-ce qu’il faut pour développer cette industrie des cryptoactifs au Maroc ?

B. B. : En plus du cadre légal, un travail de sensibilisation est également nécessaire. Beaucoup d’entités ont fait des projets d'exploration pour comprendre la blockchain. Depuis 2017, de nombreux projets ont été initiés. En effet, on doit avoir notre propre compréhension de la technologie, de ses risques et de ses potentiels pour en tirer profit. Aussi, il faut créer une stratégie «Roadmap» pour favoriser cette industrie. Le Maroc peut jouer un rôle clé et devenir un hub comme ce fut le cas pour l'Afrique du Sud. L'idée, c'est vraiment de créer un terrain d’investissements à l’échelle internationale et stimuler une industrie marocaine blockchain-cryptomonnaie, le tout dans un cadre légal adéquat. En outre, le fait d’avoir une cryptomonnaie issue de la Banque centrale pourrait contribuer à promouvoir cette industrie. En Afrique, il y a plusieurs pays qui innovent en cryptomonnaie. Au Maroc, l’usage des cryptoactifs est déjà en vigueur. Il reste juste à connecter les dots, les points et permettre à la jeunesse marocaine d'innover, d'utiliser cette technologie pour créer de la richesse en quelque sorte. 

 

Bientôt un projet de loi pour réglementer les cryptomonnaies
Un projet de loi visant à réglementer l'usage des cryptomonnaies va voir le jour, selon le wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri. S'exprimant lors du point de presse à l'issue de la deuxième réunion trimestrielle de 2022 de BAM, Jouahri a fait savoir qu'un comité œuvre pour mettre en place un cadre réglementaire adéquat permettant d'allier innovation, technologie et protection du consommateur. A cet égard, le wali de la Banque centrale a souligné que plusieurs volets vont être pris en considération pour l'élaboration de ce projet de loi, notamment les expériences mondiales en la matière. Aussi, un benchmarking est en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale pour faire les consultations nécessaires. Il a, en outre, relevé que ce cadre réglementaire permettra de mettre à jour la législation relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Et de noter que certains experts plaident pour une réglementation internationale par rapport à l'utilisation des monnaies numériques. Il est à rappeler que BAM, le ministère de l’Économie et des Finances, et l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) ont attiré l’attention du public sur les risques encourus à l’utilisation des monnaies virtuelles, dont principalement l'absence de protection du consommateur, la volatilité du cours de change de ces monnaies virtuelles contre une devise ayant cours légal, outre l'utilisation de ces monnaies à des fins illicites ou criminelles, notamment le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

 

 

 

 

 

 

 

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