La décision de Bank Al-Maghrib de baisser son taux directeur à 2,75% en juin 2024, une première depuis 2020, a surpris plus d’un. Cette décision, motivée principalement par la nécessité de stimuler l'économie, soulève de nombreuses interrogations. Nouvelle baisse en septembre ? Quels secteurs privilégier ? Comment arbitrer entre actions et obligations ? Éléments de réponse.
Par Y. Seddik
En juin dernier, Bank Al-Maghrib a pris de court les marchés en abaissant son taux directeur. Une première depuis juin 2020. Cette décision inattendue a suscité des spéculations quant aux prochaines actions de la Banque centrale. Si certains acteurs du marché anticipent une nouvelle baisse du taux directeur lors de la prochaine réunion de BAM en septembre, les analystes de BMCE Capital Research estiment cette éventualité peu probable.
Selon eux, la Banque centrale devrait plutôt opter pour une pause, afin d'évaluer l'impact de la première baisse et de la décompensation du gaz butane sur l'inflation. «Nous pensons que BAM devrait marquer une pause lors du prochain Conseil, dans l'attente des retombées de la première réduction, qui a d'ailleurs été perçue comme une mesure stratégique afin de stimuler l'économie et encourager les investissements», nous explique Khadija El Moussily, responsable Equity au sein de BMCE Capital Global Research. «La future décision pourrait ainsi dépendre de l’impact de cette inflexion monétaire ainsi que de celui de la décompensation du gaz butane sur l’inflation», rajoute-telle. Du côté de Attijari Global Research, on précise que ce pivot pourrait se poursuivre à moyen terme, soutenu par plusieurs facteurs.
Premièrement, la confirmation des taux réels en territoire positif, avec une inflation inférieure au taux directeur et aux taux obligataires à long terme, offre à BAM une marge de manœuvre accrue. De plus, la transmission de la hausse cumulative du taux directeur aux taux débiteurs s'est arrêtée, favorisant l'investissement privé et public. Par ailleurs, les mesures budgétaires de soutien au pouvoir d'achat et aux chaînes de production agricoles devraient limiter l'impact de la décompensation progressive du gaz sur l'inflation à moyen terme.
Enfin, malgré la volatilité de la parité EUR/USD, le Dirham reste stable, bien que les divergences de politique monétaire entre la FED et la BCE, les tensions politiques en Europe et un éventuel flottement du dirham en 2024 nécessitent une vigilance continue. «Nous pensons que cette nouvelle orientation de baisse des TD à l’international faciliterait le financement extérieur du Trésor et limiterait les pressions sur le déficit de liquidité bancaire. Au final, nous estimons que BAM pourrait opérer au moins une baisse de son TD durant les 12 prochains mois, sous l’hypothèse d’un environnement inflationniste maîtrisé», conclut-on.
Secteur bancaire : en première ligne face aux changements
Le secteur bancaire, particulièrement sensible aux variations du taux directeur, devrait être particulièrement attentif à l'évolution de la politique monétaire. Selon BMCE Capital Research, la baisse du taux pourrait doper le produit net bancaire (PNB) des banques, grâce à la revalorisation des portefeuilles de trading et à la diminution du coût de refinancement. Toutefois, l'impact sur la distribution de crédits devrait être plus progressif et limité, en raison notamment de la prépondérance des ressources non rémunérées au niveau sectoriel. «La répercussion de la variation du taux directeur sur le rendement ne devrait pas se faire de façon automatique et serait opérée dans le temps», souligne K. El Moussily.