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Sociétés cotées : Prévisions vs réalisations, ces écarts surprenants

Sociétés cotées : Prévisions vs réalisations, ces écarts surprenants
Les sociétés cotées ont du mal à tenir leurs engagements de croissance vis-à-vis des prévisions établies dans la note d’information de l’introduction en Bourse.
Les gaps sont parfois déconcertants.
Faudrait-il alors élargir les compétences du CDVM ?Les sociétés, désirant s’introduire en Bourse, sont obligées de charger une banque d’affaires de l’élaboration d’une note d’information (NI) selon un modèle préétabli par le CDVM. Cette dernière inclut, entre autres, la situation financière de l’entreprise et ses perspectives d’avenir. Ceci dit, les comptes prévisionnels sont établis généralement sur cinq ans, en prenant en compte un certain nombre d’hypothèses où figurent le taux de croissance du secteur auquel appartient la société, l’évolution de la demande vis-à-vis de l’offre, le positionnement de l’entreprise vis-à-vis de ses concurrents, la vision stratégique de l’entreprise, son programme d’investissement, ses capacités de financement…
L’ensemble des éléments précités sert à mettre en place un business plan et ainsi valoriser l’entreprise en tenant compte du coût moyen pondéré du capital, ou taux d’actualisation des fonds propres, le taux de croissance à l’infini et la prime de risque. Une fois qu’une société rejoint la cote, elle est soumise à l’obligation de communiquer ses résultats avec une fréquence annuelle et semestrielle. Le défi pour cette dernière est de réaliser ce qu’il a été prévu initialement.
D’une manière concrète, en comparant ce qui a été cité dans la note d’information concernant le business plan avec les réalisations effectives de la société, l’écart est parfois de taille. Soit la société n’arrive pas à atteindre les objectifs fixés (ce qui est, dans certains cas, fâcheux), soit elle les dépasse (ce qui est bien par essence). 
En cela, il y a parfois des éléments externes qui entravent la bonne marche de l’entreprise et vont, par conséquent, à l’encontre de la réalisation des objectifs, à l’instar de la dernière crise financière et économique qui touche toujours des sociétés de certains secteurs particuliers ou, a contrario, la signature de partenariats ou la concrétisation d’opérations qui permettent de porter les résultats finaux au-delà des prévisions.

Plus concrètement…
De 2008 à 2010, trois sociétés marocaines ont été introduites dans le marché financier marocain : Alliances?Développement Immobilier et Label’Vie en 2008 et CNIA en 2010, l’année 2009 étant considérée comme un exercice creux où aucune opération d’introduction en Bourse n’a été notée. L’année 2010 a également connu la cotation de la première entreprise étrangère : il s’agit de la société tunisienne Ennakl Automobiles.
Ainsi, en prenant en compte Alliances, Label’vie et CNIA et en comparant leurs indicateurs financiers avec leur business plan, il en ressort qu’il existe bel et bien un gap entre les deux paramètres.
En prenant comme année de référence 2010, l’écart enregistré entre le résultat net part du groupe ADI (423 MDH) et celui prévu dans le business plan (989 MDH) est de 57%. Concernant Label’Vie, elle a publié des résultats consolidés au titre de l’exercice 2010 suite à l’acquisition des chaînes Metro du Maroc. Vu que cette opération ne figurait pas dans la note d’information et pour une comparaison plus significative, nous ne prendrons en compte que les résultats sociaux du distributeur. Même sur cette base comparable, l’écart constaté entre les réalisations et les prévisions est de taille. La société a réussi à ramener son résultat net social déficitaire à -81,3 MDH contre -207 MDH prévu au moment de l’élaboration de la note d’information.
La CNIA ne déroge pas au constat, quoique pour cette dernière les bénéfices générés par ses activités d’assurance pour l’année écoulée ont dépassé ses objectifs ciblés de 0,8%. «Généralement, les sociétés procèdent à la mise en place de business plans excessivement optimistes à réalistes, mais jamais pessimistes, et ce dans le but de montrer que les perspectives d’avenir sont prometteuses et qu’il y a un avenir favorable qui s’offre à l’entreprise», explique un analyste de la place.
En effet, bien des dirigeants pensent réussir leur introduction en Bourse et attirer le maximum d’investisseurs en tablant sur l’avenir. Mais lorsque la société n’arrive pas à atteindre ses objectifs d’année en année, la société perd en crédibilité vis-à-vis du marché.
Du point de vue fondamental, les sociétés en question se sont introduites en Bourse avec un PER assez élevé, ce qui témoigne de la cherté de la valeur et de la surévaluation des fonds propres par rapport à l’ensemble du marché. A titre d’illustration,?Alliances Développement s’est introduite en Bourse le 17 juillet 2008 à un PER de 35,8x ses bénéfices. Label’Vie, quant à elle, a enregistré le jour de son introduction en Bourse (2 juillet de la même année), un PER de 63,6x ses bénéfices, au moment où le marché, dans sa globalité, traitait à des PER aux alentours de 20x, ce qui démontrait la surévaluation des dites valeurs, comparativement à l’ensemble des valeurs cotés sur la place casablancaise.
Par contre, la CNIA, plus réaliste, a affiché un PER de 14x ses bénéfices au moment de son introduction en Bourse, alors que le marché global marquait un PER de 16x.
Un autre élément entre en considération : le montant du dividende par action à distribuer. «En gonflant leur business plan, les sociétés promettent d’année en année la distribution de dividendes avantageux. Cela peut constituer la raison principale pour certains investisseurs pour souscrire à la valeur. Cependant, en constatant que la société en question affiche des résultats qui ne sont pas en ligne avec ses engagements, les investisseurs perdent confiance en la valeur», ajoute cet analyste.

Comportement en Bourse
Depuis leur introduction en Bourse, les trois sociétés cotent à des cours qui tournent autour de leur prix initial. Ainsi, à la date du 18 juillet 2011, la performance des trois valeurs depuis leur cotation sur le marché boursier marocain ressort à 6,2% pour la CNIA, 5,7% pour Label’Vie et -2,2% pour Alliances Développement Immobilier.
«Le degré de confiance envers une société et ses résultats futurs peuvent se mesurer par le comportement vis-à-vis de sa valeur sur le marché. Une société considérée comme ayant réussi son introduction en Bourse n’est point celle qui enregistre le plus grand taux de souscription, mais celle dont la valeur est gardée pour le long terme, qui est dite valeur du fonds de portefeuille et qui ne fait pas l’objet de transactions courtermistes ou de spéculation», conclut-il.
Ce qui est observé d’une manière générale durant les trois à cinq premiers jours de la cotation de la valeur, est un comportement de prise de bénéfices des investisseurs occasionnels à la recherche de la seule plus-value et qui ne sont intéressés ni par les dividendes ni par les perspectives d’évolution de la société.

Qu’en est-il du CDVM ?
L’autorité régulatrice, en apposant son visa à la société pour s’introduire en Bourse, ne se prononce nullement sur les opportunités de placement relatives à cette dernière, ni sur l’exactitude ou la véracité des différents éléments que comprend la note d’information. Ses missions se limitent à vérifier la complétude des documents demandés, la certification des commissaires aux comptes, le cheminement suivi pour l’établissement de la note…
Autrement dit, les prévisions effectuées par la société et son organisme conseiller ne sont ni réfutables ni remises en cause. Elles sont prises pour argent comptant (y a-t-il un autre choix ?) et sont publiées ainsi dans la note d’information accompagnant le dossier d’introduction. D’ailleurs, le gendarme du marché avertit clairement les investisseurs, au tout début de chaque NI, en ces termes : «Le visa du CDVM n’implique ni approbation de l’opportunité de l’opération ni authentification des informations présentées. Il a été attribué après examen de la pertinence et de la cohérence de l’information donnée dans la perspective de l’opération proposée aux investisseurs».
Au regard des écarts parfois déconcertants entre les prévisions et les réalisations des sociétés cotées, ne faudrait-il pas élargir les compétences du CDVM pour qu’il commence non seulement à se prononcer sur l’acceptabilité du dossier, mais également à donner son avis sur la valorisation de la société, les méthodes d’évaluation utilisées et leur pertinence, les moyens mis en œuvre, les perspectives d’évolution de la société et sur les opportunités d’investissement ? Le débat est ouvert.
I. Ben. (Stagiaire)

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