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Samir / Liquidation ou redressement judiciaire ? Ce qu'il faut savoir

Samir / Liquidation ou redressement judiciaire ? Ce qu'il faut savoir

Meriem benis

Le sort de la Samir sera connu dans quelques jours, probablement le 21 mars courant, avec le jugement qui sera rendu par le tribunal de commerce de Casablanca. Il n’y a aujourd’hui que deux options : la liquidation ou le redressement judiciaire. Néanmoins, quelle que soit la décision du tribunal, il y aura de la casse. Les explications de Maître Meriem Benis, avocate au barreau de Casablanca, docteur en droit et professeur universitaire à la faculté de droit de Casablanca.

Finances News Hebdo : Aujourd’hui, quels sont les prérequis pour qu’un tribunal valide la procé-dure de redressement judiciaire ?

Meriem Benis : A titre liminaire, il convient de noter que les procédures de redressement et de liquidation judiciaire sont toujours précédées par des procédures de prévention des difficultés (règlement amiable) : l’entre-prise a l’obligation de procéder elle-même, à travers la prévention interne des difficultés, au redressement per-mettant la continuité de l’exploitation. A défaut, c’est le président du tribunal qui intervient à travers la prévention externe. Toutefois, la procédure de prévention intervient très souvent en retard, à un moment où l’aggravation des difficultés nécessite de s’orienter vers des procédures plus énergiques, pour espérer sauver l’entreprise ou pour la liquider dans l’hypothèse où les difficultés sont telles que sa situation la condamne à disparaître. Cette intervention judiciaire se fait au travers des procé-dures que sont le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire : le degré des difficultés rend, en effet, néces-saire un traitement curatif, ce qui suppose une connais-sance approfondie tant de l’état de l’entreprise que des causes des difficultés concrètes auxquelles elle fait face. Le redressement judiciaire obéit à certaines conditions qui sont préalables à l’ouverture d’une telle procédure : il s’agit essentiellement de conditions relatives aux domaine d’application (nature des difficultés et des dettes) et aux personnes impliquées (débiteur, dirigeants). S’agissant du domaine d’application et de la nature des difficultés, l’article 560 du code de commerce pose une condition objective à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, en précisant que le débiteur qui y est soumis est celui qui n’est pas en mesure de payer à l’échéance ses dettes exigibles, y compris celles nées de ses engagements conclus dans le cadre du règlement amiable. On comprend bien que dès lors que l’exécution des paie-ments échus accuse du retard, ou nécessite le recours à des emprunts, la menace d’aggravation de l’entreprise peut évoluer vers une cessation de paiements. Si la cessation de paiement ne se confond pas avec le retard, il n’en demeure pas moins qu’un retard peut en révéler l’existence ou bien signifier simplement une simple diffi-culté passagère. En tout état de cause, et même en présence d’une telle cessation de paiement, le débiteur, du moins l’actif de ce dernier, ne suffit plus pour couvrir son passif, bien que ce même débiteur puisse encore obtenir des crédits ou facilités qui lui permettront éventuellement d’honorer ses dettes échues. Ces moyens qui permettent de maintenir la continuité des paiements doivent toutefois être sincères et honnêtes et ne doivent pas camoufler une continuation artificielle et frauduleuse. Quant à la nature des dettes (article 563 du code de commerce), les difficultés visées concernent toujours le paiement des dettes, et plus précisément les dettes exigibles arrivées à échéance. Ainsi, le retard ou le défaut de paiement d’une dette quelconque peut fonder l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. L’importance des dettes ou leur montant importe peu et cette question est d’ailleurs laissée à l’appréciation des juges : seule la preuve de la cessation de paiement ou de l’incapacité de payer demeure requise. Quant aux personnes impliquées, la procédure s’applique essentiellement au débiteur visé à l’article 560, mais aussi au commerçant, artisan retiré des affaires ou décédé car il ne saurait être permis à ces derniers de se soustraire au redressement ou à la liquidation, lorsqu’il ne peut plus payer, en vendant précipitamment son fonds. L’ouverture de la procédure doit d’ailleurs être demandée dans l’année qui suit la retraite du commerçant ou de l’artisan et la cessation de paiement doit être antérieure à la cessation de l’activité. De plus, la procédure s’applique aussi aux dirigeants qui peuvent être frappés dans leur patrimoine (les actions et parts sociales représentant leurs droits sociaux peuvent être déclarées incessibles par le tribunal où ils sont condamnés à supporter tout ou partie des dettes sociales) et qui, sur le plan pénal, encourent une série de déchéances civiques et professionnelles.

F.N.H. : Comment se décline la procédure de redressement judiciaire (les différentes étapes) et à quoi engage-t-elle les dirigeants de l’entre-prise ?

M. B. : Lorsque les informations réunies suffisent pour édifier la conviction du tribunal sur le bien-fondé de la saisine, il prononce l’ouverture de la procédure de redres-sement judiciaire si la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise : autrement dit, il faut que les actifs de l’entreprise permettent de faire face à son passif. Il faut bien comprendre que le jugement d’ouver-ture reconnaît l’existence des difficultés de l’entreprise, mais ne se prononce ni sur la gravité de ces dernières ni sur le traitement à leur appliquer pour les résoudre. En tout état de cause, le tribunal fixera la date même approximative de la cessation de paiement et le juge-ment d’ouverture désignera les organes chargés des procédures (juge commissaire et syndic). L’activité de l’entreprise est poursuivie après le prononcé du redres-sement judiciaire, puisque le dirigeant d’entreprise sous contrôle gère son entreprise avec l’assistance du syndic ou directement par ce dernier. Dans cette perspective, les aliénations et actes de dispo-sition susceptibles de dégrader la situation de l’entreprise sont interdits et la liberté de payer les dettes de l’entre-prise obéit à une réglementation stricte. Les dispositions légales distinguent, à cet effet, les sorts des dettes antérieures au jugement d’ouverture et celles qui naissent après son prononcé. De plus, les créanciers voient ainsi leurs droits restreints, soit dans le but d’assurer un climat serein pour la pour-suite de l’exploitation de la période transitoire, soit pour créer des conditions objectives à la continuation de l’acti-vité durant cette phase. Enfin, et sur rapport du syndic et après avoir entendu le chef de l’entreprise et les délégués du personnel, le tribunal optera pour la solution idoine, c’est-à-dire celle qui permettra de dissiper les difficultés, et décidera soit de la continuation de l’entreprise, soit de la cession de cette dernière.

F.N.H. : De par votre expérience, les procédures de redressement judiciaire sont-elles toujours sanctionnées par des succès, c’est-à-dire la continuité de l’activité de l’entreprise de manière viable ?

M. B. : Statistiquement, le succès n’est malheureuse-ment pas souvent au rendez-vous. En tout état de cause, tout dépend de la nature et du degré des difficultés traversées par l’entreprise. La continuation directe ou la cession de l’outil de production est envisagée lorsque la pérennité de l’entreprise peut encore être espérée par le truchement du maintien de l’emploi et du paiement des créanciers. En revanche, le juge s’orientera sans nul doute vers la procédure de liquidation lorsque la survie de l’entreprise est irrémédiablement compromise, situation où toute prolongation artificielle de son existence risque d’accentuer les préjudices de tous, salariés et créanciers.

F.N.H. : Si l’on en arrive à la liquidation, com­ment se déroulera la procédure ? En cela, dans quels cas la responsabilité des dirigeants est-elle engagée et quelles sont les sanctions encou­rues ?

M. B. : La liquidation judiciaire de l’entreprise ou celle des biens y afférents permet de réaliser l’actif subsis­tant pour apurer dans la mesure du possible le passif. Juridiquement, et par ce biais, on prend acte de la disparition d’une entreprise qui ne peut plus résister aux règles du marché et donc fatalement vouée à disparaître. Il s’agit en réalité d’acter la cessation de paiement et de mettre en oeuvre une procédure destinée à sauver le peu d’actifs encore existants pour payer une partie du passif, aussi infime soit-elle.

Les effets du jugement prononçant la liquidation judiciaire se traduisent par un dessaisissement qui englobe les prérogatives sur les biens de l’entreprise et les actions judiciaires en rapport avec l’activité commerciale.

Dans un premier temps, le débiteur perd tout droit de disposition et pouvoir d’administration de ses biens tant que la liquidation n’est pas clôturée : l’entreprise est placée sous-main de justice et tous ses biens et droits patrimoniaux sont bloqués au profit de la procédure dans le but de préserver le maximum de biens susceptibles de contribuer à l’apurement du passif et paiement des créanciers.

Dans un second temps, l’actif est réalisé par le biais de la vente des biens de l’entreprise et, en dernier lieu, la procédure se solde par l’apurement du passif.

En effet, le paiement des créanciers constitue le but essentiel de la liquidation. Toutefois, cette opération reste délicate en pratique compte tenu de la dépréciation de la valeur des biens de l’entreprise en liquidation judiciaire et du risque des créanciers de ne recevoir qu’une portion congrue de leurs créances. En pratique, la poursuite des opérations de liquidation judiciaire peut être rendue impossible en raison de l’insuffisance de l’actif ou de son extinction, ce qui justifie la clôture de la procédure de liquidation judiciaire et la reddition des comptes par le syndic de l’ensemble des opérations de liquidation judiciaire.

Cette procédure peut par ailleurs fonder la responsa­bilité individuelle des chefs d’entreprise et leur attirer des sanctions personnelles. La responsabilité des chefs d’entreprise ne sera retenue que lorsque leurs fautes per­sonnelles ont plus ou moins contribué à la dégradation de l’entreprise. En effet, l’orientation législative a consisté à éviter la confusion entre l’entreprise et l’homme pour pou­voir apprécier objectivement la situation de l’entreprise et débusquer les véritables causes qui l’ont provoquée. En ce sens, les articles 702 à 727 du code de commerce prévoient tout un système de sanctions patrimoniales (le dirigeant fautif sera ainsi condamné à contribuer au passif de l’entreprise ou même à subir, en personne, les procédures de traitement des difficultés), professionnelles (déchéance commerciale) et pénales (banqueroute et infractions assimilées) à l’encontre des chefs d’entreprise et dirigeants sociaux coupables de fautes personnelles ayant provoqué ou aggravé les difficultés de l’entreprise.

 

F.N.H. : Enfin, en cas de liquidation, sur quelles bases le liquidateur va-t-il déterminer les créan­ciers prioritaires et selon quels prorata les dettes vont-elles être réglées ?

M. B. : Comme précédemment indiqué, dans ce type de procédure, le risque est patent pour les créanciers de ne recevoir qu’une portion congrue de leurs créances.

Par ailleurs, des difficultés de calcul surviennent fré­quemment du concours entre créanciers de même caté­gorie, ceux qui sont munis de sûretés réelles, privilèges généraux et spéciaux et les créanciers chirographaires ou ordinaires. Le cours des opérations peut, en outre, imposer de procéder à plusieurs distributions, soit à titre provisionnel, soit à titre de répartition définitive.

Enfin, il convient aussi de noter que l’article 634 du code de commerce fixe le sort des créanciers chirographaires auxquels il assimile les créanciers privilégiés ou titulaires de sûretés réelles, mais dont le prix du bien offert en garantie n’a pas permis la couverture de l’intégralité de la créance.

Dans ce cas d’espèce, après distraction des frais de la liquidation judiciaire, des subsides accordés au débiteur et sommes payées aux créanciers privilégiés, le montant restant de l’actif est réparti entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises. Dans l’éven­tualité où le produit de vente de ce bien ne suffit pas au paiement, le créancier intéressé perd la qualité de créan­cier muni de garantie pour ce qui lui reste dû et concourt pour le reliquat avec les autres créanciers.

Propos recueillis par David William

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