L’exonération de l’IR sur les pensions de retraite profitera essentiellement aux retraités touchant plus de 14.000 dirhams par mois. Les retraités du secteur privé, dont les pensions sont souvent modestes, ne seront que marginalement impactés.
Par M. Ait Ouaanna
C'est désormais acté : les pensions de retraite relevant du régime de base seront exonérées de l’impôt sur le revenu. Le 2 décembre courant, la Chambre des conseillers a adopté, à l’unanimité, un amendement dans le projet de Loi de Finances 2025 visant la défiscalisation progressive desdites pensions. En effet, cet amendement prévoit, dans un premier temps, de réduire de 50% l’IR sur les pensions de retraite et les rentes viagères, et ce à partir de 2025.
Cette mesure qui, d’après le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, devrait coûter à l’Etat 1,2 milliard de dirhams au titre de l’année 2025, comprend également l’exonération totale de l’IR sur ces pensions, à compter de 2026. Cette mesure aura-t-elle cependant un impact réel sur le pouvoir d’achat des retraités marocains ?
Pour Mohamed Jadri, économiste et directeur de l'Observatoire du travail gouvernemental, seule une fraction réduite de la population bénéficiera de cette exonération. Dans le détail, l’expert nous précise que les pensions de retraite modestes bénéficient d’ores et déjà d’un abattement fiscal. «Une part significative de la population marocaine, précisément 1,42 million de retraités ont vu leurs pensions stagner depuis plusieurs années alors qu’ils subissent de plein fouet les effets de l’inflation. Après un débat au Parlement, le gouvernement a finalement accepté de revoir le calcul de l’impôt sur le revenu applicable aux pensions de retraite de base. Mais il ne faut pas oublier que plus de 70% des retraités ne paient pas l’IR étant donné que les pensions mensuelles inférieures à 14.000 dirhams bénéficient d’un abattement fiscal de 70%. Les pensions de retraite dépassant les 14.000 DH par mois, bénéficient, quant à elles, d’un abattement fiscal de 40%. Ainsi, les retraités du secteur privé ne tireront pas profit de cette défiscalisation puisque dans la plupart des cas, leur pension de retraite de base ne dépasse pas les 4.200 dirhams», explique l’économiste.
Et de poursuivre : «Cette mesure profitera à environ 162.000 retraités du secteur public dont la pension dépasse les 14.000 dirhams. De ce fait, nous constatons que cette exonération touchera, surtout, les retraités aisés au moment où l’impact sera minime pour ceux ayant une pension de retraite modeste, d’autant plus que la pension de retraite complémentaire n’est pas prise en compte par cette mesure». Dans le même ordre d’idées, Mohamed Jadri souligne que ces ajustements fiscaux n’auront qu’un effet limité sur le pouvoir d'achat global, bien qu'ils puissent stimuler légèrement la consommation de certains produits ou services.
«Cette exonération reste marginale, surtout pour la classe moyenne et les catégories les plus défavorisées. Avec seulement 162.000 bénéficiaires, cette exonération a un impact très limité sur l’ensemble de l’économie marocaine. Bien que cette exonération puisse stimuler légèrement le pouvoir d’achat des retraités aisés, son effet global sur l’économie reste négligeable», insiste-t-il. Réagissant à l’adoption de cet amendement, l’Organisation démocratique du travail (ODT) a relevé que cette mesure reflète une réponse partielle à une revendication de longue date et constitue un pas positif vers l’amélioration des conditions de vie des retraités au Maroc.
Cependant, l’Organisation estime que cette démarche reste insuffisante pour atteindre pleinement la justice sociale, notant que les pensions nécessitent encore des améliorations dans le cadre d’une vision globale garantissant une vie digne aux retraités. Ainsi, l’ODT appelle l’exécutif à placer les retraités au cœur de ses priorités futures, compte tenu de l’importante contribution de cette catégorie à la construction du pays.
«Ces citoyens et citoyennes ont joué un rôle central dans l’établissement des fondements économiques et sociaux de l’État. Il est donc impératif de reconnaître leurs sacrifices et d’améliorer leur situation sociale. Il est important de prendre des mesures supplémentaires pour garantir une augmentation durable des pensions de retraite, en tenant compte de l’augmentation du coût de la vie, notamment par l’application des augmentations convenues dans le cadre du dialogue social, en particulier pour les catégories actives», indique l’Organisation dans un communiqué. Dans la même veine, l’ODT a appelé à l’égalité entre le salaire minimum et la pension de retraite minimale, afin de garantir une vie digne aux retraités et de refléter une véritable reconnaissance de leur contribution au pays tout au long de leur carrière professionnelle.