Le Maroc engage une refonte majeure de sa loi organique relative à la Loi de Finances pour renforcer la transparence, la performance et la durabilité de ses finances publiques. Elle vise à étendre le contrôle parlementaire aux établissements publics, à introduire une règle budgétaire à moyen terme et à renforcer le rôle du Parlement dans la gestion des finances publiques.
Par Y. Seddik
Après huit ans de mise en œuvre, la loi organique n°130.13 relative à la Loi de Finances (LOF) a montré ses limites. Face à ce constat, le gouvernement a décidé d’agir en engageant une refonte majeure de cette loi. Objectif: l'adapter aux enjeux actuels de transparence, de performance, et surtout de durabilité des finances publiques.
Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a pris la parole la semaine dernière, lors d’une réunion conjointe des commissions des finances des deux chambres du Parlement. Il a notamment souligné la nécessité de cette réforme pour renforcer la gouvernance de la gestion des finances publiques, après une analyse de huit années de pratique. Les amendements proposés visent à élargir le champ d'application de la LOF pour inclure les établissements publics exerçant une activité non commerciale. Ces établissements, au nombre d’environ 200, ainsi que 20 personnes morales de droit public, représentent un prolongement des compétences de l'État.
Leur soumission au contrôle parlementaire est donc indispensable, selon les standards internationaux. Lekjaa a expliqué que les opérations budgétaires de ces établissements seront désormais décidées, autorisées, exécutées et contrôlées selon les mêmes conditions que celles du budget général, avec une approche progressive. Les budgets de ces entités devront respecter les règles financières et budgétaires, établir des prévisions de recettes et de charges, et adopter une approche de performance conforme aux normes comptables en vigueur.
Vers une transparence et une durabilité renforcées
L’un des objectifs clés de cette réforme est de renforcer la durabilité des finances publiques. La nouvelle LOF prévoit d'élargir le champ de l'autorisation parlementaire, améliorant ainsi la transparence de la gestion des finances publiques. Il s'agit également de rationaliser la gestion des ressources allouées en optimisant leur recouvrement et allocation, tout en assurant des ressources supplémentaires pour le budget de l'État. Une nouvelle règle budgétaire sera introduite pour fixer les principes d'équilibre financier de l'État, intégrant des objectifs et trajectoires d'endettement à moyen terme.
Une exception à cette règle pourra être envisagée en fonction de l'évolution de la conjoncture économique et financière. Sollicité à ce sujet, un expert des politiques publiques nous explique que «la réforme de la LOF, bien qu'ambitieuse, soulève des interrogations quant à sa mise en œuvre effective. L'extension du contrôle parlementaire aux établissements publics, louable en soi, risque de se heurter à des défis de taille. La diversité des missions et des modes de fonctionnement de ces entités nécessitera une approche différenciée et progressive, sous peine de créer une surcharge administrative contreproductive». Pour lui, «l'introduction d'une règle budgétaire à moyen terme, si elle vise à renforcer la discipline budgétaire, pourrait limiter la capacité d'adaptation de l'État face à des chocs économiques imprévus. Il conviendra donc de définir des mécanismes de flexibilité permettant de concilier rigueur budgétaire et réactivité».
Un rôle accru pour le Parlement
Le rôle du Parlement dans la préparation et l'exécution des Lois de Finances sera également renforcé. Le délai d'examen et de vote du projet de Loi de Finances rectificative sera réduit de 15 à 5 jours (3 jours à la Chambre des représentants, un jour à la Chambre des conseillers et un jour à la Chambre des représentants pour une deuxième lecture). De plus, la Loi de Finances rectificative devra être accompagnée d'une note de présentation spécifiant les articles amendés, et les commissions parlementaires chargées des finances auront la compétence exclusive pour son examen et vote.
Quant à la loi de règlement, elle verra ses délais de dépôt au Parlement raccourcis, avec une soumission avant la fin de décembre de l'année suivant l'exercice budgétaire concerné. Elle sera accompagnée du compte général de l'État, appuyé par le bilan comptable, le compte de résultat, le tableau des flux de trésorerie et une évaluation des engagements hors bilan comptable. Fouzi Lekjaa a également insisté sur l’importance de renforcer la méthodologie de performance.
Les rapports de performance des années précédentes seront présentés aux commissions parlementaires en parallèle des projets de budgets des départements ministériels. La dématérialisation du processus de préparation et de présentation des projets de Lois de Finances sera consacrée selon des modalités définies par un texte réglementaire. Depuis 2016, la loi organique n°130.13 a permis de moderniser le système des finances publiques du Royaume et de l'adapter aux normes et pratiques internationales. Elle a favorisé une meilleure maîtrise de l'équilibre budgétaire et renforcé la discipline et la crédibilité comptable.
La structure du budget a été simplifiée, et les programmes budgétaires ont été liés à des objectifs et indicateurs de mise en œuvre des politiques sectorielles. Au final, cette réforme s'inscrit dans une dynamique de développement social et économique durable, saluée par le programme d'évaluation «Dépenses publiques et responsabilité financière» (PEFA). Le Maroc continue ainsi de progresser dans la gestion de ses finances publiques, avec une vision claire de transparence, performance et durabilité.