Plaidoirie pour l’accélération et l’évaluation des réformes
Le wali de la Banque centrale vient de présenter, devant SM le Roi, le rapport annuel de Bank Al-Maghrib sur la situation économique, monétaire et financière au titre de l’année 2013. Un rapport certes rassurant, mais qui appelle à plus de vigilance dans l’élaboration, puis la surveillance de la mise en place des réformes. Notons également que Jouahri n’a pas manqué de se féliciter de la conduite de la politique monétaire cette année.
Après un tour d’horizon des différentes économies partenaires du Maroc où le constat du wali de la Banque centrale naviguait entre «moyen et peut mieux faire», ce dernier s’est ensuite focalisé sur la situation du Maroc en interne. Un cru «satisfaisant en dépit de la poursuite des effets de la crise mondiale», a-t-il résumé dans son allocution. En effet, la croissance du PIB, a-t-il précisé, s’est améliorée de 2,7% à 4,4% à la faveur d’une forte progression de la valeur ajoutée agricole. L’année a été également marquée par une atténuation des déficits jumeaux après les dérapages de 2012. Ainsi, grâce aux efforts des pouvoirs publics, le déficit budgétaire est revenu de 7,4% à 5,5% du PIB. De même, le déficit du compte courant a diminué de 9,7% à 7,6% du PIB, grâce notamment à la bonne performance à l’export de certains métiers mondiaux du Maroc. Concernant le marché du travail, Abdellatif Jouahri a noté que le taux de chômage a légèrement augmenté à 9,2%, impacté par la décélération des activités non agricoles.
S’agissant de la politique monétaire, le wali de Bank Al-Maghrib a souligné que la politique prudente menée par la Banque centrale a contribué à contenir l’inflation à 1,9%, et ce en dépit de la décompensation partielle des prix de certains produits pétroliers. Ensuite, le Wali de la banque centrale n’a pas manqué de décliner son initiative pour les PME et TPE et pour laquelle il affiche depuis quelques mois une fierté assumée (www.financesnews.press.ma). Car il faut le dire, les derniers chiffres sur le financement des petites entreprises lui donnent raison.
L’urgence des réformes
Si inciter à l’accélération des réformes est une exigence «normale» et commune, plaider pour la pratique de l’évaluation pour assurer l’efficacité et la réussite des réformes l’est beaucoup moins. Jouahri a indiqué que pour conforter le positionnement du Maroc sur la scène internationale, il s’agit d’accélérer les réformes structurelles telles que la régionalisation avancée, la réforme de la justice et l’amélioration de la qualité de la formation tout en rappelant le caractère urgent de la réforme des retraites ainsi que la réforme fiscale et celle de la compensation. Il a également mis l’accent sur la nécessité de revoir les modalités d’élaboration et de réalisation des différentes stratégies sectorielles, tout en instaurant la pratique d’évaluation afin d’en assurer l’efficacité et la réussite.
De l’importance de l’investissement en Afrique subsaharienne
Le wali de Bank Al-Maghrib a également indiqué que l’orientation du Maroc vers l’Afrique subsaharienne «se confirme comme un choix stratégique pour notre pays, dans un contexte où les ensembles économiques s’organisent de mieux en mieux sur un plan régional et même intercontinental».
Dans ce cadre, il a précisé que Casa Finance City serait à même d’appuyer cette stratégie et servir d’interface entre le continent africain et les autres régions du monde.
Pour conclure, le wali de Bank Al-Maghrib a affirmé que ce n’est qu’à travers la mise en place de stratégies ciblées et cohérentes ainsi que l’approfondissement et l’élargissement des réformes structurelles, alliant les objectifs de compétitivité et de redistribution que notre pays pourra améliorer durablement le niveau de vie de sa population, faire émerger une véritable classe moyenne et conforter sa position parmi les pays émergents.
Le résultat net baisse de 23% en 2013
Le résultat des opérations de gestion des réserves de change ont impacté les bénéfices de la Banque cen-trale cette année. Une situation qui va s’accentuer en 2014, mais qui ne devrait en aucun cas déstabiliser sa solidité financière. De quoi est composé le résultat de la banque centrale ? Quels sont ses principaux actifs et passifs et d’où provient sa profitabilité ? La publication de son rapport annuel de 2013 est l’occasion de répondre à ces questions.
Non, le bilan de la Banque centrale n’est pas composé d’actifs pourris qu’elle aurait racheté à tour de bras auprès de banques com-merciales peu souciantes des risques. Au Maroc, la situation est beaucoup plus simple, mais surtout beaucoup plus saine, du moins en ce qui concerne le bilan de la Banque centrale. En 2013, son bilan de 240 Mds de dirhams (en hausse de 4% par rapport à 2012) est principalement constitué dans sa partie passif de cir-culation fiduciaire. C’est-à-dire de l’argent en circulation dans l’économie qui augmente de 6% par rapport à l’an dernier. La circulation fiduciaire repré-sente 76% du passif et un accroissement rapide de cette composante aurait des impli-cations inflationnistes. Autres passifs, les comptes du Trésor public et du Fonds Hassan II ont vu leurs soldes auprès de la Banque centrale baisser de respectivement 23% et 57%. Signalons également que les opérations de la Banque cen-trale avec l’étranger ont aug-menté de 5% cette année pour atteindre 134 Mds de dirhams.
Les détails de la baisse
En 2013, la Banque a réalisé un résultat net de 1,1 Md de dirhams, soit 23% de moins par rapport à 2012. Une évolu-tion que BAM explique princi-palement par la contraction de presque de moitié du résultat des opérations de la gestion des réserves de change. Ces dernières ont rapporté 1 Md contre 2 Mds de dirhams en 2012 à cause des taux nuls, voire négatifs appliqués par les autres banques centrales. Selon les simulations de la Banque centrale, le résultat net de 2014 devrait à son tour être impacté par les récentes déci-sions de la banque centrale européenne sur la rémunéra-tion négative des dépôts. Quoi qu’il en soit, les réserves de change continuent pour l’ins-tant à rapporter de l’argent à BAM. En face, la dégradation de ce compte a été en partie atténuée par l’amélioration du résultat des opérations de poli-tique monétaire et du résultat des «autres opérations». Les premières, les opérations de politique monétaire, ont géné-ré un revenu en hausse de 236 MDH grâce à la persis-tance du déficit des trésoreries bancaires. Une situation qui s’explique par la hausse des intérêts perçus sur les avances à 7 jours dont l’encours moyen est passé de 47 à 51 Mds de dirhams entre 2012 et 2013, ainsi que par les intérêts, d’un montant de 143 MDH générés par les opérations de prêts garantis, initiées par la Banque en décembre 2012 ; et enfin par la baisse de 41 MDH des intérêts servis par la Banque au titre de la réserve obliga-toire. A noter par ailleurs, que les charges générales d’exploita-tion ont diminué de 43 MDH, sous l’effet, principalement, de la baisse des charges de per-sonnel (-12%) et de la hausse des achats de matières et fournitures (+19%). Hormis les charges exceptionnelles sup-portées par les exercices 2012 et 2013, l’augmentation des charges d’exploitation serait de l’ordre de 4%.
BAM détient 22 tonnes d’or
C’est une quantité inchangée au moins depuis 2012. Elle est composée des avoirs au Maroc et à l’étranger, depuis 2006, ils sont évalués au cours du marché. Les gains et les pertes issus de cette opération sont imputés au compte de réévaluation des réserves de change. La contre-valeur des avoirs en or a enregistré en 2013 une baisse de 30%, rompant ainsi avec la tendance haussière de ces dernières années. Cette évolution s’explique exclusivement par la dépréciation du cours de l’once d’or qui a cédé 28% d’une année à l’autre, revenant à 1.201,5 dollars.
A.H
Les salariés du public choyés
La masse salariale publique, cotisations sociales comprises, représente près de 13,2% du PIB. Un chiffre très important par rapport à d’autres pays comparables. Depuis 10 ans, on constate une inflation des salaires dans la fonction publique, avec une hausse de près de 85% de la masse salariale.
Le dernier rapport de Bank Al-Maghrib, fort de ses 300 pages, recèle une mine d’informations pertinentes qui nous rapproche de la réalité économique du pays.
Un des sujets qui retient particulièrement l’attention est relatif au niveau et à l’évolution des salaires publics au Maroc. Chiffres à l’appui, BAM démontre que les fonctionnaires marocains sont loin d’être les plus mal lotis. Les calculs de la Banque centrale se basent sur des données fournies par l’Observatoire international du travail (OIT) sur un échantillon de pays. Ces calculs démontrent que le ratio de la masse salariale publique (cotisations sociales comprises) rapportée au PIB est très élevé au Maroc puisqu’il atteint 13,2%, contre 7,2% en Egypte, 6% en Roumanie, 3% au Pérou et seulement 2,5% en Espagne. En somme, les salaires de la fonction publique représentent 13,2% du PIB ! Si on déduit les cotisations sociales, le chiffre s’établit à 11,3%. Un pourcentage élevé, alors même que le nombre de fonctionnaires au Maroc rapporté à la population totale montre que le Royaume reste dans les mêmes niveaux que les pays de l’échantillon avec 2,7% (2,7 fonctionnaires pour 100 habitants), très loin des 21,4% de fonctionnaires égyptiens.
Forte hausse des salaires en 10 ans
Autre ratio qui laisse à réfléchir : le salaire public moyen rapporté au PIB par habitant au Maroc ressort très largement supérieur par rapport aux autres pays de l’échantillon observé. Ainsi, au Maroc ce ratio est de 4,2 quand il est de seulement 1 en Egypte, 0,7 au Pérou et 0,6 au Chili.
Comment expliquer ce constat ? Selon Bank Al-Maghrib, il faut chercher les raisons dans «l’importante appréciation qu’ont connue les salaires publics au Maroc ces dernières années». Ainsi, entre 2003 et 2013, l’effectif des fonctionnaires a connu une hausse de 7%, tandis que la masse salariale s’est appréciée de près de 85% ! Le salaire brut moyen des fonctionnaires a augmenté pendant la période de 73,1% toujours selon BAM, soit une progression de 6,2% annuelle. Si on prend en compte l’inflation, les salaires des fonctionnaires se sont appréciés de 4,5% annuellement en termes réels.
BAM avance un second facteur explicatif : l’amélioration du taux d’encadrement dans la fonction publique, puisque la part des échelles 10 et plus est passée de 41% en 2003 à 60,3% en 2012.
A.E