Les investissements des institutionnels dans cette classe d'actifs ne dépassent pas les 18 Mds de dirhams.
La ministre de l'Economie et des Finances appelle à tourner la page des expériences passées en capitalisant sur la dynamique qui sera apportée par le Fonds Mohammed VI.
Par A. Hlimi
“Notre industrie est majoritair e m e n t finan - cée par du capital étranger, et notamment du capital étranger public, par le biais des DFIs. Sur le continent, nous sommes à 86% de capital étranger, dont 56% de DFIs (Organismes internationaux de développement)», explique le président de l'AMIC, Hatim Ben Ahmed, à l'occasion de l'ouverture des réunions annuelles de l'AMIC mercredi 31 mai à Casablanca.
Selon lui, cette situation n'est pas soutenable : «On ne peut durablement soumettre une stratégie nationale d’investissement dans les PME aux évolutions des politiques publiques étrangères ou à des problématiques des investisseurs privés étrangers. Et ce n’est pas être protectionniste ou particulièrement souverainiste que de dire cela», a-t-il expliqué. Bachir Baddou, Directeur général de la FMSAR, explique pour sa part que les institutionnels marocains disposent de 18 Mds de dirhams d'investissements dans cette classe d'actifs que le régulateur, l'ACAPS, accepte en couverture des réserves à hauteur de 15%, ce qui représente un potentiel de 30 Mds de dirhams.
Mais pour cela, il faut présenter un deal flow intéressant et, surtout, faire évoluer les perceptions des dirigeants des compagnies d'assurances qui ont gardé en tête les mésaventures du passé, où le secteur avait détruit de la valeur à la première génération de fonds. Il rassure sur le fait que de plus en plus d'institutionnels s'y intéressent dans le contexte actuel du marché des capitaux où les rendements ne sont pas à la hauteur. Mais pour les professionnels du Private equity, ce n'est pas suffisant. «Les DFIs eux-mêmes nous font le reproche régulièrement de ne pas réussir à mobiliser suffisamment de capital local. Il est en effet évident pour tous que les priorités des politiques publiques étrangères ne sont pas toujours alignées avec les nôtres, que les priorités des investisseurs privés étrangers ne sont pas toujours les nôtres.
D’ailleurs, la chute du volume de fonds levés en 2022 n’est pas due à une baisse de taille du marché africain ou marocain, mais à un shift des priorités de certains bailleurs de fonds : Europe de l’Est notamment ou lutte contre le changement climatique ou contre l’inflation dans leur pays. Ce déséquilibre est totalement anormal et cela doit changer», alerte le président de l'AMIC. Pour ce faire, il propose justement d'améliorer la communication entre les investisseurs nationaux et nos sociétés de gestion.
«Il faut établir ou rétablir la confiance. En tout cas, côté capital-investisseurs, nous avons fait nos devoirs : désormais, une grande majorité des opérateurs sont indépendants (62% à fin 2022) et ce chiffre augmente et ira rapidement vers les 70%. Nous délivrons des rendements en ligne avec les standards du capital-développement... Nous délivrons de la liquidité à nos investisseurs. En 2022, c’est 1,3 milliard de dirhams qui ont été remontés à nos investisseurs, plus que ce qui a été déployé. Je suis très optimiste, car lorsque nous discutons avec les instits marocains, certains comprennent parfaitement que lorsque l’on collecte des primes, des cotisations ou de l’épargne au Maroc, auprès de Marocains, on se doit aussi investir à un moment donné dans le capital productif marocain qui sera, demain, ce qui générera ces primes et cotisations. Ces institutionnels d’ailleurs investissent déjà dans le capital-investissement. Notre enjeu collectif est d’augmenter massivement les montants alloués. D’autant plus que l’environnement réglementaire y est tout à fait favorable», indique Ben Ahmed.
Faire une croix sur le passé
L'avènement du Fonds Mohammed VI pour l'investissement est qualifié d'événement «stratégique» par Nadia Fettah, ministre de l'Economie et des Finances. Pour elle, la 20ème des équipes de gestion actuellement sur le marché n'est pas suffisante pour accompagner la nouvelle dynamique qui sera insufflée par le fonds. Elle ajoute qu'il est anormal que le capital marocain ne soit pas assez mobilisé. «Il faut davantage expliquer, communiquer et rassurer. Il faut faire un examen post-mortem de façon officielle pour aller de l'avant» , note-t-elle.
La ministre rappelle que les institutionnels sont accompagnés par les régulateurs financiers et qu'il faut les intégrer dans cette réflexion pour pouvoir aller de l'avant. Nadia Fettah attire l'attention du marché sur la profondeur du Deal flow : «On ne peut plus être passif et attendre les bons dossiers qu'ils viennent à nous. Il faut aller sur le terrain, rechercher et créer du Deal flow». Et de conclure que le capital-investissement marocain ne peut pas se satisfaire de sa position sur le marché africain, notamment l'Egypte, que le Maroc doit rattraper.