On devrait assister à une baisse du pouvoir d’achat des ménages de 1,5% en 2022 au lieu d’une croissance moyenne de 1,1% entre 2015 et 2019.
Certains fiscalistes proposent de façon provisoire des réductions ou exonérations d’impôts, notamment en matière de TIC et de TVA.
Par M. Diao
L’une des conséquences les plus perceptibles de la crise liée à la Covid-19 et des poussées inflationnistes est la dégradation du pouvoir d’achat des ménages. D’ailleurs, le Maroc devrait enregistrer un taux d’inflation de 4,9% en 2022. Les nouveaux chiffres du hautcommissariat au Plan (HCP) relatifs au pouvoir d’achat des ménages sont édifiants. Concrètement, la flambée des prix des matières énergétiques, laquelle engendre la hausse des cours d’autres produits de base, devrait entraîner une baisse du pouvoir d’achat des ménages de 1,5% en 2022 au lieu d’une croissance moyenne de 1,1% entre 2015 et 2019.
Face à cette situation peu favorable à la demande intérieure, composante essentielle de la croissance au Maroc, n’est-il pas opportun pour le gouvernement de mettre à contribution la fiscalité afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages ? Rappelons qu’après sa forte hausse en 2021, la demande intérieure devrait enregistrer un ralentissement de l’ordre de 1,3% en 2022. Celle-ci devrait être entravée par la décélération prévue de la consommation des ménages à 1,6%, qui ne contribuerait que de 0,9 point à la croissance en 2022 (contre 4,8 points en 2021).
«L’on constate que le gouvernement, à travers quelques «mesurettes» (accompagnement des transporteurs), tente de limiter l’impact de la hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures sur les consommateurs. Or, il est souhaitable que l’Exécutif utilise davantage la fiscalité qui est un puissant levier de protection du pouvoir d’achat des ménages marocains», souligne Hicham Mouchir, économiste et expert-comptable. A noter que l’Etat a octroyé une enveloppe dotée d'environ 2,2 milliards de dirhams pour aider les transporteurs routiers.
Quelques pistes
Mouchir, qui rappelle la suspension des droits d’importation du blé, face à la flambée des prix sur le marché international, ne manque pas de pointer du doigt le manque d’ingéniosité du gouvernement sur le plan fiscal.
«Au regard de la situation actuelle, il est évident que l’Etat doit renoncer de façon ponctuelle à une partie de la TIC sur les hydrocarbures pour soulager la bourse des ménages appartenant aux classes moyenne et populaire», suggère-t-il, en étant cependant conscient du fait que le renoncement à une catégorie de recettes fiscales peut avoir pour conséquence l’accentuation du déficit budgétaire déjà élevé. Pour preuve, le HCP table sur un déficit budgétaire de 5,4% du PIB en 2022 et 5,5% du PIB en 2023. «Dans le cas de figure actuel, la baisse des recettes de la TIC sur les hydrocarbures pourrait être compensée par la contraction des dépenses fiscales qui sont très importantes au Maroc», suggère l’économiste.
En clair, il est question de revoir les réductions et exonérations d’impôts accordées à plusieurs secteurs, tout en mettant à contribution, de façon ponctuelle, des branches peu impactées par la hausse généralisée des prix (banques, télécoms, hydrocarbures, etc.). Pour Mouchir, dans l’otique de protéger le pouvoir d’achat des ménages, comme cela a été préconisé récemment par le HCP, l’Etat devrait aussi exonérer ou réduire provisoirement le taux de TVA de certains produits et services. Au-delà des propositions fiscales passées en revue, Hicham Mouchir fait preuve de réalisme.
«Il est quasi impossible d’utiliser le levier fiscal pleinement pour protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens sans l’adoption d’une Loi des Finances rectificative. Or, le gouvernement a exprimé clairement son opposition à l’adoption d’une LFR 2022», regrette notre interlocuteur. Ce dernier juge opportune la confection d’une LFR 2022 tenant compte des nouvelles réalités nationales (sécheresse, contraction de la croissance…) et internationales (hausse des prix des produits énergétiques et alimentaires…).