Après une année de lutte contre l'inflation, Bank Al-Maghrib estime désormais que le taux directeur permet d'atteindre les objectifs. Un tournant.
Par A. Hlimi
Voici sans doute la principale phrase à retenir du dernier Conseil de Bank Al-Maghrib pour cette année 2023. Selon le wali, «le niveau actuel à 3% permet un retour de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix». Ceci sous-entend que si l’inflation poursuit sa trajectoire baissière, la Banque centrale va en finir avec son cycle restrictif qui aura duré 15 mois, où le taux directeur a été augmenté de 150 points de base à raison de 50 pb par réunion en septembre 2022, décembre 2022 et mars 2023.
Les plus avertis remarqueront également que les taux réels repassent en territoire positif pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, synonyme là aussi d’un retour à la normale. La perspective d’un plafond du taux directeur devrait rassurer les marchés sur l’orientation future de la politique monétaire. D'autant plus que le Conseil a également relevé que les anticipations d’inflation à moyen terme, telles qu’elles ressortent de l’enquête trimestrielle de BAM, ont continué de diminuer au quatrième trimestre 2023.
Dans cette enquête, 63% des répondants anticipent une stagnation de l’inflation au cours des trois prochains mois, 30% tablent sur une hausse, tandis que 7% s’attendent à une baisse. Par ailleurs, l’enquête de Bank Al-Maghrib sur les anticipations d’inflation, conduite auprès des experts du secteur financier pour le quatrième trimestre 2023, montre que ces derniers anticipent une inflation moyenne de 3,3% à l’horizon des huit prochains trimestres, au lieu de 3,9% lors de l’édition précédente.
Sur l’horizon des 12 prochains trimestres, leur anticipation s’établit à 3,2% au lieu de 3,5%. Les enquêtés estiment que l’évolution de l’inflation au cours des huit prochains trimestres dépendra essentiellement des cours mondiaux des matières premières hors pétrole, des prix à la pompe et des décisions de politique monétaire. Dans la précédente enquête, menée le trimestre précédent, les craintes étaient plutôt relatives à l'inflation chez les pays partenaires. «Tenant compte des nouvelles projections d’inflation de BAM sur la période 2023E-2025E et sur la base de notre propre analyse, nous ressortons avec deux hypothèses fortes pour 2024.
Premièrement, la désinflation au Maroc devrait se poursuivre. D’une part, le net ralentissement de la demande mondiale et la détente des prix énergétiques devraient se refléter sur la composante importation. Par ailleurs, les mesures budgétaires de soutien du pouvoir d’achat et la poursuite de la transmission des hausses de taux directeur vers l’économie réelle devraient atténuer les tensions sur les prix domestiques en 2024», prévoient Lamyae Oudghiri et Meryeme Hadi, deux spécialistes des questions monétaires dans une note de recherche d’Attijari Global Research, en réaction au Conseil de BAM.
Pour ces analystes, un pivot monétaire de la FED et de la BCE est attendu en 2024. En effet, «en marge de la baisse prévue de l’inflation à l’international, les grandes Banques centrales, en l’occurrence la FED et la BCE, pourraient entamer un nouveau cycle d’assouplissement monétaire à travers des baisses de taux débiteurs dès le S1-24», prévoient les analystes d’AGR. La grande question est désormais de savoir si la Banque centrale marocaine va entamer à son tour un cycle baissier des taux.
Interrogé sur cette éventualité au Maroc, Abdellatif Jouahri a éludé la question, expliquant qu'il «est encore tôt pour en parler», avant de se projeter sur un horizon plus long. Selon lui, le Conseil doit désormais donner la priorité à la prochaine étape de flexibilité qui sera accompagnée par une politique monétaire plus réactive. Cela passe par une actualisation des modèles de données de la banque pour mieux fonder ses décisions. Le wali a insisté sur la nécessité de préparer l'ensemble des parties prenantes avant de passer à cette première phase, indiquant qu'il ne sent pas encore que les opérateurs sont tout à fait prêts.
Le marché y croit
Pour AGR, en marge des reflux des tensions inflationnistes au Maroc et à l’international à compter de 2023, BAM devrait se focaliser désormais sur les nouveaux défis économiques du Royaume. Il s’agit du soutien à l’investissement et à la croissance, à l’image de la réhabilitation de la région du Sud suite au séisme, et de la co-organisation de la coupe du monde en 2030.
Les nouvelles projections économiques dévoilées par BAM émettent des signaux forts quant à son orientation future en 2024. L’inflation devrait converger vers l’objectif de stabilité à 2% dès 2024. Dans ces conditions, le scénario central d’AGR prévoit bel et bien une phase d’assouplissement monétaire en 2024, à l’instar des grandes Banques centrales à l’international et tenant compte des nouveaux enjeux du Royaume.