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Politique monétaire: Bank Al-Maghrib change de logiciel

Politique monétaire: Bank Al-Maghrib change de logiciel

Fini l’argent bon marché : Bank Al-Maghrib veut sabrer l’inflation et ancrer les anticipations des opérateurs sur le sujet.

Un exercice périlleux et qui causera nécessairement des dommages collatéraux. 

 

Par A. Hlimi

Bank Al-Maghrib a relevé son taux directeur de 0,5% mardi. C’est la première hausse depuis 2008. Qui plus est, elle porte sur 50 points de base. En conférence de presse post-Conseil, Abdellatif Jouahri concède que les discussions au sein du Conseil portaient sur le choix entre 50 et 75 points de base. Autant dire que l’on est passé à côté d’une décision encore plus radicale et inédite si la deuxième option avait été retenue. 

 

Réaction immédiate des marchés

Ce Conseil a duré plus longtemps que d’habitude. Et au final, la décision correspond au haut de la fourchette des anticipations des analystes. Le communiqué de la Banque centrale, tombé à 15H00, n’a d’ailleurs pas manqué de faire chavirer la Bourse pendant les 30 dernières minutes de cotation, provoquant une baisse de l’indice Masi de plus de 1% immédiatement après l’annonce. Pour les professionnels des placements, les marchés des capitaux vont passer par des moments houleux à court terme, que ce soit sur la composante actions ou taux. Sur ce deuxième compartiment, les prochaines séances vont mécaniquement intégrer cette décision et consolider un mouvement haussier qui inquiète déjà le Trésor depuis quelques mois.  Et si la Bourse a agi de la sorte, c’est parce qu’elle anticipe ce qui risque de se passer pour l’économie réelle. Une hausse aussi franche du taux central aura des répercussions sur le coût du crédit bancaire, dont la croissance est déjà en berne, et ce aussi bien pour les ménages, les entreprises que pour l’Etat. 

 

Pourquoi un tel revirement de situation

En juin dernier, le Wali de Bank Al-Maghrib expliquait clairement que le caractère importé de l’inflation ne demandait pas de réponse monétaire de la Banque centrale. 3 mois plus tard, la donne semble changer. «La conjoncture internationale reste marquée profondément par les séquelles de la pandémie et les implications de la guerre en Ukraine, à travers notamment la persistance du renchérissement des produits énergétiques et alimentaires, ainsi que des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Ces évolutions poussent l’inflation vers des niveaux exceptionnellement élevés», a relevé le Conseil. Et d’ajouter : «L’inflation continue d’être alimentée par des pressions d’origine externe, mais les dernières données disponibles montrent une large diffusion vers les prix des produits non échangeables». Et Abdellatif Jouahri d’expliquer encore plus la décision de BAM en s’appuyant sur des chiffres : «La diffusion de la hausse de l’inflation s’élargit. Sur les 116 sections de produits et services qui composent le panier de l’indice des prix à la consommation, 60,3% ont connu une augmentation de plus de 2% en août contre 42,2% en janvier et 23% en moyenne entre 2018 et 2019», a-t-il expliqué. Outre la diffusion de l’inflation aux produits non échangeables, la Banque centrale souhaite envoyer un signal aux opérateurs, en ancrant leurs anticipations d’inflation. En d’autres termes, en cassant la spirale des anticipations auto-alimentées.

 

La croissance inférieure à 1%

Au niveau national, le Conseil a noté que l’économie continue de pâtir de l’environnement externe défavorable et des répercussions d’une sécheresse particulièrement sévère, avec une nette décélération de la croissance et une forte accélération de l’inflation. Par rapport à ses prévisions de juin, Bank Al-Maghrib table désormais sur un niveau d’inflation nettement plus élevé en 2022, suivi d’un ralentissement moins marqué en 2023. Au niveau national, la croissance économique marquerait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, un net ralentissement cette année à 0,8%, résultat d’un recul de 14,7% de la valeur ajoutée agricole et d’une décélération à 3,4% du rythme des activités non agricoles. En 2023, elle s’accélérerait à 3,6% en lien avec la hausse prévue de 11,9% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne de 75 millions de quintaux.

Les activités non agricoles continuent en revanche de ralentir, leur rythme devant revenir à 2,5%. Abdellatif Jouahri a expliqué que la décision prise en juin aura un impact limité compris entre 0,1% et 0,2% sur la croissance. Un chiffre qui ne fait pas l'unanimité auprès des opérateurs économiques. Mais pour Jouahri, «l’enclenchement de spirales inflationnistes auto-entretenues est jugé plus néfaste pour la croissance à long terme qu’un resserrement rapide». Comprenez par là qu'un sacrifice est nécessaire pour freiner la hausse des prix. En outre, Abdellatif Jouahri s’engage à contrôler la répercussion de la hausse du taux directeur par les banques sur les clients, pour éviter tout dérapage et la réalisation de marges indues. 

 

Quel rôle pour le gouvernement ?

Stopper l’inflation n’est pas uniquement du ressort de la Banque centrale. Le gouvernement doit aussi jouer un rôle de régulateur dans des secteurs clés où la tentation de spéculer est importante en temps de crise. Le dernier avis du Conseil de la concurrence sur les pétroliers est là pour nous le rappeler. Ce rapport, qui conclut que «la concurrence par les prix sur ces marchés est quasi-inexistante, voire neutralisée», montre qu’avec la politique monétaire la plus restrictive qui soit, sans régulation de la part des politiques, la frontière entre anarchie et libéralisme demeure fine. 

 

Le déficit au-dessus de 5% en 2022 et 2023

Au niveau des finances publiques, l’exécution budgétaire au titre des huit premiers mois de l’année fait ressortir une amélioration de 24,5% des recettes ordinaires, portée principalement par l’augmentation des rentrées fiscales.  En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 13,1%, reflétant en particulier la hausse de la charge de compensation. Tenant compte notamment de la progression attendue des recettes fiscales, de la mobilisation des ressources au titre des financements spécifiques ainsi que de l’évolution prévue de la charge de compensation, le déficit budgétaire devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, passer de 5,9% du PIB en 2021 à 5,5% en 2022 avant de s’atténuer à 5,0% en 2023.

 

Sortie à l’international : C’est compliqué 
Revenant sur le sujet d'une éventuelle sortie du Trésor sur le marché international, Jouahri a souligné que le Trésor peut mobiliser l'ensemble des outils à l'extérieur sous toutes leurs formes, et ce auprès des organisations internationales et des partenaires bilatéraux. Au niveau du financement du Trésor, «il existe au moins deux sources auprès de nous que le Trésor peut utiliser», à savoir la ligne de précaution et de liquidité (LPL) et les droits de tirage spéciaux (DTS), a précisé le gouverneur de BAM. «Rien ne s'oppose à ce que le Trésor utilise ces deux sources. Ce n'est pas contraire au statut de BAM ni aux statuts des organisations internationales, notamment le FMI avec qui nous avons négocié la LPL et les DTS», a-t-il assuré. Ces outils permettraient au Trésor d’éviter une sortie sur les marchés en Dollar alors que les spreads explosent un peu partout dans le monde. 

 

 

 

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