La circulaire récapitulant le détail des dispositions fiscales relatives au Budget 2016, de la Direction générale des impôts, est enfin publiée. Entre autres dispositions étayées par des exemples pratiques, celle du plafonnement du montant des charges déductibles dont le règlement peut être effectué en espèces à 10.000 DH par jour et par fournisseur. Pour vaincre l’informel et les transactions illicites, les dispositions fiscales restent somme toute limitées. D’autres voies sont à explorer : dans certains pays, les commerçants sont obligés légalement de se doter de terminaux de paiement…
Avant la Loi de Finances 2016, l’article 11-II du Code général des impôts prévoyait que ne sont déductibles du résultat fiscal qu’à concurrence de 50% de leur montant, les dépenses afférentes aux charges dont le montant facturé est supérieur ou égal à 10.000 DH et dont le règlement n’est pas justifié par chèque barré non endossable, effet de commerce, moyen magnétique de paiement, virement bancaire, procédé électronique ou par compensation.
En vue d’inciter les entreprises à plus de transparence dans leurs transactions et dans un but de lutter contre l’informel, l’article 8 de la LF 2016 a modifié les dispositions de l’article 11-II pour prévoir que les charges, dont le règlement n’est pas justifié par les moyens de paiement précités, ne soient admises en déduction du résultat fiscal que dans la limite de 10.000 DH, par jour et par fournisseur et sans que le montant mensuel de ces charges dépasse 100.000 DH par fournisseur. «Les modalités de 10.000 DH et de 100.000 DH précités s’entendent taxe sur la valeur ajoutée comprise», lit-on dans la présente circulaire.
Dans ce cadre, il est également prévu dans le même article précité que concernant les immobilisations acquises, et dont le règlement n’est pas justifié par les moyens de paiement précités, les dotations aux amortissements relatives à ces immobilisations ne sont pas déductibles du résultat fiscal. Aussi, en matière de TVA, à compter du 1er janvier 2016, la TVA n’est déductible que dans la limite de 10.000 DH TTC des achats, travaux ou prestations de services par jour et par fournisseur et ce, dans la limite de 100.000 DH TTC par mois et par fournisseur. Cette nouvelle disposition met un terme au fractionnement de 10.000 DH en deux opéré par certains agents pour contourner la loi et pouvoir bénéficier de la déduction du résultat fiscal.
Ces dispositions ont toutes une raison d’être dans un contexte où la traçabilité des transactions requiert de plus en plus d’importance. Reste qu’elles sont parfois insuffisantes.
Des pistes à investir…
La lutte contre le paiement au comptant de sommes importantes (le ratio paiement/retraits cash sur GAB ne dépasse guère 7% au Maroc) pourrait revêtir plusieurs formes. A ce titre, que fait le Centre monétaire interbancaire (CMI) pour encourager le paiement magnétique ? «Il est important de développer la monétique pour lutter contre la fraude et généraliser l’utilisation des cartes bancaires dans les opérations de paiement», explique un banquier. Ce qui déplait à Michael Naciri, Directeur général du Centre monétique interbancaire : «Depuis 3 ans, le CMI a réorienté sa stratégie en mettant l’accent sur les commerces de proximité, à savoir les épiceries, pharmacies, médecins, pressings, snacks et restauration rapide, boucheries, marchands de fruits et légumes etc… afin de favoriser les petits paiements par les porteurs de cartes». Il s’empresse toutefois d’ajouter : «Nous nous heurtons malheureusement à quelques contraintes pour élargir notre réseau d’acceptants dans des secteurs où prédomine encore l’informel et le «noir». Nombre de nos prospects refusent toujours de s’équiper en Terminaux de paiement, pour éviter toute traçabilité de leur chiffre d’affaires sur leur compte bancaire».
Il reste tout de même confiant, prétendant que dans les prochains mois et années, le lancement par les banques des cartes sans contact et l’équipement par le CMI de près de 2.000 commerçants en TPE acceptant cette technologie, porteront certainement les fruits escomptés.
D’aucuns considèrent que les commissions prélevées par le CMI sont importantes et, du coup, les commerçants refusent le paiement par cartes bancaires. Un fait que rejette en bloc le DG du CMI qui argumente ses propos par des chiffres : «Malgré des baisses importantes du taux de commission auprès des commerces de proximité (la commission est de 0.9% HT pour les épiciers, boulangers, papeteries, …, 1% pour les superettes et 1,5% pour les pharmacies et médecins), nous n’avons pas constaté d’augmentation importante des chiffres d’affaires auprès de ces segments de clients». On ne peut plus clair.
Face à cette réticence et défiance des commerçants, n’est-il pas judicieux de rendre obligatoire l’usage des TPE (à l’instar des comptes bancaires) pour limiter le paiement cash et pour une meilleure traçabilité de l’argent? M. Naciri nous révèle que justement, entre autres initiatives prises dans certains pays pour favoriser l’acceptation des paiements électroniques, il y a l’obligation pour tout commerce de détail de s’équiper en terminaux de paiement préalablement à l’obtention de l’autorisation d’exercer. «Mieux encore, certains pays ont lancé la télédéclaration des transactions électroniques directement depuis le terminal de paiement à l’Administration fiscale, favorisant ainsi la transparence et la traçabilité des encaissements effectués par les petits commerces», assure le DG du CMI.
Dans un contexte très conflictuel où l’argent coule à flot, au profit même d’actes illicites et dangereux, le Maroc est appelé à faire preuve de vigilance, d’audace et à s’aligner aux standards internationaux.
La «fraude à la caisse enregistreuse» : un exemple à méditer !
Elle consiste à effacer une partie des recettes de la comptabilité d’un établissement, via des logiciels frauduleux installés sur les caisses de paiement qui délivrent des tickets de caisse ne faisant pas apparaître l’opération et fait perdre au Budget de l’Etat des sommes faramineuses. A l’instar d’autres pays, le Maroc n’est pas épargné.
Dans un pays comme l’Hexagone, le ministre des Finances, Michel Sapin, s’est attaqué au problème de la fraude des caisses enregistreuses. Inscrite dans le cadre de la Loi de Finances 2016, une mesure visant la transparence et la traçabilité veut obliger 500.000 commerçants à s’équiper d’un logiciel de caisse sécurisé. Ceux qui refuseront sont passibles d’une amende de 5.000 euros.
Soubha Es-Siari